Le Rassemblement National continue de bluffer les sondeurs

Donné favori à l’automne dernier, le Rassemblement national ressort maintenant second derrière La République en Marche, avec 20 % des intentions de vote pour les européennes. Mais son score pourrait être surestimé, comme il l’a été lors des cinq dernières élections françaises.

Le Rassemblement national aurait désormais une chance sur trois de se retrouver en première place, contre deux chances sur trois pour le parti d’Emmanuel Macron, si l’on en croit les sondages de sondages.

Mais le parti d’extrême-droite reste difficile à appréhender : il a été systématiquement surestimé dans les sondages durant les 5 dernières élections. L’écart entre les résultats des sondeurs et le résultat des élections résulte à une surestimation systématique de 2 %, alors que les partis traditionnels étaient sous-estimés, mais de très peu, soit 0,2 % à 0,5 %, comme le montre ce graphique.

Écart entre les prévisions moyennes des sondeurs et le résultats des partis, sur les 5 dernières élections en France. Graphique PollsPosition

« On est très loin de la sous-estimation de l’extrême-droite qui a traumatisé les sondeurs pour l’élection présidentielle de 2002 » souligne Alexandre Andorra, qui gère le site PollsPosition, et s’est longuement interrogé sur les motifs de cette surestimation.

« C’est même l’inverse : les sondages surestiment maintenant systématiquement l’extrême-droite. Peut-être parce que les sondeurs savent qu’on ne leur reprochera pas d’avoir surestimé le RN, mais de l’avoir sous-estimé, ce qui peut introduire un biais » assure le statisticien.

Traumatisés par la présidentielle de 2002, durant laquelle Jean-Marie Le Pen était arrivé second au premier tour, les sondeurs ont pendant longtemps corrigé le vote d’extrême-droite considéré comme tellement tabou que les sondés n’osaient pas l’avouer aux sondeurs. Mais ce n’est plus le cas. Les Français assumant désormais leur vote, il n’y a plus de surpondération a posteriori. La surestimation du vote RN est donc mystérieuse, mais pourrait être liée au phénomène de l’abstention.

L’abstention, maladie des européennes

« Attention, les européennes c’est un scrutin sur lequel on peut avoir des surprises, notamment de la part des plus petits partis» prévient Aurélien Preud’homme, directeur des études chez Viavoice.

Une incertitude liée à l’abstention, puisque seulement 42 % des Français ont voté aux dernières élections de 2014, et 2019 ne devrait pas être très différent. « L’abstention, c’est le facteur le plus compliqué à évaluer, ça se joue dans les derniers jours » assure le sondeur.

Une participation plus importante devrait bénéficier aux partis installés et centristes. Mais reste que le Rassemblement national s’est installé dans le paysage politique français et bénéficie désormais d’un socle de votants d’environ 20 % des inscrits, contrairement aux autres partis qui ont vu leur soutien fluctuer énormément ces dernières années, entre l’émergence de LREM, la quasi disparition du Parti Socialiste et l’effondrement des Républicains.

« Une forte mobilisation de l’électorat du FN peut donc influencer le résultat ! » souligne le spécialiste, qui juge que la surestimation du parti d’extrême-droite est liée à la marge d’erreur habituelle des sondages, mais aussi à la volatilité des comportements électoraux : autrefois attachés et fidèles à un parti, les électeurs français ont désormais tendance à hésiter et papillonner, pour finir par se décider au dernier moment.

Un motif supplémentaire pour tenter de se détacher des sondages, trop souvent perçu comme un outil prédictif.

Alexandre Andorra plaide de son côté pour une approche plus réfléchie des sondages, souvent pris comme parole d’évangile en France : le dernier sondage chasse l’autre, si bien que l’Hexagone dans son ensemble se trouve persuadé en 2 minutes que le parti LR n’aura plus  8 % mais 12 % des votes fin mai. Alors que c’est simplement ce que pense un échantillon donné à l’instant T.

Et ces chiffres ne sont que des moyennes.  « Statistiquement, une moyenne n’a pas beaucoup de sens : elle peut représenter des écarts de probabilité énormes »  rappelle Alexandre Andorra.

Aline Robert

Un article publié sur le site de notre partenaire

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