Le retour de la contrainte budgétaire 

Le retour de la contrainte budgétaire 

Après la crise financière de 2008/2009, les gouvernements ont mené des campagnes d’assainissement de leurs comptes publics. Au niveau de la zone euro, le déficit avait disparu et la dette publique diminuait. L’épidémie de covid et la guerre en Ukraine ont modifié complètement la donne. Le taux d’endettement a augmenté de 10 à 20 points selon les États de l’OCDE. Les déficits publics ont atteint des niveaux records. 

En 2023, les États-Unis ont enregistré un déficit de plus de 7 points de PIB. Celui de l’Italie comme celui de la France dépasse 5 points de PIB. Rares sont les pays à avoir redressé leurs finances publiques. Chypre et le Portugal font figure d’exceptions avec des excédents budgétaires. À ces deux pays, peut être ajouté la Grèce, le pays malade des années 2010, dont le budget est presque à l’équilibre. Si en 2017/2019, sur les 35 États membres de l’OCDE, le pays médian enregistrait un excédent budgétaire, en 2023, il connaissait un déficit budgétaire proche de 2,5 % du PIB.

Décomplexés face à la dépense publique

Les gouvernements sont décomplexés face à la dépense publique. Face à l’épidémie de covid, les États ont dépensé sans compter. Les faibles taux d’intérêt les ont encouragés à s’endetter sans limite. Même des économistes libéraux soulignaient qu’il ne fallait pas se priver de la manne financière générée par les politiques monétaires accommodantes. Les tenants de la théorie monétaire moderne soulignaient que les États avaient tout avantage à recourir à l’emprunt étant donné que l’augmentation de la masse monétaire ne générait pas, du moins à l’époque, d’inflation. Les habitudes prises en matière de dépenses sont difficiles à perdre même quand la vie reprend son cours normal. La survenue de la guerre en Ukraine a, en outre, justifié le maintien des politiques interventionnistes. Le démontage des mesures de soutien prend du temps en raison des résistances au sein des populations. 

Le gouvernement vient juste de mettre un terme, au mois d’avril 2024, à l’aide aux entreprises pour l’embauche d’alternants, aide instituée en 2020 pour favoriser le recrutement en plein covid. De même, il a décidé la suppression des exonérations d’impôt sur l’énergie, ce qui a généré une contestation de la part de nombreux citoyens.

Du Covid à la transition écologique

En Australie, les personnes âgées vivant dans des maisons de retraite reçoivent toujours en 2024, une aide financière au titre de l’épidémie de covid. En Allemagne, la fin aux mesures de protection de l’emploi mises en place pendant la pandémie n’ont été supprimées qu’au second semestre 2023. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral continue de verser d’importants remboursements d’impôts aux petites entreprises ayant conservé leurs salariés pendant les confinements. Au total, les gouvernements européens ont alloué environ 4 % de leur PIB à la protection des ménages et des entreprises. 

Pour soutenir l’activité après le covid, les gouvernements ont également pris des mesures visant à accélérer la transition écologique. Aux États-Unis, le coût des aides liées à l’Inflation Reduction Act devrait s’élever à plus de 400 milliards de dollars. En Italie, un projet adopté en 2020, destiné à encourager les propriétaires à verdir leur maison, pourrait coûter plus de 200 milliards d’euros. 

Les circonstances amènent les gouvernements à accroître les dépenses publiques. Ceux d’Europe de l’Est, Pologne, Pays baltes, face à la menace russe ont augmenté rapidement et fortement les dépenses militaires. Aux États-Unis, la campagne électorale en cours amène Joe Biden à multiplier les mesures potentiellement coûteuses. Il souhaite ainsi annuler une grande partie des dettes étudiantes.

Les déficits publics finançables grâce à la croissance et à l’inflation

Les déficits publics sont aujourd’hui finançables grâce à la croissance et à l’inflation. Avec un déficit primaire de 2 % du PIB, les États de l’OCDE ont réussi à diminuer en 2023 leur ratio dette/PIB. Le taux d’endettement de l’Italie a diminué d’environ 10 points de PIB depuis 2021 malgré une politique budgétaire laxiste. La Grèce a réussi à diminuer sa dette publique de 50 points de PIB en combinant maîtrise budgétaire et croissance. Seule la France, considérée outre-Atlantique comme le pays malade de l’Europe sur le plan des finances publiques, fait exception. 

Les gouvernements attendent avec impatience la baisse des taux d’intérêt afin d’éviter toute crise des finances publiques. Or, compte tenu des besoins de financement et la persistance de la menace inflationniste, les taux pourraient rester élevés plus longtemps que prévu. 

Pour la France, cela signifie que de 2024 à 2027, le service de la dette passera de 55 à plus de 70 milliards d’euros. L’affaissement de la croissance rendra également plus difficile le recul de la dette publique par rapport au PIB. Quand en 2023, le gouvernement italien aurait pu enregistrer un déficit primaire allant jusqu’à 2 % du PIB tout en réduisant son taux d’endettement, il doit désormais dégager un excédent de 1 % du PIB. 

Pour les États-Unis, la situation est identique. Une nouvelle baisse de l’inflation, un ralentissement plus important de la croissance ou des taux d’intérêt plus élevés rendraient encore plus difficile la stabilisation de la dette des États

La France et l’Italie sous surveillance ?

La France comme l’Italie craignent d’être mises sous surveillance par l’Union européenne pour déficits excessifs. Au Royaume-Uni, les travaillistes font campagne pour les prochaines élections législatives en promettant le rétablissement des comptes publics. 

Dans de nombreux pays, les gouvernements sont confrontés à une diminution des rentrées des impôts. En France, le dérapage du déficit public en cours d’exercice, l’année dernière, s’explique par une attrition de certaines recettes (TVA, Impôt sur le revenu). Aux États-Unis, les recettes provenant des impôts sur le revenu prélevés sur les salaires ont également diminué l’an dernier. Les recettes de l’impôt britannique sur les plus-values ont diminué en un an de 11 %. Au Japon, la réduction des recettes tirées de ce même impôt est de 4 %. La baisse des prix de l’immobilier explique, avec la diminution des transactions, cette évolution. 

En France, la préférence des ménages pour l’épargne se traduit par une diminution de la consommation en biens et donc des recettes de la TVA. L’inflation et le ralentissement de la croissance pèsent sur le niveau de vie et le moral des contribuables. Aux États-Unis, les entreprises technologiques ont réduit le montant des primes et ont même réduit leurs effectifs. Sauf en France et en Allemagne, les ménages ont amplement puisé dans leur cagnotte covid. Ils n’ont plus beaucoup de marges de manœuvre. Le vieillissement démographique conduit à une hausse de l’épargne, les futurs retraités craignant pour leur niveau de vie lors de la liquidation de leurs pensions. Les dissensions au sein des pays sont plus nombreuses rendant leur gouvernabilité complexe. Les gouvernements, dans un tel contexte, essaient de gagner du temps mais combien, c’est la question.

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