« Un évincé, ça ferme sa gueule ET ça disparaît discrètement ». Voilà le destin qui semblait promis à Stéphane Vojetta, député sortant de la 5ème circonscription des Français de l’étranger (Espagne, Portugal, Monaco, Andorre) quand Manuel Valls est pressenti pour être investi à sa place pour la législative de Juin 2022. Il revient sur cette période dans son premier livre publié ce 20 juin 2023, « Remontada ».
Le récit d’un mano à mano électoral
Le livre « Remontada » disponible sur les plateformes d’achat, est d’abord le récit d’un mano à mano passionnant, une lutte démocratique à distance entre deux individus aux parcours opposés mais qui vont être lancés dans une « primaire » électorale de premier tour puisque revendiquant tous deux l’appartenance à la majorité présidentielle : Valls sera battu. David aura à nouveau terrassé Goliath. Et au passage Vojetta nous aura livré un récit qui restera dans les annales politiques des Français à l’étranger. Inspiré de son amour du sport – on y lit de belles pages sur le tennis et le foot – cette remontada politique qui fait référence dans son titre à la remontée du Real Madrid face à Manchester City en demi finale de la Champions League, nous plonge en effet dans une victoire qui semblait parfaitement improbable au départ.
Valls débarque avec le soutien de Paris
Valls débarque sur cette élection avec le soutien de Paris et en mettant en avant son lien viscéral avec l’Espagne, le lien du sang que lui confèrent ses origines catalanes. Son destin est connu : Valls est né espagnol et a été naturalisé français à 18 ans. Il vient du rocardisme et occupe pendant plusieurs décennies une position singulière au sein du PS, incarnant un socialisme républicain, sensible aux questions sécuritaires. Certains voient en lui alors l’incarnation d’une supposée « aile droite » radicalement opposée aux frondeurs pendant le quinquennat Hollande. Valls c’est aussi celui qui pose le premier le constat de divorce entre les « gauches irréconciliables », c’est l’opposition à la France Insoumise et c’est le constat que les sociaux-démocrates doivent choisir une autre route au sortir du quinquennat contrasté de François Hollande. Il justifiera ainsi son soutien à la candidature d’Emmanuel Macron. Valls c’est aussi une personnalité clivante, apparaissant régulièrement aux sommets des classements des personnes politiques les plus rejetées par les Français. Ses détracteurs le jugent hautain et égotiste. Rappellent ses 6% à la primaire socialiste en 2011, qui ne l’empêcheront pas, grâce à son sens de la manoeuvre, de devenir une figure centrale dans la campagne de François Hollande puis au sein de l’Etat socialiste où il est appelé à Matignon grâce à une alliance avec Hamon et Montebourg, frondeurs jusque-là honnis avec qui il fait alliance pour précipiter la chute de Jean-Marc Ayrault.
Une image politique écornée, une figure d’opportunisme
Ses supporters mettent en avant son autorité naturelle et son sens tactique. Mais Valls garde une image écornée quand il apparaît dans le paysage politique des Français de l’étranger. Tout le monde se souvient de son aventure malheureuse aux municipales de Barcelone, un épisode raté qui provoquera la réouverture du procès en opportunisme qui jalonne la vie de l’ex figure de proue du Parti socialiste devenue un des symboles du ralliement des personnalités de gauche au Macronisme en 2017.
Le maillage humain tissé par Stéphane Vojetta
Vojetta en comparaison est fait d’un tout autre bois. Il vient à la politique par l’investissement associatif, lui qui a été président de l’association des parents d’élèves du Lycée français de Madrid. Ce diplômé de l’ESSEC s’est installé il y a plus de vingt ans en Espagne et possède depuis des liens forts avec les Français de cette circonscription, un maillage humain patiemment tissé grâce à son sens du contact et sa sincérité : à Madrid, sa base arrière où il vit avec sa famille, où il a bâti sa carrière professionnelle, mais aussi à Barcelone ou à Lisbonne ainsi que dans les toutes petites communautés françaises les plus retirées où il va au devant de tous, sans a priori, il a pour seule volonté le désir de convaincre chevillé au corps. S’il a plutôt une sensibilité de gauche au départ, il a voté Bayrou à deux reprises aux présidentielles et il se réalise avant tout dans des engagements concrets. Son investissement associatif et sa personnalité lui valent d’être élu député suppléant de Samantha Cazebonne en juin 2017. L’ex chef d’établissement scolaire qui a été investie par En Marche fait alors appel à lui pour former un duo d’élus promettant du changement dans le style qu’elle veut direct, engagé, franc. Cela correspond parfaitement aux promesses d’un Emmanuel Macron qui veut alors régénérer la vie politique en faisant appel à des femmes et hommes nouveaux, n’ayant pas connu l’habituel parcours fléché des hommes et femmes d’appareils, encartés très tôt, formés sur les bancs de Sciences Po à devenir des professionnels de la chose politique.
