Les frontières européennes rouvrent en ordre dispersé

Les frontières européennes rouvrent en ordre dispersé

Après pratiquement trois mois de confinement et de restrictions, l’UE rouvre lentement ses frontières dans l’espoir de sauver le secteur du tourisme cet été. Mais les États membres suivent leurs propres calendriers et leurs propres règles.

Le 11 juin, la Commission européenne a formulé des recommandations aux États membres pour rouvrir complètement les frontières au sein de l’espace Schengen à partir du 15 juin et permettre aux voyageurs de certains pays tiers d’entrer dans l’Union à partir du 1er juillet.

« Ce ne sera pas un été normal… Mais si nous jouons tous le jeu, nous n’aurons pas à rester coincés chez nous cet été ou à tirer un trait [sur la saison estivale] dans le cas de l’industrie du tourisme », a déclaré Margrethe Vestager, la vice-présidente de la Commission. Le secteur touristique représente près de 10 % de l’économie européenne. Les pays du sud de l’Europe, comme la Grèce, l’Italie et l’Espagne, qui figurent parmi les destinations les plus populaires du continent, font déjà face à des dettes en raison de l’impact du coronavirus. Début mai, l’exécutif européen avait conseillé aux États membres de ne pas faire cavalier seul et de coordonner les réouvertures. Mais certains pays n’ont pas suivi la recommandation du 15 juin et ont déjà partiellement rouvert leurs frontières, tandis que d’autres sont encore à la traîne.

Les pressés

Quelques États membres ont décidé de lever les restrictions avant la date fixée par la Commission et ont parfois priorisé l’ouverture de certaines frontières avant d’autres. C’est notamment le cas de la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, qui ont levé les restrictions de déplacement à l’intérieur de la Baltique le 15 mai, créant ainsi une « bulle touristique balte ». La Pologne a ouvert ses frontières aux citoyens européens le samedi 13 juin. « Nous devons rétablir les échanges commerciaux avec les autres États membres », a déclaré le Premier ministre du pays, Mateusz Morawiecki. Après avoir fermé ses frontières à la mi-mars et imposé une quarantaine obligatoire de deux semaines à tous les citoyens qui retournent chez eux, la Hongrie a commencé à rouvrir ses frontières en mai. Mais pour l’instant, seuls les citoyens de certains États membres peuvent entrer directement dans le pays, tandis que les autres doivent se mettre en quarantaine. Depuis le 3 juin, l’Italie a ouvert ses frontières à tous les citoyens de l’UE, du Royaume-Uni et de l’espace Schengen. La quarantaine n’est pas nécessaire, sauf s’ils ont séjourné dans un autre pays au cours des deux dernières semaines. La Croatie a également décidé le 3 juin d’autoriser les personnes en provenance de dix États membres à entrer dans le pays librement. Les ressortissants d’autres territoires devront donner une raison valable pour justifier leur déplacement — bien qu’une réservation d’hébergement suffise.

La Slovénie a rouvert ses portes aux touristes européens depuis le 26 mai, et tous les voyageurs qui proviennent d’une liste de 17 pays considérés comme sûrs sur le plan épidémiologique pourront fouler le sol slovène à partir du 8 juin.

Le 1er juin, la Bulgarie a ouvert ses frontières aux citoyens de l’UE, du Royaume-Uni, de Saint-Marin, d’Andorre, de Monaco, du Vatican, de la Serbie et de la Macédoine du Nord, ainsi qu’au personnel médical et aux membres de la famille des citoyens bulgares.

Ceux qui temporisent

Depuis le 16 mai, l’Allemagne rouvre progressivement ses frontières. Cette réouverture a toutefois provoqué de longs embouteillages à la frontière germano-danoise lundi 15 juin ; l’Allemagne a donc arrêté de contrôler les entrées dans le pays à partir de minuit et a abaissé les recommandations faites aux voyageurs de la plupart des États membres, excepté l’ l’Espagne, la Finlande, la Norvège et la Suède.

L’Autriche a également décidé d’ouvrir toutes ses frontières lundi. Les personnes entrantes ne devront plus présenter de test négatif du COVID-19, ni passer deux semaines en quarantaine. Seule une mise en garde spéciale reste en vigueur pour la Lombardie.

