Le proviseur du Lycée français de Bujumbura accusé d'encouragement à la prostitution

Le proviseur du Lycée français de Bujumbura accusé d'encouragement à la prostitution

Certains professeurs du Lycée français de Bujumbura au Burundi accusent le proviseur de l’établissement (détaché de l’Éducation nationale française) de possibles recours à la prostitution et d’encourager celle-ci. Des faits qui sont interdits par la loi tant française que burundaise.

Ce fait divers, aux conséquences graves pour l’image de notre pays et pour le rayonnement de nos établissements à travers le monde, prend racine dans un conflit des enseignants en poste comme des anciens. A travers 8 témoignages que Mediapart a pu consulter, un « climat de peur », de dénigrement, d’intimidation, d’harcèlement moral ainsi que des propos jugés sexistes et « islamophobes » ponctuent les journées de l’établissement scolaire.

Mélanie Vogel porte l’affaire en justice

La sénatrice des Français de l’étranger, élue en septembre 2021 pour Europe Écologie Les Verts, Mélanie Vogel, a pris l’affaire en main. Après avoir eu connaissance des témoignages via l’élu consulaire Jean-Baka Domelevo Entfellner, elle a saisi le 8 juin la procureure de Paris à l’encontre du proviseur de l’établissement.

La sénatrice s’est confiée à des élus consulaires, elle s’est dit particulièrement choquée par les faits d’armes que le proviseur rapporte à ses nouveaux collèges. Cérémonie vaudoue, mœurs sexuelles violents, meurtre d’une rebelle au Tchad, le proviseur assume tout auprès de ses subordonnées et dans un climat d’insouciance que Mélanie Vogel ne pouvait accepter.

L’ancienne assistante parlementaire à Bruxelles et Strasbourg s’étonne aussi de la passivité de l’AEFE. Depuis qu’elle a informé l’Agence de son signalement en justice, aucune enquête n’a été diligentée par les supérieurs du proviseur. D’autant plus que des professeurs avaient déjà alerté l’ambassade et le siège parisien de l’AEFE. Ainsi, une ancienne enseignante a indiqué avoir été mise « mal à l’aise » par certains comportements du proviseur, notamment le fait qu’il l’appelle régulièrement « mistinguette ».  « Il donne l’impression que le regard qu’il pose sur les femmes c’est : “Est-ce qu’elle est baisable ou pas ?” », résume une autre professeure.

Un proviseur un peu mytho ?

Interrogé par Mediapart, qui a révélé l’affaire ce week-end, le proviseur du Lycée français a évoqué des extrapolations de ses interlocuteurs, et il réfute évidemment d’avoir porté atteinte à la vie de quelqu’un, par contre il concède l’organisation d’une cérémonie traditionnelle malgache afin d’éloigner le « mauvais œil ».

Pour lui cette affaire est montée de toutes pièces par une enseignante mécontente après une baisse de sa rémunération. Le proviseur la justifie par une « harmonisation » de la grille des salaires. Cependant des demandes d’accès au dossier médical et d’autres éléments tendant à accréditer des accusations de harcèlement moral portées contre ce dernier ont pu être consultés par Médiapart. D’autres incidents ont aussi été rapportés par des témoins divers à l’ambassade et ce sans conséquence.

L’autorité de tutelle muette

Si l’AEFE et l’ambassade ont été alertées, logiquement, elles ont dû toutes deux rapporter à leur autorité de tutelle, soit le Ministère des affaires étrangères. Et là aussi pas de réaction, et pourtant trois membres de l’ambassade de France ont été alertés par une chercheuse de passage au Burundi, donc peu susceptible de participer à un complot du corps enseignant local comme le dénonce le proviseur. Cette scientifique a essuyé des remarques « sexistes » et « déplacées » de la part du proviseur, alors qu’elle le rencontrait pour la première fois lors d’un événement culturel en février 2022. Après s’être adressé à elle « sur un ton agressif », le chef d’établissement serait reparti en la traitant de « sale gauchiste » et en assurant : « J’en ai connu plein en Afrique des femmes comme vous, vous ne servez à rien. » 

Ambassade de France au Burundi

Une attitude qui aurait déclenché les cris des syndicalistes si le proviseur avait tenu ces propos dans un lycée ou une école en France. Et là encore pourtant, aucune réaction des personnes censées encadrer le responsable détaché de l’Éducation nationale.

L’affaire de trop ?

Si aujourd’hui, alors que les tensions sont présentes depuis des mois dans le Lycée français de Bujumbura, l’affaire éclate au grand jour c’est parce que le proviseur a franchi un cap !

Comme le révèle Mediapart, dans un dernier témoignage écrit, un ancien employé de l’école raconte de manière détaillée comment il aurait été témoin direct, fin 2021, d’un échange au cours duquel le proviseur aurait proposé avec insistance à une personne burundaise de la payer pour des services sexuels.

En droit français, « exercer une pression » sur une personne « pour qu’elle se prostitue ou continue à le faire » relève de la définition légale du proxénétisme et est punissable de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Le code pénal burundais punit également la prostitution et l’incitation à la prostitution. Là aussi, le proviseur nie fermement avoir eu des relations sexuelles tarifées ou en avoir sollicité.

Et maintenant ?

L’attestation écrite produite par ce témoin a été transmise à un conseiller des Français de l’étranger, Jean-Baka Domelevo Entfellner, qui a alerté lui-même l’ambassade le 21 mars dernier. Ce témoignage, ainsi que 13 autres, est désormais entre les mains de la procureure de la République française qui doit décider des suites à donner à cette affaire.

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