En 1947, à la tombée du « rideau de fer », deux mondes se firent face, l’Ouest contre l’Est, les démocraties libérales contre les régimes communistes, l’économie de marché contre la planification d’État. Sur ce dernier terrain, il n’y eut pas vraiment de combat. La victoire de l’Occident se dessina rapidement grâce au Plan Marshall auquel l’URSS refusa de participer. La compétition entre les deux systèmes dura un peu plus de quarante ans. Malgré plusieurs accès de fixation, en particulier lors de la crise des missiles à Cuba ou du blocus de Berlin, la dissuasion nucléaire joua le rôle d’une corde de rappel empêchant le basculement de la guerre froide vers la guerre totale.
Deux visions de la société voire de l’humain s’opposent
Trente ans après la disparition de l’URSS, une nouvelle confrontation prend forme autour des deux grandes puissances du XXIe siècle, les États-Unis et la Chine. Elle reprend certains atours de la précédente. Elle met en présence toujours les démocraties et un régime communiste, même si ce dernier se veut moins messianique que son ancien cousin russe.
Deux visions de la société voire de l’humain s’opposent malgré tout. D’un côté, une société libérale et individualiste, de l’autre une société holistique reposant sur des fondations marxistes et confucianistes. Les démocraties affirment toujours porter des valeurs universelles quand la Chine n’entend pas imposer son système à l’extérieur, ce qui ne lui interdit pas de vouloir étendre sa sphère d’influence pour sécuriser notamment ses approvisionnements.
L’interdépendance des deux mondes est totale.
À la différence du conflit précédent, avec la globalisation de l’économie, l’interdépendance de ces deux mondes est totale. L’Occident dépend de la Chine pour de nombreux produits dont les ordinateurs qui lui permettent, grâce à Internet, de mettre en avant sa valeur de liberté. La seconde a besoin des recettes d’exportations issues des pays riches de l’OCDE pour assurer son développement. Cette interdépendance trouve sa source dans la décision des Américains et, en particulier d’Henry Kissinger, dans les années 1970, de soutenir la Chine en l’intégrant au commerce mondial afin de créer un éventuel front contre l’URSS.
Grâce aux États-Unis, la Chine qui depuis le XVIe siècle avait opté pour un isolationnisme commercial forcené s’est ainsi ouverte au monde. En quarante ans, les exportations chinoises sont passées de 2 à 18 % du total mondial.
Cette interdépendance qui n’existait pas avec l’URSS ressemble sous certains traits à celle qui prédominait juste avant la Première Guerre mondiale, période marquée par une forte internationalisation des échanges. L’Allemagne, puissance montante, était considérée, notamment par les Britanniques, de plus en plus hégémonique en particulier en matière de construction de navires de guerre. Afin de limiter la puissance allemande, les Britanniques imposèrent des quotas de production.
Depuis plusieurs années, l’Empire du Milieu proclame sa volonté, de devenir, d’ici 2049, dans tous les domaines, la première puissance mondiale, et de supplanter l’Occident. Avec la nouvelle route de la soie, reproduisant les modèles britannique et américain, il tisse sa toile tout autour de la planète. L’interdépendance économique et l’arme nucléaire empêchent, pour le moment, une montée aux extrêmes tant que l’équilibre des forces en la matière se maintient.
Un décrochage technologique et militaire de l’Occident pourrait inciter le régime chinois à opter pour un dangereux aventurisme
En développant de nouvelles armes dont les missiles hypersoniques, la Chine souhaite prendre un ascendant sur les Etats-Unis. Un décrochage technologique et militaire de l’Occident pourrait inciter le régime chinois à opter pour un dangereux aventurisme, en particulier à l’encontre de Taïwan, petite île de 36 000 kilomètres carrés mais deuxième producteur mondial de microprocesseurs.
Au-delà, les deux conceptions du monde apparaissent incompatibles sauf à croire une synthèse possible. L’épidémie de covid 19 a révélé au grand jour que les deux mondes étaient mus par des visions radicalement différentes même si, face aux évènements, les Occidentaux ont accepté, à leur corps défendant, de mettre en place des mesures réduisant de manière temporaire les libertés. Au-delà des crises actuelles, l’histoire nous enseigne, avec le Cheval de Troie ou les accords de Munich, que la position défensive est rarement gagnante.
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