Le duo Cazebonne-Vojetta ne survit pas à l’élection
Le duo va très bien fonctionner pendant un premier mandat écourté par l’élection de Cazebonne au Sénat en 2021. Vojetta devient alors député à part entière et rentre à l’Assemblée. « Remontada » c’est aussi la confession d’un homme politique atypique. Qui n’a pas cherché la lumière. Que les circonstances poussent au premier rang. Dans ce livre il se met à nu sans calculs, lui qui se voit comme un outsider, un véritable « underdog », un transfuge de classe issu d’un quartier populaire de Toul dans l’Est de la France. Il va puiser dans ses origines, dans sa culture populaire et son vécu professionnel une capacité à se sublimer et à gagner face à Valls piégé par sa propre suffisance et qui ne voit pas qu’il a face à lui un politique de terrain apprécié très largement.
« Malheureusement pour lui, cette fois-ci il n’aura pas d’article 49.3 sous la main pour se débarrasser du frondeur Vojetta. Il faudra passer par les urnes ».
Le récit politique de la chute de Valls
Ce récit politique de plus de trois cents pages qui s’avalent avec délice est celui d’un superbe tour de force qui sera aussi très commenté par la presse et fera de Vojetta le tombeur médiatique de Valls, une aventure politique dans laquelle il a affirmé une manière de communiquer très moderne entre spontanéité et intuitions gagnantes, pleines de référence à une culture populaire qui parle à tous.
Une communication qui fait mouche
Ses tweets de campagne font mouche. Depuis le « pas que je sache », quand il réagit en ligne à l’information du parachutage de Valls sur la circo. Un tweet qui sera d’emblée partagé largement et lui permettra de gagner en surface médiatique sur les incontournables réseaux sociaux et auprès des journalistes politiques qui dès lors se mettront à le suivre davantage. Se saillies pertinentes et drolatiques révèlent un homme habile naturellement en communication 2.0 et que les réseaux sociaux n’effraient pas. Il devra d’ailleurs parfois convaincre sa propre équipe de campagne de ne pas le brider. On devine aussi un individu au sens de l’humour très affirmé.« La référence de pensée politique durant ces années adolescentes, c’était le Jean-Jacques Goldman de “Au bout de mes rêves”, “Envole-moi” ou “Là-Bas”, plutôt que Karl Marx ou Jean-Paul Sartre ».
A la fin de sa campagne on le voit ainsi sur une intuition faire un selfie à la sortie du village de « Valls » en Espagne, devant le panneau de signalisation où le nom de la localité barré de rouge laisse entendre que l’heure de l’élimination est proche pour l’ex premier ministre.
Une campagne à l’énergie sous forme de road movie
Vojetta a su mobiliser une énergie rare qui l’a fait s’engager dans un véritable « road movie » de terrain pour aller à la rencontre de ses électeurs. En ce sens le récit politique pourrait être un excellent manuel d’entrée en politique pour tous les impétrant(e)s qui veulent se lancer dans la vie politique à l’étranger et découvrir ses spécificités dont la principale est la gestion de l’éloignement puisqu’on parle ici d’une circonscription étendue sur 4 pays différents distants de plusieurs milliers de kilomètres.
« Tout au long de ce road trip, je vais parcourir près de 5.000 kilomètres, et je serai au volant lors de chaque mètre du trajet. Sur les portions que j’ai réalisées en solitaire, bien sûr (dont l’étape de 300 kilomètres entre La Corogne et Gijón prévue demain après-midi), mais aussi quand j’étais accompagné de Yann, Nathalie, Bruno, Baudouin, Bérénice et tous ceux qui sont montés à bord de la « Vojmobile ».
