Les mirages de l'État stratège

Les mirages de l'État stratège

L’État est de retour. Le marché est jugé myope, incapable d’anticiper demain et après-demain, quand l’État est capable d’investir dans les technologies, dans les infrastructures d’avenir sans être prisonnier des règles traditionnelles de rentabilité.

L’Etat stratège appelé à suppléer le capitalisme défaillant

Le marché est accusé de nombreux maux, notamment ceux d’avoir contribué au réchauffement climatique et de favoriser la montée des inégalités. La crise sanitaire et la transition énergétique légitiment le retour de l’interventionnisme étatique sachant que celui-ci n’avait guère disparu au sein des pays occidentaux, et tout particulièrement en France. L’épidémie de Covid et l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont remis au goût du jour le concept d’’économie de guerre. Les situations d’urgence auxquels les pays ont été confrontés ont contraint les États à intervenir massivement que ce soit pour compenser les pertes de revenus ou pour organiser certaines productions ou prestations. L’État stratège est ainsi appelé à suppléer le capitalisme défaillant. Or, cette dichotomie bien établie apparaît fragile. La supériorité supposée de l’État bute sur les faits.

En ce qui concerne la production d’électricité, la France a perdu son rang de premier exportateur européen. EDF, possédée à 83% par l’État avant d’être complètement renationalisée, n’a pas été en mesure d’anticiper l’évolution de la demande et le vieillissement de son parc de réacteurs nucléaires. L’entreprise publique paie l’arrêt de la construction de nouvelles centrales durant près de trente ans et les tarifs de vente de l’électricité à ses concurrents imposés par l’autorité de tutelle.

État rarement stratège

La SNCF aurait accumulé un retard d’investissement atteignant une centaine de milliards d’euros sachant qu’elle a transféré récemment un montant équivalent de dette à l’État.

Si la France dispose d’un réseau d’autoroutes, elle le doit avant tout aux concessions effectuées au profit du secteur privé. L’État a été bien peu stratège en ce qui concerne l’informatique et les techniques de l’information et de la communication. Si Internet puise ses origines dans des innovations développées par les pouvoirs publics, son essor est le fruit de l’initiative privée et de la concurrence.

Face au vieillissement de la population, l’État a opté pour la politique de l’autruche. La problématique du financement de la retraite est connue de longue date sans pour autant que cela conduise à l’adoption de mesures adaptées pour les régimes de base. En revanche, l’AGIRC/ARRCO, régime complémentaire du secteur privé, a constitué des réserves. Certes, sous Lionel Jospin, a été créé le Fonds de Réserve des Retraites mais les dotations prévues n’ont pas été honorées et, depuis 2010, il participe au financement des déficits sociaux du passé.

La vision des pouvoirs publics est de plus en plus à court terme

En matière de dépendance, les gouvernements ont pris le parti de laisser le temps au temps en reportant de quinquennat en quinquennat la discussion d’une grande loi sur le sujet. L’État visionnaire est également mis à mal pour l’accès au logement. La France, pays qui dépense le plus dans le monde, de l’ordre d’une quarantaine de milliards d’euro par an, souffre depuis plusieurs décennies d’une pénurie de logements contribuant à la hausse des prix de l’immobilier. Les jeunes actifs éprouvent des difficultés croissantes pour se loger. Or aussi étrange que cela puisse paraître, aucun plan d’envergure n’a été proposé pour endiguer ce problème.

L’État est appelé en permanence à soigner les maux du quotidien

La vision des pouvoirs publics est de plus en plus à court terme avec, comme conséquence, une diminution des dépenses en faveur de l’investissement. Dans une société à haute sensibilité sur fond de faible consensus, l’État est appelé en permanence à soigner les maux du quotidien. Tenté par l’omniscience, il en devient hégémonique et impuissant. A force de vouloir être sur tous les fronts, il éprouve les pires difficultés à atteindre les objectifs qu’il s’est assigné.

Une société n’est réellement libre, une économie n’est réellement compétitive qu’avec des pouvoirs séparés respectant le principe de subsidiarité, principe en vertu duquel une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches ne pouvant être réalisées de manière efficiente au niveau local.

La France est un mille-feuille administratif qui déresponsabilise l’ensemble des acteurs. Si l’État a depuis 1982, transféré une part non négligeable de ses compétences, il a conservé voire renforcé son pouvoir normatif aiguillonnant ainsi les politiques locales. Ce labyrinthe institutionnel est une source de complexité et de surcoûts.

Au niveau social, les gouvernements réclament un sens élevé des responsabilités de la part des partenaires sociaux, mais ne permettent pas à ces derniers de les exercer en interférant en permanence dans les négociations sociales. L’État fixe les thèmes et le calendrier, ce qui amène les acteurs sociaux à opter pour des postures idéologiques. La fixation de champs de compétences protégés avec des possibilités limitées d’intervention de l’État serait un moyen de responsabilisation des collectivités locales comme des partenaires sociaux.

Une séparation claire des pouvoirs permettrait à l’État d’être dans une position de régulation et de contrôle.

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