Selon un sondage du journal La Tribune avec BVA, 53% des personnes interrogées disent être « attachés à l’Union européenne », parmi lesquels 21% « très attachés ».
Si le Rassemblement national (RN) apparaît bien placé pour l’emporter dimanche face à la liste Renaissance de la République en marche (LREM), ce face-à-face illustre l’attitude ambiguë des Français face à l’Union européenne (UE).
Ainsi, notre sondage La Tribune-BVA sur « Les Français et l’Union européenne » montre que si 53% des Français disent être « attachés à l’Union européenne », ils ne sont que 21% à être « très attachés » contre une proportion importante de 40% qui ne sont « pas attachés » dont 14% « pas du tout attachés ».
Désamour
Ce désamour pour l’Europe que l’on mesure aussi dans le faible intérêt pour cette élection recoupe des tendances sociales et politiques marquées. Ainsi, 70% de ceux qui ont une proximité politique avec le Rassemblement national ne sont pas attachés à l’Europe, tandis que 53% des employés et des ouvriers et 49% des personnes âgées entre 50 et 64 ans ne se reconnaissent pas dans la construction européenne.
A contrario, et sans surprise, 90% de ceux qui se sentent proches de La République en marche y sont attachés, tout comme ceux qui penchent pour le Parti socialiste (78%) et Europe-Ecologie-Les Verts (70%). L’Europe reste importante pour les plus âgés (65 ans et plus), qui ont connu la période de l’après-guerre, les « baby boomers », qui l’approuvent à 68%. Par ailleurs, les proeuropéens se retrouvent en majorité chez les cadres (74%) et se concentrent en milieu urbain, notamment dans l’agglomération parisienne (61%).
Liberté de circuler
De façon plus précise, les Français déclarent un très fort attachement à la liberté de circuler dans les pays de l’UE (72%). Ils sont légèrement moins nombreux à se déclarer attachés à l’euro (56%) et les positions varient fortement sur ce point entre un attachement fort à l’euro chez les sympathisants LREM (95%), PS (85%), les 65 ans et plus (78%), les cadres (72%) et les habitants de grandes agglomérations (63%), et un attachement plus réduit chez les employés et ouvriers (37%), les ruraux (47%) et les sympathisants RN (28%).
L’attachement est plus limité à l’égard de la présence du Parlement européen à Strasbourg (39%), au sujet duquel les 65 ans et plus sont les seuls à déclarer un attachement majoritaire (52%)… tout comme les habitants de la région Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine (50%).
La division des Français sur l’Europe se retrouve dans l’évaluation des avantages et désavantages de l’appartenance à l’UE. Ainsi, ils sont une courte majorité à la trouver bénéfique (52% dont 11% très bénéfique) contre 34% à estimer le contraire. Dans ces derniers, on trouve surtout ceux qui se disent proches du Rassemblement national (63%), ou vivent dans les zones rurales (43%) ou se situent là encore dans la génération des 50-64 ans (43%). En revanche, parmi ceux qui considèrent l’appartenance bénéfique, les plus enthousiastes sont ceux qui sont proches de LREM (93%) ou occupent des postes de cadres (72%).
Pour autant, on peut être proeuropéen et trouver qu’il faut réformer la construction européenne. En effet, ils ne sont que 6% à être satisfaits par son fonctionnement actuel contre 48% qui veulent que l’UE revoie en profondeur son action. Parmi ceux-là, on compte les retraités (62%), les sympathisants de Les Républicains (65%) et une majorité d’hommes (55%). En revanche, le Frexit, même s’il reste marginal (11%, soit la moitié des intentions de vote du RN), attire ceux qui ne voient pas les bénéfices de l’UE pour eux. On retrouve les sympathisants RN (32%), les employés et ouvriers (16%) et la génération 50-64 ans (15%).
Au regard de cette franche division sur l’Europe, qui recoupe celle que l’on constate au plan national, il n’est donc pas surprenant de voir que 34% des personnes interrogées voteront dimanche en prenant en compte le contexte national particulier, dont le mouvement des « Gilets jaunes » surdétermine le choix. Ils n’étaient que 28% dans ce cas en mai 2009 et 22% en 2014. Ils sont notamment plus du quart (27% contre 18% en 2009 et 2014) à affirmer qu’ils se serviront du vote européen pour « exprimer avant tout leur opposition à la politique actuelle du gouvernement ».
