La Ruhr, symbole d’espoir pour l’Allemagne

La Ruhr, symbole d’espoir pour l’Allemagne

En ce début d’année 2024, il est de bon ton de s’apitoyer sur les résultats économiques allemands. L’année dernière, le PIB de notre voisin a reculé de 0,3 % quand le nôtre a augmenté de 0,9 %. En 2023, aucun pays du G7 n’a fait, en termes de croissance, moins bien que l’Allemagne. La Deutsche Bank a estimé que la production industrielle a diminué de 9 % depuis 2018 et qu’elle pourrait encore diminuer, cette année, de 2,5 %. L’Allemagne après avoir été un modèle pendant des décennies serait devenue le pays malade de la zone euro. Ce raccourci teinté de chauvinisme reflète assez mal la réalité. 

En 2023, la France a bénéficié d’une croissance plus élevée grâce à un déficit bien plus important que celui de notre partenaire d’Outre-Rhin, 5 % contre 3 %. La France a acheté sa croissance à crédit, augmentant toujours plus sa dette qui représente à présent plus de 110 % du PIB, contre 66 %. Par ailleurs, le taux de chômage est de 3,3% en Allemagne, contre 7,5 % en France.

La Ruhr, le cœur de l’industrie allemande en pleine reconversion

La Ruhr a été longtemps le cœur de l’Allemagne industrielle. Cette région a abrité les plus grandes mines de charbon et aciéries d’Europe. En 2023, moins d’un salarié sur cinq travaille dans l’industrie, soit moitié moins qu’il y a quarante ans. Pour autant, la Ruhr reste économiquement incontournable. Elle a réussi à se réinventer quand de nombreuses autres régions industrielles historiques comme celles de Pittsburgh, de Lorraine en France ou des Midlands au Royaume-Uni ont périclité. En 2023, la Ruhr compte 5,1 millions d’habitants répartis dans une cinquantaine de villes ; elle constitue la plus grande agglomération d’Allemagne. 

La région a investi dès les années 1970 dans l’éducation. Elle accueille plus de 260000 étudiants en provenance de toute l’Allemagne. Des centres de Recherche & Développement ont été créés. Dotée d’infrastructures de transport dense et de qualité, la région a attiré les entreprises de logistique qui sont devenues les premiers employeurs privés. 

Il y a plus de quarante ans, les collectivités locales ont investi dans l’environnement et les loisirs en réaménageant les mines, en plantant des arbres et en ouvrant des musées. 

La moitié sud de la région, avec les grandes villes de Dortmund, Duisburg et Essen, a connu, ces dernières années, une forte croissance quand le nord, plus dépendant du charbon, éprouve plus de difficultés à trouver un second souffle. La ville moyenne de Gelsenkirchen souffre d’un chômage chronique depuis la fermeture des dernières mines en 2018. Le taux de chômage en 2023 y était de 14,6 %, soit près de trois fois celui du reste de l’Allemagne. 

La Ruhr
©Office de reconversion de la Rurh

Sans formation et sans haute technologie, point de salut

Dortmund, la principale ville de la Ruhr avec plus de 600 000 habitants, est devenue un symbole de réussite et d’adaptation. Le taux de chômage qui avait atteint 20 % en 2005 après la fermeture de l’aciérie Hoesch s’élevait fin 2023 à 2,3 %. Au début du XXIe siècle, les entreprises sidérurgiques étaient les premiers employeurs de la ville. En 2023, il n’existe plus qu’une usine d’acier spécialisé employant quelques centaines de personnes. Plusieurs usines ont été transformées en centres de logistiques qui utilisent les voies ferrées et fluviales créées pour transporter les minerais et l’acier. D’autres ont été aménagées en bureaux, en établissements d’enseignement supérieur ou en salles de spectacles. 

Autour d’un lac artificiel, un complexe sidérurgique a même été transformé en immeubles de luxe. Les autorités municipales espèrent que la population de Dortmund augmente dans les prochaines pour atteindre plus de 625 000 en 2025. À cette fin, de nouvelles écoles et un musée sont en cours de construction. Ayant tiré les leçons de l’effondrement de Hoesch, la mairie privilégie la diversification économique et la montée en gamme des entreprises accueillies sur son territoire. Elle parie sur la haute technologie, sur les start-ups et les centres de recherche. Avec un tissu économique de nouveau dense, la ville de Dortmund qui a été longtemps en proie à des difficultés financières est aujourd’hui considérée comme riche. 

Les autorités locales estiment aujourd’hui qu’elles avaient, dans le passé, dépensé trop d’argent pour maintenir en vain la sidérurgie. Elles sont critiques par rapport au plan de soutien à la microrégion de Gelsenkirchen qui reposait sur un développement des entreprises spécialisées dans l’énergie solaire. Ces entreprises n’ont jamais été rentables et ont disparu dès l’arrêt des subventions. 

À défaut d’avoir réussi dans le solaire, la Ruhr entend gagner la bataille de l’hydrogène. ThyssenKrupp Nucera propose des solutions techniques pour faciliter la production verte de l’hydrogène. Cette entreprise emploie plus de 500 personnes à Dortmund. Ils conçoivent et commercialisent non pas des produits techniques mais des process faisant appel à des chaînes d’approvisionnement mondiales. La Ruhr, bastion industriel, est devenue une région de services et de conception de solutions. 

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