Le gouvernement algérien s’agite en tous sens, comme un noyé dans les sables mouvants. Politiquement, la purge d’une partie du clan Bouteflika se poursuit, la mise au pas de la presse s’intensifie, les arrestations continuent. Selon l’ONU, l’Algérie est un des 38 pays qui ont utilisé l’épidémie pour restreindre les libertés publiques. Quelques manifestants du Hirak bravent encore les interdictions. Ils sont vite arrêtés.
La campagne pour le référendum du 1er novembre sur le changement de Constitution a commencé le 7 octobre dans une indifférence générale, personne ne comprenant la nature des changements proposés : passer d’un régime présidentiel à un régime semi présidentiel… Le Président cherche toujours sa légitimité et espère la conforter avec un vote que ne manquent pas de lui promettre ses soutiens. Ce qui lui permettra peut-être de renforcer son autorité et prendre des mesures plus répressives, mais ne résoudra l’aspiration des Algériens à une société plus ouverte et plus libre.
Paradoxalement, ce sont les Oulémas et le parti des Frères musulmans, le MSP, qui feront campagne contre la Constitution, pas assez islamiste à leur goût. Le PAD, qui se réclame du Hirak et se déclare laïc, appelle à boycotter le scrutin et n’a donc pas le droit de faire campagne.
Le référendum du 1er novembre ne résoudra pas la crise politique
Les questions politiques demeurent, les problèmes économiques ne permettront pas de calmer les choses, au contraire.
L’Algérie dépend des exportations d’hydrocarbures. Elles représentent 95% des exportations du pays. Avec un prix du baril à 40 $, le déficit budgétaire s’élèvera à 12% du Pib. Les investissements publics vont chuter de moitié, ils représentent plus de 40% des investissements du pays. La récession sur l’année 2020 est déjà évaluée à -5%, une des plus élevées de la région.
Pour l’instant, la dette algérienne est quasi inexistante, les réserves de change se monteront à 44 milliards de dollars en janvier 2021, suffisantes pour couvrir 10 mois d’importations. Mais une projection les évalue à 24 milliards à la fin de l’année 2021. Ce qui permettra encore de couvrir les importations pour 6 mois, mais donnera le signal d’une faillite annoncée: moins 22 milliards en un an, la pente sera trop raide. D’autant que ces projections sont établies avec un prix moyen du baril à 50 $, alors qu’il est actuellement à 40$ et a déjà connu plus bas.
Une récession aggravée par la chute du prix du baril.
Si le gouvernement algérien compte sur de bonnes nouvelles pour le prix du baril, il doit aussi s’attendre à en recevoir de mauvaises. La crise en Algérie affecte les grands groupes et les banques du pays, avec une dette de prés de 78 milliards de dollars. Si l’Etat devait recapitaliser les banques, ses capacités seraient mises à rude épreuve, et il devrait vite se tourner vers des garanties internationales.
L’alarme de la baisse des réserves sonnera fin 2021
Pour éviter la récession, le gouvernement algérien prévoit une politique de relance, d’une douzaine de milliards d’euros. Très insuffisant par rapport à la baisse des investissements actuels, mais suffisant pour qu’à la fin de l’année, les réserves de change soient encore réduites de 10 Milliards. En quelque sorte, une alarme sonnera, et il sera impossible de la faire taire.
Annulation de l’accord avec l’Union européenne
L’annulation de l’accord de libre échange avec l’Union Européenne, qui devait entrer en vigueur le 1er septembre, s’explique, et inquiète.
Il s’explique pour préserver le plus longtemps possible les réserves de change et éviter de mettre en concurrence des entreprises algériennes qui n’ont pas le niveau de compétitivité requis, preuve du retard d’investissement. Pour autant, cette annulation inquiète, car ce repli se fera mais au détriment des consommateurs, de la modernisation des entreprises et de l’ouverture aux investissements étrangers. Garder un vieux moteur ne fait pas avance plus vite. Parce que l’UE est le premier partenaire commercial de l’Algérie, l’UE aurait intérêt à aider l’Algérie, comme elle a pu aider les pays de l’est européens à se moderniser, ce qui suppose ouverture, confiance, échange. Un choix d’avenir que l’Algérie n’a pas osé.
