La 38eme session de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) s’est ouverte ce lundi 27 mars, et elle promet d’être « animée et inédite dans le contexte actuel », selon les propos introductifs de la présidente de l’AFE, Hélène Degryse. Dans ce même discours, l’élue des Pays-Bas a ajouté que le « plaisir » des retrouvailles avec Olivier Becht, Ministre délégué en charge du Commerce extérieur, de l’Attractivité et des Français de l’étranger, s’en trouvait ainsi « contrasté ».
Une liste de problématiques pour les Français de l’étranger qui s’étire
En effet, dix mois après la réélection d’Emmanuel Macron à l’Elysée de nombreuses questions attendent une réponse. La liste des problématiques concernant les Français de l’étranger reste longue : effectifs dans les consulats, montant des aides sociales, débancarisation, discrimination fiscale, prise de rendez-vous dans les consulats, retard dans le déploiement de la dématérialisation, statut des élus… et bien évidemment, la réforme des retraites et ses conséquences pour nos compatriotes établis hors de France.
Sur ce dernier point, le groupe Ecologie et Solidarité avait réservé son créneau du midi pour organiser une table ronde avec des représentants syndicaux FSU et CFDT du corps enseignant. Au cours de cet échange, Audrey Leclerc, Vice-Présidente du groupe Ecologie et Solidarité, a notamment accusé le gouvernement actuel de commettre un « délit démocratique manifeste » en « n’écoutant pas les revendications de la rue ».
Derrière cette opposition à la réforme des retraites, les syndicats ont aussi pointé du doigt toute la stratégie de développement du réseau d’enseignement en français à l’étranger voulue par le Président de la République. Pour conserver l’excellence de notre réseau à l’étranger et éviter la concurrence entre les établissements, les syndicats ont réaffirmé leur volonté de créer un « durcissement des critères d’homologation pour les établissements qui souhaiteraient rejoindre le réseau de l’AEFE afin aussi que soit préservé le droit social et les protections en découlant pour les personnels ».
Olivier Becht fait le point sur ses engagements
C’est dans ce contexte singulier que le Ministre Becht est donc venu s’exprimer devant les conseillères et conseillers de l’AFE en ce début de session, en faisant le point sur sa feuille de route autour des engagements pris par Emmanuel Macron.
Parmi ceux-ci, Olivier Becht a annoncé que pour la première fois depuis trente ans, le budget alloué à la diplomatie serait en hausse.
« C’est ainsi 118 emplois nouveaux dans les postes diplomatiques dont une partie pour les sections consulaires qui résulteront de ces nouveaux crédits ».
Olivier Becht, ministre délégué aux Français de l’étranger – 27 mars 2023 à l’AFE
Le ministre s’est aussi prononcé sur le déploiement de France Consulaire. Lancé en 2021, cette initiative est disponible aujourd’hui dans 22 pays, et Oliver Becht s’est déclaré favorable à une accélération du déploiement du dispositif avec comme objectif 2025 au lieu de 2027.
« Je souhaite que nous puissions – mais cela dépendra des moyens humains que nous arriverons à dégager dans les prochaines lois de finances – je souhaiterais qu’on puisse accélérer le calendrier qui prévoyait son déploiement dans le monde entier jusqu’à 2027. J’aimerais que l’on arrive à gratter 2 ans, que l’on arrive à couvrir l’intégralité de la surface du globe d’ici à la fin 2025. Ce serait effectivement un service majeur que l’on pourrait rendre à l’ensemble de nos concitoyens à l’étranger »
Olivier Becht, ministre délégué aux Français de l’étranger – 27 mars 2023 à l’AFE
Autre engagement, celui du renouvellement des passeports et la mise en place de la dématérialisation du processus. « Nous sommes en retard sur ce chantier » a avoué le Ministre, informant que le Ministère de l’Intérieur avait repoussé à mars 2024 le test grandeur nature, préalable à son déploiement effectif. Oliver Becht espère toutefois que ce nouveau système sera opérationnel, pour tous nos compatriotes à l’étranger, en 2025.
Résidence de repli et Pass culture : aux élus de décider
Deux autres points font actuellement grincer les dents de nombreux élu(e)s de tous bords, y compris au sein de la majorité présidentielle, à savoir la résidence de repli et la création du Pass culture. N’évitant pas le sujet, Olivier Becht a présenté différentes options possibles pour chacun de ces dispositifs annoncés pendant la campagne présidentielle.
Concernant la résidence de repli, « les engagements seront tenus » rappelle le ministre et il propose que cette création se fasse en deux temps. Un premier qui serait un texte de loi en 2023 qui définira ce qu’est une résidence de repli : soit celle-ci sera « une résidence qu’un Français de l’étranger possède en France », soit elle sera considérée comme « une résidence qu’un Français de l’étranger vivant dans un pays dit à risques possède en France ».
Oliver Becht propose aux parlementaires de décider par eux-mêmes. Par ce biais, est-ce un manque de courage de l’exécutif, ou bien une affirmation de la reconnaissance du travail parlementaire ? Une fois cette définition arrêtée, la résidence de repli fera alors l’objet d’une deuxième séquence par le biais de son introduction dans le projet de loi de finances pour 2024. Celui-ci votera(it) alors les dispositifs fiscaux adaptés et les éligibilités financières aux différentes primes pour ces résidences de repli.
