Le déclenchement de la guerre en Ukraine a provoqué une augmentation forte et rapide du cours d’un grand nombre de denrées alimentaires dont les céréales. Pour les ménages en France, l’augmentation des cours s’est traduite, en deux ans, par une hausse d’environ 20 % des produits alimentaires. Si depuis, la grande majorité des produits agricoles a retrouvé des cours plus traditionnels, certains résistent.
Le prix du cacao a ainsi augmenté de 82 % au cours des douze derniers mois et se situe à son plus haut niveau depuis 46 ans. Le prix de gros de l’huile d’olive dépasse 9 000 euros la tonne et a atteint un niveau historique, le précédent record était de 6 200 dollars et datait de 2006. À New York, les contrats « oj », pour les futures livraisons de jus d’orange concentré congelé, se négocient à 3,07 dollars la livre, soit 50 % de plus qu’en janvier 2023. Sur le marché du café, les prix des grains Arabica, les plus fins, sont en hausse de 44 % depuis 2021. Le prix du sucre a plus que doublé entre 2019 et 2023.
Le climat et les hausses de prix
Ces augmentations ne sont pas la conséquence de la guerre en Ukraine ou d’un changement de comportement des consommateurs. Elles sont avant tout provoquées par des phénomènes climatiques. L’ouragan El Niño a entraîné des sécheresses en Australie, en Inde et en Thaïlande, trois des quatre plus grands exportateurs de sucre à l’échelle mondiale. Le Brésil, un des principaux producteurs de café, a subi des pluies torrentielles quand, en Espagne, une vague de chaleur a conduit à une réduction de moitié de la production mondiale d’olives. Les ouragans ont détruit environ 10 % des orangers en Floride, où sont cultivées neuf oranges américaines sur dix. Les fortes pluies de l’été dernier au Ghana et en Côte d’Ivoire ont permis à la maladie de la cabosse noire de se développer, limitant fortement le rendement des cacaotiers. La hausse des cours se répercute sur les produits finis.
Aux États-Unis, le prix du sucre et des friandises a augmenté de près de 9 % en 2023. De nouvelles hausses sont attendues en 2024. Le prix des pâtisseries est également en forte hausse. Celles-ci avaient déjà subi l’augmentation des prix de l’énergie en 2022 et 2023. Le prix des pâtisseries a augmenté de plus de 25 % en deux ans en France.
Le « Règlement sans déforestation » de l'Union Européenne impose de nouvelles contraintes
Le prix des produits agricoles est en augmentation également en raison des réglementations adoptées par l’Union européenne ou les États-Unis. Le « Règlement sans déforestation » de l’Union Européenne impose de nouvelles contraintes aux pays exportateurs de cacao, de café ou d’huile de palme. Ils devront prouver que leurs exportations ne sont pas la conséquence de la déforestation. Ce règlement entrera en vigueur à la fin de l’année 2024. Il incite les importateurs à augmenter leurs stocks ce qui contribue à la hausse des cours. Il est surtout perçu comme une ingérence de l’Europe dans la gestion des surfaces agricoles de pays émergents ou en développement.
Ce règlement contribue à dégrader les relations commerciales entre l’Union européenne et le Mercosur, sachant que les tensions actuelles en France ne favorisent pas les discussions sur le projet de Traité commercial.
Les États d’Amérique latine comme ceux d’Afrique reprochent la montée du protectionnisme en Europe comme les États-Unis sous couvert de protection de l’environnement. Avec ou sans El Niño, les consommateurs devront payer plus cher dans les prochaines années leur chocolat, leur café ainsi que leurs pâtisseries.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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