Le régime chinois et la crise économique

Le régime chinois et la crise économique

Le rêve chinois de voir l’empire du milieu devenir la première puissance économique mondiale avant le centenaire de la création de la République populaire s’est-il évanoui ? Le vieillissement de la population chinoise et la dépendance du pays aux exportations ont-ils compromis son modèle de développement ?

La Chine est confrontée à un vieillissement accéléré de sa population. Dans les années 1970, face à l’augmentation démographique rapide et aux risques de famine, les autorités chinoises avaient mis en œuvre la politique de l’enfant unique. Celle-ci imposait aux couples de n’avoir qu’un seul enfant, avec des exceptions limitées (notamment pour les minorités ethniques ou les couples ruraux si leur premier enfant était une fille). Cette politique a été strictement appliquée, parfois assortie de sanctions économiques et sociales. Les familles chinoises ont privilégié les garçons, et certaines femmes pouvaient être amenées à avorter si l’enfant était de sexe féminin. Cela a entraîné une surreprésentation des hommes dans les générations successives, accentuant la baisse de la fécondité.

La population chinoise a commencé à diminuer en 2022

Inquiètes du vieillissement rapide, les autorités chinoises ont commencé à assouplir la politique de l’enfant unique en 2015, autorisant les couples à avoir deux enfants. En 2021, cette limite a été encore élargie, permettant jusqu’à trois enfants par foyer, et des mesures financières et sociales ont été mises en place pour encourager les naissances (congés payés, accès au logement, etc.). Malgré ces assouplissements, les effets sur la natalité ont été décevants. Après un léger rebond, le taux de fécondité a de nouveau baissé et est désormais inférieur à 1,2, soit un taux plus faible que celui de la zone euro.

La population chinoise a diminué pour la première fois en six décennies en 2022, avec une baisse de 850 000 personnes, passant de 1,41260 milliard à 1,41175 milliard d’habitants. En 2023, cette tendance s’est accélérée, la population diminuant de 2,08 millions pour atteindre 1,40967 milliard d’habitants. D’ici 2070, la population chinoise pourrait être inférieure à 800 millions.

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Une diminution de 20 millions de personnes de la population active.

La population active est également en forte baisse, ce qui pèse sur le taux de croissance potentiel. Selon les données de la Banque mondiale, la population active totale en Chine est passée de 804,5 millions à 783,9 millions en 2022, soit une diminution d’environ 20,6 millions de personnes sur cette période. Elle pourrait n’être que de 600 millions en 2050 et de 500 millions en 2070.

Le recul de la population en Chine, amplifié par le ralentissement de la productivité du travail, entraîne un freinage des revenus et de la demande intérieure. La croissance des ventes au détail en Chine est passée d’une progression de 11 % par an fin 2015 à une hausse de 3,2 % en septembre 2024 sur un an.

Pour le moment, les politiques de relance de l’activité n’ont pas eu les effets escomptés en raison de la forte propension à l’épargne des ménages. Ceux-ci, craignant de ne pas disposer de revenus suffisants à la retraite, épargnent et réduisent leur consommation. Ces dernières années, ils ont massivement investi dans l’immobilier. Or, l’excès de logements dans un pays enregistrant une baisse de sa population a conduit à une crise immobilière. Face à la dépréciation de leur patrimoine, les ménages chinois ont accru leur épargne, privilégiant les actifs financiers ou l’or. En raison de la baisse rapide de la population, la crise immobilière est vouée à durer. Le nombre de vendeurs devrait rester durablement supérieur à celui des acheteurs. Cette situation affecte également les actifs financiers. Les prix des actions et des logements pourraient être orientés à la baisse pendant des années. Depuis 2022, les biens immobiliers perdent entre 5 et 10 % de leur valeur dans les 70 plus grandes agglomérations chinoises.

Faute de pouvoir compter sur la demande interne, la Chine est tentée de privilégier les exportations en jouant sur le taux de change et en subventionnant certaines activités. Cette politique suscite l’hostilité croissante des États-Unis et de la zone euro. Les États-Unis ont institué des droits de douane sur les importations en provenance de Chine : 100 % sur les véhicules électriques, 50 % sur les cellules solaires, les semi-conducteurs et les produits médicaux, 25 % sur l’acier, l’aluminium, les batteries électriques, les minerais critiques et les grues portuaires. L’Union européenne a décidé de porter les droits de douane sur les véhicules électriques chinois de 17 % à 38 % quand d’autres relèvements de droits sont à l’étude de part et d’autre de l’Atlantique.

Le taux d’utilisation des capacités de production devrait rester faible

Dans ces conditions, le taux d’utilisation des capacités de production devrait rester faible. Il est de 75,1 % dans l’ensemble de l’industrie au troisième trimestre 2024, 73,2 % dans l’industrie automobile, 77,9 % dans les TIC et 73,8 % dans l’industrie pharmaceutique. Ces taux devraient se situer autour de 78 % pour être considérés comme normaux.

La Chine risque d’être confrontée à une crise économique importante dans les prochaines années. Comment réagira la population chinoise à une baisse durable de la croissance ? La légitimité du régime, après les événements de la place Tian’anmen en 1989, repose sur l’augmentation du niveau de vie de la population. À défaut, un risque de contestation du régime existe. Ce dernier pourrait alors être tenté de se lancer dans une aventure extérieure, comme une invasion de Taïwan.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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