L’enfer n’est jamais certain

Les instituts de conjoncture économique revoient les uns après les autres leurs prévisions pour 2020 et 2021. Tous prédisent une récession sans précédent de l’économie mondiale suivie d’une reprise ne permettant pas de compenser les pertes de la crise. Le niveau élevé des incertitudes ne conduit pas les économistes à percevoir une rapide embellie. En prenant le parti d’une crise plus sévère qu’en 1929, l’idée d’un prompt rétablissement tel que la France l’avait connu au cours du troisième semestre 1968 après l’arrêt de l’économie au mois de mai de la même année n’est pas pour le moment retenu. Le stop économique mondial imposé par le confinement est une première ; les perturbations qu’il est susceptible de générer sont encore difficilement appréciables.

Pour le FMI qui tient son Assemblée générale du 17 au 19 avril en visioconférence, l’économie mondiale devrait connaître en 2020 sa pire récession depuis la Grande dépression de 1929. Le PIB de l’économie mondiale devrait reculer de 3 %. Le recul serait de 6,1 pour les économies avancées. Le PIB se contracterait de 5,9 points pour les États-Unis, de 7,5 points pour la zone euro et de 6,5 pour le Royaume-Uni. L’Allemagne subirait une perte de 7 %, la France, de 7,2 % et l’Italie de 9,1 %.

Preuve d’un véritable choc sans précédent, le commerce mondial devrait s’atrophier de plus de 10% quand la dette publique atteindrait de nouveaux sommets. La dette publique, dans les économies industrialisées, passerait de 105% du PIB en 2019 à 122 % cette année. Avec un déficit budgétaire de 15,4% du PIB, la dette publique des États-Unis pourrait s’élever à 131%. L’endettement de l’Italie devrait atteindre 155%, celui de la France 115% et celui de l’Espagne 113%. La dette publique de l’Allemagne passera de 59 à 68% du PIB.

La reprise en 2021 ne compensera pas le choc de 2020

Le FMI espère une nette reprise pour 2021, soit +5,8%, mais qui ne permettra pas de compenser toutes les pertes subies en 2020. La perte cumulée du PIB mondial sur 2020 et 2021 due au COVID-19 s’élèverait à 9 000 milliards de dollars, soit un chiffre supérieur aux économies du Japon et de l’Allemagne réunies.

Si les confinements perduraient avec un endiguement partiel et fragile de l’épidémie, le FMI estime que la chute du PIB pourrait s’amplifier avec un risque possible d’enclenchement d’un réel cycle dépressif. Dans le scénario le plus sombre, le PIB pourrait se contracter en 2021 de 8 %.

Pour le FMI, les États devront augmenter dans les prochains mois de manière substantielle les dépenses de santé pour permettre aux systèmes de soins de faire face à une résurgence de l’épidémie. Le FMI juge nécessaire de soutenir financièrement les populations. L’objectif est de préserver aussi bien que possible l’infrastructure économique et financière de la société. Il appuie les actions des banques centrales visant à assurer la liquidité de la sphère financière. Il reconnait que ces actions ont, pour le moment, empêché l’apparition d’une déflation à l’échelle mondiale.

Eviter l’effondrement de certains États.

Pour le FMI, la situation économique et financière de nombreux pays émergents et en voie de développement est très délicate. Ces pays sont fréquemment confrontés à des problèmes de gouvernance publique. Ils ne disposent pas de système de santé développés et n’ont pas une monnaie de réserve leur permettant d’accéder au marché de capitaux mondial. Le FMI appelle à l’instauration d’une solidarité internationale afin d’éviter l’effondrement de certains États.

Ainsi, l’organisation internationale demande que les pays pauvres fortement endettés puissent bénéficier de moratoires et de restructurations.

Elle réclame une amélioration des infrastructures de santé publique avec un échange d’informations renforcé et plus automatique sur les infections exceptionnelles, une mise en œuvre plus rapide et plus généralisée des tests, la constitution de stocks mondiaux de matériel de protection individuelle, et la mise en place de protocoles visant à lever toute restriction au commerce de biens essentiels.

Dans les années 30, les États avaient opté pour des politiques non-coopératives qui avaient débouché sur des mesures protectionnistes. La mise en place de politiques de change inadaptées a entretenu la déflation. L’existence d’un réseau de banques centrales avec le FMI comme prêteur en dernier ressort constitue un atout dans le cadre de la crise actuelle. Le risque d’une remise en cause des institutions multilatérales, en particulier par Donald Trump, ne doit pas être négligé. Après son élection, il avait vertement reproché à la Présidente de la FED de l’époque, Janet Yellen, de prendre des initiatives internationales. Il a dénoncé à de multiples reprises le fonctionnement de l’Organisation Mondiale du Commerce et a décidé de suspendre la participation financière à l’Organisation Mondiale de la Santé.

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