Autre sujet en débat : le Pass culture. Sur ce point, le ministre délégué aux Français de l’étranger laisse également le soin aux élus de l’Assemblée des Français de l’étranger de lui faire des propositions. Oliver Becht met toutefois des bémols à un système qui, selon lui, obligerait à la France à passer des conventions avec de nombreux pays dans le cas où l’option retenue serait de rendre éligible ce Pass culture dans le pays de résidence de nos compatriotes vivant à l’étranger.
Le ministre Olivier Becht s’est aussi félicité de l’organisation du vote par internet aux dernières élections législatives. Certes dans la majorité des 11 circonscriptions le vote a été validé, mais deux connaissent actuellement une élection partielle pour la seule raison de l’utilisation de ce vote électronique et des problèmes de transmission des codes dans certains pays.
Il n’est pas certain que les députés élus en 2022, mais devant à nouveau concourir devant les électeurs suite à l’annulation de leur élection respective, soient du même avis.
Des réactions contrastées chez les élu(e)s AFE
Attentifs aux propos tenus par le ministre, la réaction des élu(e)s de l’AFE restent contrastée.
Ainsi, Warda Souihi, membre du Groupe Solidaires et Indépendants, souligne « certaines avancées concrètes du Ministre » et reconnait un « pas encourageant, bien que modeste, pris en faveur des effectifs dans les postes consulaires ». Pour autant, l’élue des Etats-Unis « regrette le retard pris dans l’expérimentation de la dématérialisation du renouvellement des passeports », sujet sur lequel elle est particulièrement attentive tant « les déplacements engendrent des frais considérables pour nos compatriotes qui vivent loin des consulats » .
Au sein du Groupe Union des Républicains, des Centres et des Indépendants, le président Laurent Rigaud s’inquiète de la situation et affirme que « la France peine de plus en plus à rayonner ». Il demande également une accélération de la dématérialisation et la fin de la discrimination fiscale, notamment sur les résidences d’attache. Olivier Piton, élu du même groupe à l’Assemblée des Français de l’étranger, a d’ailleurs interpellé le ministre sur la soudaine obligation pour les Français de l’étranger de déclarer leur résidence secondaire au fisc français avant le 30 juin. Olivier Becht, n’ayant pas une réponse précise à apporter sur cette nouvelle contrainte à respecter, a promis de revenir, avant la fin de la session AFE, avec des éléments concrets.
Laurence Helaili-Chapuis, siégeant au sein du groupe des Indépendants, reconnaît qu’elle a eu « des explications détaillées du Ministre sur la mise en place des divers chantiers pour les Français de l’Etranger : Pass culture, Pass éducation, dématérialisation des demandes de passeports… », mais regrette de ne pas avoir pu obtenir « un calendrier fiable ». « Ça se comprend bien sûr » nous informe-t-elle, « mais de la visibilité nous permettrait de mieux assumer le service après-vente des annonces ».
Pour Florian Bohême, du groupe Ecologie et Solidarité, « Olivier Becht a fait sa rentrée avec sa liste de bonnes résolutions. Il s’est surtout attaché à défendre les engagements présidentiels qui pour certains sont attendus depuis plus de 5 ans ». Le conseiller nous confie aussi qu’« il est temps d’aller vers les résultats, nous n’avons plus le temps d’attendre ».
Du côté de la majorité présidentielle, Loïc Le Gland, membre du groupe Indépendants, démocrates et progressistes souligne « le point très positif qu’est celui de la première augmentation depuis 30 ans du budget pour les Français de l’étranger, tout en ignorant comment cela se traduira dans (ma) propre circonscription consulaire à San Francisco, et aux États-Unis en général ». Loïc Le Gland ajoute « que toute bouffée d’oxygène est bonne à prendre » et reste aussi très attentif au projet de dématérialisation car « un Français du Colorado doit aujourd’hui se rendre à Los Angeles pour ses actes d’état civil », enfin « il est optimiste sur la mise en place du Pass Culture », il « ne doute pas que la grande majorité de (mes) collègues élus à l’AFE, de tous partis, le veulent. »
Le Pass culture serait donc un sujet de consensus, comme l’est celui de la revalorisation des indemnités des élu(e)s, tant au niveau de l’Assemblée des Français de l’étranger qu’au niveau des conseils consulaires. Oliver Becht a ainsi découvert que le traitement des élu(e)s des Français de l’étranger n’était pas encore indexé au « point de la fonction publique » Il promet que cette « demande de revalorisation » sera « satisfaite car elle est légitime. »
Pour conclure, Olivier Becht a dit aux conseillères et conseillers de l’AFE qu’ils ne se « connaissaient pas encore très bien » et qu’il aimait « les choses pragmatiques », et encore plus quand « celles-ci avancent ». Au-delà des sujets évoqués et de la liste des questions partagées, il reste à savoir si le temps de la délibération politique et administrative permettra de véritablement passer de la parole aux actes, et si oui, quand le sera-t-il réellement ?
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