Le soir d’une élection, traditionnellement, tout le monde est content. Les élections consulaires n’ont pas échappé à la règle. Pourtant, la joie n’était vraiment nulle part.
Bon, ce ne fut pas le soir, puisqu’il fallut attendre deux jours pour que les résultats soient rendus publics. La transparence et l’application de la loi restent au bon vouloir de l’administration. Etrange, puisque la règle électorale exige que le dépouillement soit public et le résultat immédiat. Sauf pour les Français de l’étranger ?
La règle électorale exige que le dépouillement soit public, le résultat immédiat.
Que le ministère conserve les résultats, notamment ceux du vote électronique, qui correspond à 85% des suffrages exprimés, serait considéré suspect par n’importe quel organisme international spécialisé dans l’observation des processus électoraux. Mais l’administration n’est pas suspecte, sinon de mauvaise organisation.
Quoique : Etrange de voir dans ces élections, l’avantage donné à certains candidats, qui ont bénéficié, en plus des adresses électorales, des numéros de téléphone des électeurs. Une erreur ? Erreur encore, bien pardonnable, de certains consuls qui likaient tel candidat sur Facebook. Réminiscence des candidatures officielles, oubli de neutralité ? Qu’importe, ce genre de soutien n’a pas un poids électoral déterminant, il n’est utile que pour la carrière.
Jamais la participation n’a été aussi faible: Moins de 15%
Plus qu’étrange, surprenante, l’autosatifaction sur le « succès » de ces élections : « une augmentation de 11% des votes ». Effectivement, il y a 20.000 électeurs de plus que lors des dernières élections. Mais il y a aussi 250.000 électeurs supplémentaires ! Jamais la participation n’a été aussi faible: Moins de 15%, un record, en effet, à la baisse. La langue de bois perd le goût de la réalité, un effet du virus ?
Un candidat élu avec 20% des voix, -joli score- aura obtenu 3% des suffrages des électeurs inscrits. Misère du suffrage universel.
Une première explication est bien l’organisation du vote : A tout concentrer sur le vote électronique, on a dérouté certains électeurs. Ainsi, 80.000 connexions ont échoué ; des gens, forcément, qui voulaient voter. Certains ont finalement réussi, d’autres non. Les témoignages abondent, comment les quantifier ? 80.000 sur 179.000 votants, c’est beaucoup.
La suppression du vote par correspondance a été une faute pourtant annoncée. Celle de nombreux bureaux de vote aussi. Elle a découragé ceux qui ne sont pas des habitués de la révolution digitale, pour lesquels voter restait un rite, voire une fête. Si l’on supprime des bureaux de vote et le vote par correspondance, il est évident que le vote électronique monte à 85%, mais que la participation baisse.
Oser la démocratie jusqu’au bout, confier aux élus consulaires une partie de la responsabilité des Consuls
La deuxième explication, peut-être la principale, est le manque d’enjeux. Pourquoi voter pour des élus que l’on connait si peu (tant les circonscriptions sont vastes), qui n’ont pas de pouvoir ? Si l’on veut donner du sens à ce vote, il faut oser la démocratie jusqu’au bout, confier aux élus consulaires une partie de la responsabilité des Consuls. C’est le cas des maires en France. C’est encore plus pertinent à l’étranger.
Dans notre consultation du 03 au 06 juin 2021, parmi les 6000 expatriés qui ont répondu (en moins de trois jours) la moitié ne connait pas les fonctions des élus consulaires. Mais 55% pensent que ceux-ci peuvent améliorer leur vie quotidienne. Et 70% participeraient à une élection pour choisir le Consul. Ils sont 85% à penser que les Expats doivent participer à la gestion du réseau consulaire, presqu’autant que ceux (90%) qui pensent que les Expats doivent continuer à participer à la vie de la Nation. Démocratie pas morte, désir de démocratie moins encore.
70% des Expats participeraient à une élection pour choisir le consul.
Un pays moderne est celui dans lequel les citoyens sont les décideurs, le plus directement possible. Il est temps de réfléchir à une nouvelle organisation des élections, à une nouvelle organisation du Ministère, à une nouvelle répartition des pouvoirs, à de nouveaux modes de décision, de participation, de gestion. En pleine révolution digitale, démocratique, dans un maelstrom scientifique, économique, écologique, politique, international, qui peut se satisfaire d’élections ignorées par 85% des citoyens ?
Qui peut se satisfaire d’élections ignorées par 85% des citoyens ?
D’autres auraient dit : c’est insuffisant, nous allons nous interroger, nous allons nous remettre en cause, il faut être plus en adéquation avec les vraies gens, les vrais citoyens, le vrai monde. Voilà, au lieu des satisfecits et des langues de bois, ce qu’auraient pu dire des responsables sincères et lucides.
A tous ceux qui ont osé, élus ou non, merci et bravo.
Ce sera une prochaine fois. Parce que d’ici là, les élus consulaires, malgré si peu de participation, auront su faire de leur mandat, un outil, un levier, une passion. Désir qui a animé, élus ou non, tous les candidats. A tous ceux qui ont osé, élus ou non, et qui ont tenté de faire vivre une démocratie ô combien imparfaite, merci, et bravo.
Aux autres ce message : la rapidité, de la suppression des intermédiaires, de la mise en cause d’autorités qui n’en sont plus, de sachants qui ne savent plus, de contrôleurs qui ne contrôlent plus. Soit l’Etat s’adapte, soit il se morfond et entraine dans son sommeil le système démocratique. Il est urgent de se remettre en cause, à tous les niveaux, y compris les heureux élus.
Laurent Dominati
A. Ambassadeur de France
A. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press
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