Une Europe qui protège ?
Il y a en revanche une large approbation (71%) pour considérer que face aux grandes puissances économiques, États-Unis et Chine au premier chef, seule l’Union européenne est capable de peser au niveau mondial, signifiant qu’aucun pays membre de l’UE n’est capable de le faire seul. Et ils sont 57% à considérer que l’UE doit bénéficier d’un pouvoir supranational pour imposer des décisions à ses Etats-membres, dont on peut supposer qu’il vise avant tout à pouvoir agir au mieux face aux superpuissances au nom de l’unité de l’UE, ce qui remet en cause le sacro-saint principe de l’unanimité des pays membres où chaque pays quels que soit sa taille et son poids compte pour une voix.
Quant à la place de la France, la moitié des personnes interrogées (47%) considèrent que sa voix est bien prise en compte au niveau européen contre (42%) qui jugent le contraire, ce qui contraste avec l’idée que l’Allemagne imposerait son agenda non seulement à l’ensemble des membres mais surtout à la France dans la relation qu’entretient le « couple franco-allemand ».
En revanche, la politique européenne menée par Emmanuel Macron ne recueille que 28% d’avis favorables, correspondant pratiquement à ceux qui continuent de le soutenir puisqu’elle se concentre à 88% chez les sympathisants LREM, à 44% chez les cadres et 38% chez les plus âgés (65 ans et plus). Parmi ceux qui ne sont pas satisfaits (60%), les critiques les plus vives viennent des sympathisants du Rassemblement national (88%) et de ceux de la France Insoumise (75%) et de la catégorie professionnelle des ouvriers et employés (69%) et de ceux qui habitent plutôt en zone rurale (71%). On retrouve là une partie des motifs de la contestation portés par le mouvement des « Gilets jaunes » depuis 6 mois.
S’agissant des orientations que devrait se fixer l’UE, les personnes interrogées considèrent que la priorité doit être donnée à 64 % à une politique écologique et à 57% à une politique plus sociale. En revanche, une politique plus libérale ne recueille que 25% de soutien, de même qu’une politique plus favorable à l’accueil des migrants n’emporte qu’une approbation marginale (15%).
Si l’on rentre dans le détail des thèmes européens qui vont motiver le vote de dimanche, on retrouve sans surprise celui de l’emploi (80%) et du pouvoir d’achat (77%), et l’on retrouve à nouveau l’une des principales revendications portées par le mouvement des « Gilets jaunes » à laquelle Emmanuel Macron a apporté des réponses concrètes, mais, semble-t-il, insuffisantes. La sécurité pèse également avec 77% qui veulent une lutte efficace contre le terrorisme et le maintien de la paix en Europe. Si l’éducation, le climat, les inégalités sociales, l’agriculture et les retraites influenceront le vote à plus de 70%, il est à souligner que l’immigration et la compétitivité économique seront les thèmes qui pèseront le moins dans le choix européen des Français, avec respectivement 66% et 61%.
L’ensemble des résultats montrent que le contexte national, qui se caractérise par une division entre ceux qui soutiennent la politique d’Emmanuel Macron et ceux qui la rejettent, structure en large partie la vision européenne des Français, ce qui se retrouve par la forte polarisation sur la compétition entre le Rassemblement national et la LREM, qui se redouble par une certaine désaffection traditionnelle pour le scrutin européen. Interrogés à J-5 des élections européennes, 34% des Français ont déclaré qu’ils exprimeraient un vote lié au contexte national : 27% pour manifester leur opposition à la politique actuelle du gouvernement et 7% pour exprimer leur soutien à l’exécutif.
À l’inverse, 35% des Français déclarent qu’ils se prononceront en fonction d’enjeux européens, une opinion que l’on retrouve plus fortement chez les sympathisants PS (52%), LREM (54%) et LR (53%). Ce qui tend à prouver qu’une majorité de Français restent insatisfaits par la construction européenne telle qu’elle est menée, ce que même le président de la république, proeuropéen affirmé, reconnaît en ayant proposé des axes de réformes tant dans son discours à la Sorbonne de 2017 que dans sa récente lettre aux Européens.
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