« Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème » disait John Bowden Connally, Secrétaire du Trésor de Richard Nixon. La fin du dollar est une antienne contredite par les faits depuis des décennies. Ces dernières années, nombreux ont été les experts et les investisseurs à parier sur le déclin de la monnaie américaine. Pour justifier leur prédiction, ils mettent en avant les tensions politiques internes croissantes, la dette publique gargantuesque ou la tentation de plusieurs pays de dé-dollariser leur économie.
Entre le 1er janvier et la fin du mois d’avril, le dollar s’est apprécié de plus de 4 % par rapport aux autres grandes monnaies. Le yen est à son plus bas niveau depuis 34 ans face au dollar. L’euro est tombé en-dessous de 1,07 dollar contre 1,10 dollar en début d’année. La forte croissance de ces derniers trimestres et le rôle de valeur refuge des États-Unis ont eu raison des oiseaux de mauvais augure.
La force de l’économie, un atout pour le dollar et vice versa
Fin 2023, le PIB américain était 8 % plus élevé qu’à la fin 2019. Ceux du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et du Japon ont progressé de moins de 1,7 %. Les capitaux étrangers sont attirés par la vitalité de l’économie américaine et par des taux d’intérêt élevés. Le dollar demeure la monnaie de réserve par excellence (60 % des réserves en dollars, contre 20 % en euros). La dé-dollarisation reste une pétition de principe. Même les oligarques russes, continuent à acquérir du dollar en recourant à de multiples sociétés écrans. Le rôle du dollar permet aux États-Unis de supporter un important déficit de la balance des paiements courants, comblé par les apports de capitaux. La hausse du dollar réduit le coût des importations et par ricochet l’inflation qui demeure supérieure au 2 % cible.
L’appréciation du dollar, a en revanche, des effets déstabilisateurs pour les pays émergents et en développement endettés en cette monnaie. Elle renchérit le coût des remboursements en capital et en intérêts, ces derniers étant également en augmentation. Le FMI a souligné que la hausse du dollar était susceptible de provoquer des tensions financières au sein de nombreux pays.
Une dépréciation du dollar est-elle possible ?
Une coordination internationale pourrait être imaginée afin de peser sur le cours du dollar. Le Japon possède actuellement 1 300 milliards de dollars, l’Inde 643 milliards de dollars et la Corée du Sud 419 milliards de dollars. Le 16 avril dernier, les ministres des Finances des États-Unis, du Japon et de la Corée du Sud ont ainsi publié une déclaration commune exprimant leur inquiétude face à la chute du yen et du won. Des ventes conjointes de réserves de change pourraient être réalisées pour empêcher les deux monnaies asiatiques de s’affaiblir davantage. Le problème est que les actifs en dollars sont plus rémunérateurs que ceux en yen ou en won. Le taux des obligations américaines à 10 ans dépasse 4 %, contre 0,8 % pour le taux équivalent au Japon.
Le candidat Donald Trump fait campagne contre le maintien d’un dollar fort qui est jugé responsable de l’imposant déficit de la balance commercial. Il pénaliserait les exportations américaines et encouragerait les importations. Le candidat Républicain entend à cette fin remettre en cause l’indépendance de la banque centrale et abaisser les taux directeurs le plus rapidement possible. Cette baisse ferait diminuer la valeur du dollar et réduirait les coûts des remboursements des emprunts souscrits par les entreprises ainsi que par les ménages.
Par ailleurs, Donald Trump souhaite augmenter les droits de douane sur les importations, ce qui pourrait nuire au dollar. De son côté, Joe Biden n’a pas encore mentionné quelles étaient ses intentions en matière monétaire.
Les responsables américains reprochent à la Chine de jouer à la baisse sa monnaie afin de favoriser ses exportations et ainsi compenser l’atonie de la demande interne. Le yuan s’est affaibli régulièrement par rapport au dollar depuis le début de l’année. Le dollar est passé de 7,18 yuans à 7,25 et selon Bank of America, il pourrait atteindre 7,45 d’ici septembre. Le yuan pourrait être à son plus faible niveau depuis 2007.
Cette dépréciation de la monnaie chinoise incite les dirigeants des États-Unis comme ceux d’Europe à adopter des mesures protectionnistes pour freiner notamment les exportations des véhicules électriques. La Chine pourrait être même placée sur la liste américaine des manipulateurs de devises.
Tant que l’économie américaine restera dynamique, le dollar demeurera fort. L’écart de croissance est tel au sein de l’OCDE que les États-Unis attirent capitaux et chercheurs du monde entier, ce qui renforce leur compétitivité. Le durcissement de la politique monétaire a eu peu d’effets sur la demande et les créations d’emploi.
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