Un partenariat repoussé
Il ne serait pourtant impossible de penser que l’Algérie pourrait faire aussi bien, surtout avec ses réserves d’hydrocarbures, que la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Bulgarie ou l’Estonie. Ce serait son intérêt, celui de l’Europe et de l’ensemble de l’Afrique.
La porte fermée à l’accord commercial ne gêne pas outre mesure les Européens. Elle leur enlève, malheureusement, une responsabilité. Ce qui est bien dommage si l’on veut considérer que l’Europe a intérêt à asseoir une pax mediterranea.
Le gouvernement algérien, craignant de s’engager avec les Européens, se tourne, comme bien des pays africains, avec les mêmes illusions, vers la Chine. L’Algérie avait déjà signé, il y a six ans, comme d’autres pays, un accord permettant les échanges commerciaux en Yuan. Comme ailleurs, cela n’a pas marché. Tant que le Yuan sera une monnaie administrée, cela ne marchera pas. Cela n’empêche pas le gouvernement de rêver en chinois. Le Premier ministre a même recommandé aux Algériens « d’apprendre le chinois pour se préparer à l’avenir ».
Le rêve chinois
Derrière ce rêve, se révèle l’espoir que les banques chinoises pourraient voler au secours des banques algériennes si besoin était. C’est ignorer le montant des dettes couvertes par les banques chinoises, en Chine. Car la Chine a ses propres soucis.
Peut-être la Chine serait-elle ravie de renforcer ses points d’appui en Algérie. Peut-être estimerait-elle que ce serait un investissement rentable à long terme, compte tenu de la richesse de l’Algérie en hydrocarbures. Sans doute le gouvernement algérien se félicitera-t-il de figurer dans une alliance « anti impérialiste » qui ne lui demandera jamais de compte sur la démocratie, les droits de l’homme, ou la corruption.
Pourtant, le gouvernement algérien n’en est qu’à moitié convaincu. Il sait que la Chine n’a pas la manne charitable, que la Chine envahira l’Algérie de ses produits plus encore que ne le font les Européens.
Et puis le gouvernement ne s’inquiète pas que d’économie, mais aussi du djihad au Sahel, de la guerre en Libye, et des tempêtes en Méditerranée. C’est pourquoi le gouvernement algérien a accueilli le Secrétaire d’état à la défense américain avec beaucoup d’intérêt -une première depuis 15 ans- et continue de coopérer avec la France sur les questions de renseignement et de sécurité. Le voyage de Gerald Darmanin au Maghreb en est un des multiples signes.
Boulimie militaire
Dans cet état de périls, on n’a jamais trop d’appuis. C’est pourquoi l’ami russe est soigné. Mais comme les Russes n’ont rien à vendre, si ce n’est des armes, l’Algérie est devenue avec ses achats d’armes la première puissance militaire du continent. 13,5 milliards de dollars en dix ans : 28 avions de chasse, 385 chars, 42 hélicoptères de combat, deux sous-marins, et bientôt 14 Mig 29 et 32 Sukhoï supplémentaires. De quoi faire la guerre, mais à qui ?
Un gouvernement incertain ne veut surtout pas paraitre faible. Et pourtant, ses amis s’étonnent de le voir essayer de faire baisser la température -économique, politique et sociale- en mettant un couvercle sur la marmite. Si le Président algérien voulait tourner le dos au passé, cela lui serait pourtant facile. La force, ce serait d’oser une société de liberté et de jouer l’alliance avec l’Europe.
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Je ne suis pas du tout un pro régime algérien mais il est navrant se lire ce type d’articles devenus ai conventionnel presque parce qu’il faut écrire un papier sur l’Algérie … J’ai recherché les références de l’auteur mais en vain et là aussi c’est typique de constater que très souvent ceux qui expriment ces idées ne sont soit jamais allé dans ce pays où n’ont jamais véritablement investigué..combien il est facile depuis son bureau d’agiter les peurs..avec des arguments ressassés depuis de nombreuses années. Soyez transparent et vous serez crédible..faites un véritable travail d’investigation et ne tombez pas dans la facilité.. les lecteurs ne sont pas tous incultes..merci