Le 15 juin marque aussi l’ouverture des frontières en Belgique. Toutefois, en raison du nombre élevé de décès par habitant, les Belges eux-mêmes sont confrontés à certaines restrictions de voyage : l’Autriche, l’Islande, le Royaume-Uni et l’Estonie accueilleront les voyageurs belges sous certaines conditions, comme une quarantaine obligatoire, tandis que la Bulgarie, la Norvège, Chypre, l’Espagne et la Grèce ne les acceptent pas encore sur leurs territoires.

La France voisine a rouvert ses frontières à tous citoyens de l’UE, sans quarantaine nécessaire. Mais les Britanniques seront soumis à la même période de confinement de deux semaines que celle qui est obligatoire pour les visiteurs au Royaume-Uni.

Les citoyens roumains en provenance de certains pays devront s’isoler pendant deux semaines dès leur arrivée. C’est notamment le cas de l’Italie et l’Espagne, les deux États membres les plus durement touchés par la pandémie en Europe, et qui accueillent aussi le plus grand nombre de migrants roumains sur leur sol.

La Finlande, qui a autorisé les voyages d’affaires et autres déplacements nécessaires au sein de l’espace Schengen le 14 mai, a levé ses restrictions frontalières avec l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Danemark, la Norvège et l’Islande à partir du 15 juin.

Les retardataires

Cependant, tous les États membres ne prévoient pas de rouvrir immédiatement leurs frontières aux voyageurs européens.

Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a annoncé dimanche 14 juin que son pays rouvrirait ses frontières au reste de l’UE, sans quarantaine, à partir du 21 juin. En outre, les personnes originaires du Portugal ou d’États en dehors de l’espace Schengen ne pourront venir en Espagne qu’à partir du 1er juillet, à condition que la situation épidémiologique du pays soit similaire ou supérieure à celle de l’UE.

La Grèce, qui a ouvert le pays le 15 juin aux touristes de pays présentant une situation épidémiologique similaire, a mis sur sa liste rouge les voyageurs de Belgique, de France, d’Italie et des Pays-Bas jusqu’au 1er juillet. Les arrivées en provenance de régions fortement touchées par le coronavirus, dont la région parisienne, Madrid et la Lombardie, devront passer leur première nuit dans un hôtel spécifique.

Le Danemark a volontairement décidé de s’isoler en ne rouvrant pas ses frontières avant le 1er septembre au plus tôt, sauf pour les touristes d’Allemagne, de Norvège et d’Islande, s’ils logent au minimum pendant six jours dans le pays, ainsi que pour les voyageurs finlandais et suédois qui possèdent une résidence secondaire.

Les autorités sanitaires irlandaises exigent actuellement que toute personne entrant en Irlande s’isole pendant deux semaines, y compris les résidents irlandais. Les arrivants doivent remplir un formulaire de localisation, bien que des exceptions soient prévues pour les fournisseurs de services essentiels de la chaîne d’approvisionnement comme les transporteurs, les pilotes et le personnel maritime.

Les indésirables

Mais la levée des restrictions ne signifie pas que l’espace Schengen est totalement revenu à la « normale ».

De nombreux États membres interdisent notamment l’entrée aux citoyens suédois, alors que cette restriction ne s’applique souvent pas aux États limitrophes. La Suède, en raison de sa stratégie particulière de lutte contre la pandémie, est considérée par beaucoup comme « indésirable », notamment dans les pays nordiques — ce qui génère des tensions entre ces pays habituellement très unis.

Les codes couleur

Dans plusieurs États membres, comme la République tchèque ou les Pays-Bas, des codes couleur — allant du vert pour les bons élèves, puis à l’orange et au rouge — ont été établis pour chaque pays de l’UE en fonction du niveau de risque de contamination. Le gouvernement tchèque met cette liste à jour toutes les semaines, et depuis lundi, les pays « verts » peuvent se rendre sur le territoire sans devoir présenter un test viral négatif.

Qu’en est-il des pays tiers ?

Le Royaume-Uni n’a jamais fermé ses frontières, et ne fait pas de distinction entre les arrivées européennes et internationales. Les étrangers doivent s’isoler pendant deux semaines, mais aussi communiquer leurs coordonnées et leur itinéraire de voyage. Le 8 juin, le gouvernement britannique a imposé une quarantaine pour tous les travailleurs essentiels, les passagers en transit ou les personnes en provenance d’Irlande, de l’île de Man ou des îles Anglo-Normandes.

La Commission a déclaré que les restrictions devraient être levées à partir du 1er juillet pour les six pays des Balkans occidentaux — l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie — car « leur situation épidémiologique est similaire à celle de l’UE ou meilleure ».

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