Le quotidien en guerre avec un Français d'Ukraine

Le quotidien en guerre avec un Français d'Ukraine

Alors que depuis le 24 février 2022, les forces russes bombardent, pillent et envahissent le territoire ukrainien, certains Français sont restés, soit par choix, soit par absence de solution en France, au coeur de la guerre. David Franck, Président du Conseil Consulaire des Français d’Ukraine, est resté à Kiev tout au long de ces 12 mois, il nous raconte son quotidien et celui de ses « frères » dans un podcast exclusif.

Ecoutez le podcast avec David Franck

Retour sur un conflit

Le 24 février 2022, les forces armées russes envahissaient le territoire ukrainien sur trois fronts : au nord, à l’est et au sud du pays. Moscou rêvait d’une guerre éclair mais se heurte à la résistance farouche des Ukrainiens, puissamment soutenus par le camp occidental.

Un an après, l’armée russe a dû reculer sur tous les fronts et a subi des pertes considérables. Côté ukrainien, le pays est meurtri par les destructions, les pertes humaines et l’exil de près de cinq millions de personnes. Mais le pays résiste et croit en sa victoire.

Dans le podcast, David Franck partage avec nous le quotidien des Ukrainiens et des Français sur place, qui par chance ont bénéficié d’un climat bienveillant avec des températures bien plus douces qu’à l’accoutumée. Mais surtout, c’est la résilience des habitants qui nous étonne avec une vie qui coûte que coûte continue avec les boutiques et restaurants ouverts. La reconstruction a d’ailleurs commencé alors que les bombardements continuent.

Sur place, depuis juillet, le consulat a repris son activité avec l’arrivée d’un nouveau consul. Le début d’un retour à la normale alors que tous se demande comment l’avenir va pouvoir se dessiner. Le Président du Conseil consulaire nous explique les scénarios possibles pour demain qui s’échafaudent autour de la notion de « dôme de fer » à l’israélienne.

« Moins de 30% des missiles passent, on espère que bientôt aucun ne passera »

David Franck, Président du conseil consulaire des Français d’Ukraine
Voiture touchée par un missile à Kiev le 03 février 2023. (Photo de Sergey BOBOK / AFP)

Une guerre qui frappe les civils

Si demain est déjà dans la tête de tous, comme un phare qui éclaire chaque jour d’un espoir, la guerre est présente. Pas que chez les militaires, mais aussi chez les civils qui sont souvent en première ligne comme nous l’explique avec émotion David Franck.

« Ce ne sont pas des crimes de guerre, ce sont des crimes contre l’humanité. Quand vous dites que vous voulez exterminer l’Ukraine, quand vous déportez des enfants, quand vous massacrez et que vous tuez des gens qui ont les bras attachés dans le dos, il n’y a pas d’autres mots. Ce n’est pas la solution finale de la deuxième guerre mondiale mais le résultat est exactement le même. On avait dit plus jamais ça.« 

David Franck, Président du conseil consulaire des Français d’Ukraine

Pour David Franck, l’Ukraine est le « bouclier de l’Europe » face à la barbarie qui s’abat sur son peuple et peut-être bientôt sur les autres. Pour l’élu consulaire, l’ampleur des massacres justifie en soi le soutien des Occidentaux qu’il souhaite voir se renforcer rapidement. Comme l’OTAN et la présidente de son assemblée parlementaire, aussi sénatrice des Français de l’étranger, Joëlle Garriaud-Maylam, il souhaite que la communauté internationale mette en place un tribunal spécial dédié à ces crimes qu’il qualifie de « crimes contre l’humanité ».

Rupture définitive avec les Russes

L’ampleur du conflit a eu aussi raison du lien historique qui unissait le peuple ukrainien et le peuple russe.

« Aujourd’hui, on ne peut plus dire que ce sont des peuples frères »

David Franck, Président du conseil consulaire des Français d’Ukraine

David Franck nous explique que pour les Russes, ils ne sont pas en guerre, c’est une opérations spéciale, dont Vladimir Poutine clame la légitimité. L’élu des Français de l’Ukraine ne croit pas à un soulèvement russe qui conduirait le chef d’Etat devant les tribunaux russes.

Pour lui, le seul espoir de voir la justice rendue, c’est un tribunal international. Mais par delà les frontières de ces deux Etats, David Franck nous explique que chaque pays, anciennement membre de l’URSS, a dû prendre position. Ainsi les pays baltes comme la Pologne ont renforcé leur ancrage dans l’Union européenne et se tiennent au côté des Ukrainiens, alors que des pays comme la Hongrie semblent vouloir larguer les amarres et prendre place aux côtés de la Russie.

500 Français encore sur place ?

Du côté français, les choses sont claires, malgré notre amitié historique avec la Russie et la volonté affichée de ménager l’ours russe, la France se tient aux côtés de l’Ukraine. Nos concitoyens étaient 1700 début 2022 sur place, un décompte officiel établit la population française à désormais environ 500 personnes. Mais pour David Franck, la population française est en fait bien inférieure, « autour d’une centaine » qui sont encore résidents, le solde correspondant aux managers et directeurs des entreprises françaises qui font des allers-retours entre la France et l’Ukraine.

Cette segmentation on l’a retrouve aussi dans l’éducation, comme nous l’avions découvert dans le podcast avec la proviseure du Lycée Français de Kiev, avec les professeurs français en distanciel depuis la France et un corps professoral ukrainien présent sur place. Ensemble, ils font le maximum pour garantir un suivi pédagogique aux enfants, que ce soit en classe ou dans les abris lors des attaques.

La sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam lors de son déplacement le 02 février à Kiev dans l’abri au Lycée Français lors d’une attaque russe

Sur le plan administratif, comme on l’a dit plus haut, le consulat est de nouveau opérationnel depuis juillet. Il est même possible de faire refaire ses papiers d’identité et dans des délais assez courts.

L’écueil principal auquel sont confrontés les Français d’Ukraine, c’est la circulation entre l’Ukraine et la France. Aucun avion, peu de trains, des routes sécurisées à l’Ouest mais dangereuses si on vient de plus à l’Est, des contrôles aux frontières tatillons.

« On peut mettre 3-4 heures voire plus pour sortir selon le point de passage »

David Franck, Président du conseil consulaire des Français d’Ukraine

Cependant, David Franck prend le contre-pied du Quai d’Orsay. Ce dernier classe l’ensemble du pays en zone rouge. Le Président du Conseil consulaire appelle à une modification en coupant le pays en deux entre la zone de conflits et la zone sécurisée. Aujourd’hui, un tel classement empêche les entreprises françaises d’envoyer leurs équipes pour participer aux marchés liés à la reconstruction et ce alors que les besoins comme les opportunités sont énormes.

« Il faut aider l’Ukraine car elle seule n’y arrivera pas »

David Franck, Président du conseil consulaire des Français d’Ukraine

Ne pas oublier les Français d’Ukraine

David Franck

Après une aparté sur les moyens mobilisés par les Etats au profit de l’Ukraine, avec David Franck on s’intéresse à l’accueil des Ukrainiens en France.

En tout, ce sont 106 000 ressortissants ukrainiens qui ont été accueillis en France en 2022, la plupart sous le statut de la protection temporaire et pour un budget de 600 millions d’euros. Un accueil que salue le Président du Conseil consulaire de Kiev mais qui ne l’empêche pas de souligner les oubliés de ce dispositif, les Français d’Ukraine. Nous y avons d’ailleurs consacré un podcast complet que vous pouvez découvrir ICI.

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