Sous prétexte de souveraineté nationale, les 28 s’opposent à la suppression de l’unanimité dans l’adoption des législations fiscales.
La Commission européenne a proposé en janvier une transition progressive vers l’introduction de la majorité qualifiée en matière fiscale.
Jusqu’ici, tout changement législatif à ce sujet devait être approuvé à l’unanimité. Une majorité qualifiée signifie au moins 16 États membres représentant au moins 65 % de la population.
Toutefois, seuls les plus grands pays européens – dont la France, l’Allemagne et l’Espagne – ont soutenu le projet après la première discussion en réunion des ministres des Finances (Conseil Ecofin). La position de l’Italie est plus ambiguë : Rome soutient l’idée générale, mais la considère prématurée, ont expliqué des fonctionnaires de l’UE.
En revanche, une grande majorité de pays n’a pas soutenu la proposition lors de la réunion à huis clos, ont ajouté les fonctionnaires.
Le vice-président de la Commission chargé de l’euro, Valdis Dombrovskis, a assuré à l’issue de la discussion que « de nombreux États membres se sont félicités de l’ouverture du débat », tout en admettant que les points de vue étaient « très différents ».
Il a fait valoir qu’« il y a matière à discussion » et que celle-ci était « nécessaire », étant donné l’incapacité de l’Union à progresser sur des dossiers fiscaux importants, y compris la taxe numérique.
Le commissaire a détecté une plus grande « ouverture » sur la première étape de la proposition, qui impliquerait l’introduction de la majorité qualifiée pour les mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Dans un deuxième temps, la Commission propose de rompre l’unanimité pour d’autres dossiers liés à la fiscalité qui soutiennent les objectifs communs de l’UE, tels que la lutte contre le changement climatique ou la santé publique. Au cours de la troisième phase, la majorité qualifiée serait adoptée pour moderniser les règles communautaires déjà harmonisées, par exemple dans le domaine de la TVA. La dernière étape consisterait enfin à introduire ce système pour les propositions ambitieuses, y compris l’impôt numérique ou l’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés.
La décision finale est entre les mains des dirigeants européens, et l’opposition d’un seul d’entre eux suffirait à bloquer la proposition.
Le ministre roumain des Finances, Eugen Orlando Teodorovici, dont le pays préside les réunions du Conseil jusqu’en juillet, a déclaré que « la souveraineté fiscale [était] d’une importance primordiale pour de nombreux États membres et la règle de l’unanimité conduit souvent à une prise de décision rapide ».
Le ministre a également estimé que la fiscalité n’est qu’un des domaines dans lesquels le processus décisionnel pourrait être amélioré.
Soutien franco-allemand
Seules la France et l’Allemagne se sont prononcées en faveur de la proposition à l’approche de la réunion. Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, défend une idée qu’il voit comme un moyen d’accroître « l’efficacité » de l’UE en matière fiscale.
Son homologue allemand, Olaf Scholz, s’est dit partisan de longue date de la majorité qualifiée dans les affaires étrangères, mais aussi en matière fiscale.
Pour le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, la Commission devrait briser la règle de l’unanimité non seulement sur les questions étrangères et fiscales, mais aussi sur la procédure de sanction des pays qui violent l’État de droit ou d’approbation du budget européen à long terme.
Dans l’autre camp, le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, assure que les progrès réalisés au cours des quatre dernières années pour adopter une législation fiscale « montrent que nous pouvons avancer même à l’unanimité ». Il a défendu les vetos nationaux sur la fiscalité, estimant que « c’est la souveraineté fondamentale des pays qui est en jeu ».
Son homologue maltais, Edward Scicluna, a rejeté l’adoption forcée de nouvelles mesures tant que certains pays n’étaient pas convaincus.
Plutôt que de résoudre les divergences sur les majorités qualifiées, il trouve que les gouvernements nationaux devraient se mettre d’accord « en expliquant, en convainquant et en réfléchissant, puis en convainquant les autres, comme nous l’avons toujours fait dans le passé ».
Pour la ministre suédoise des Finances, Magdalena Andersson, « il n’est pas plus démocratique d’avoir moins de pouvoir ». « Il y aura beaucoup de scepticisme dans de nombreux pays et de nombreux parlements en Europe. »
Au vu des progrès réalisés ces dernières années dans ce domaine, Menno Snel, secrétaire d’État néerlandais aux Finances, a ajouté que son gouvernement était satisfait de la situation actuelle.
Depuis le début de son mandat, la Commission actuelle a adopté des mesures législatives pour lutter contre l’érosion et l’évasion fiscales, notamment des mesures visant à améliorer la façon dont les entreprises rendent compte de leurs bénéfices.
Toutefois, des propositions plus ambitieuses, telles qu’une taxe numérique sur les géants du numérique, une taxe sur les transactions financières ou une assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés, restent bloquées à la table du Conseil.
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