Dans la dernière ligne droite, en étape à Vigo, il avoue avoir perdu cinq kilos en cinq jours et on sent le candidat au bord de la rupture.
Un récit sans filtre qui dit aussi les doutes et le désarroi face aux trahisons
La fatigue, le désarroi, les hésitations de certains, rien n’est en effet dissimulé. Et on suppose que le livre donnera le sourire à ses proches et fera grincer quelques dents chez ceux qui n’ont pas été toujours fair-play avec le député. Car le livre se veut aussi comme une réflexion sur la loyauté et interroge la réalité des liens qu’on bâtit en politique. Malgré une relation politique forte, Vojetta va être lâché, certains diront trahi, par l’ex député Samantha Cazebonne qui devient la présidente du comité de soutien de Valls. On voit aussi le caractère tortueux des états-majors parisiens, qui enterrent trop vite les chances de Vojetta de l’emporter face à la notoriété de l’ex premier ministre… Preuve s’il en est du centralisme démocratique de la vie politique française où le sort d’élus de terrain peut se jouer sur un coin de table de l’Elysée. Le livre montre ce que c’est de devenir un dissident, quand on est pourtant loyal au Macronisme. Il y a aussi le réalisme un peu cynique qui voit les états-majors adouber à nouveau Vojetta pour le deuxième tour après son tour de force du premier. Ce dernier montrera au passage sa capacité à négocier pour entrer à la commission des affaires économiques de l’Assemblée, en faisant monter les enchères.
Un livre jamais amer, avec une éthique d’écriture
Le livre n’est jamais amer, il ne comporte aucune méchanceté gratuite ou ironie perfide de campagne et il révèle aussi une forme d’éthique d’écriture appréciable à l’heure où les politiques sont critiqués pour leur langue de bois ou au contraire pour la violence de leurs propos.
Vojetta va non seulement gagner cette élection mais faire progresser la participation électorale dans ces élections à l’étranger qui connaissent habituellement une abstention massive. Avec 57 pour cent au second tour et 15000 voix il réalise le score le plus important en trois élections législatives. Il s’affirme donc en habile politique atypique doublé d’un promoteur de la démocratie de terrain.
Le deuxième tour face à Renaud Le Berre soutenu par la NUPES
Au deuxième tour il affronte un candidat de gauche en la personne de Renaud Le Berre implanté à Barcelone et enseignant au Lycée français qui est soutenu par la NUPES.
On sent dans le livre son respect pour le Berre mais un rejet fort du Mélenchonisme qui est pour lui « un populisme à tendance insurrectionnelle », « une alliance entre la démagogie et le mensonge ». C’est là probablement sur le fond un des rares points d’accord idéologique partagé avec Manuel Valls. Il sait que la dynamique macroniste de 2017 n’est plus la même cinq ans après et il va mobiliser ses forces face à ce qu’il perçoit comme une candidature mélenchoniste.
« Cette défaite probable face à la gauche unie derrière Jean-Luc Mélenchon et sa Nupes, après nos victoires de 2017 (Législatives), 2018 (élection législative partielle), 2019 (Européennes) puis 2021 (Consulaires), je ne peux pas l’accepter ni m’y conformer. Ni pour moi, ni pour ma famille politique ».
Le récit de la conquête de haute lutte d’un siège
Ce livre ne règle pourtant aucun compte personnel. Il restitue le récit documenté de cette remontada incroyable. Il permet la rencontre avec une personnalité attachante qui dira dans une interview au Monde qu’il ne peut faire comme si rien ne s’était passé. Un homme qui a de la mémoire. Qui a dû emprunter le chemin de la dissidence pour ne pas être effacé de l’Histoire. Un homme qui sait d’où il vient et probablement où il va. Rougirait-il ou sourirait-il si on voyait en lui le Rocky Balboa de Madrid, le Gladiator de Toul ? Stéphane Vojetta est surtout un député solidement installé à l’Assemblée. Je vous invite à découvrir le récit de la conquête de son siège de haute lutte.
Echange avec Stéphane Vojetta : « investir Valls a été une énorme erreur »
Boris Faure : Stéphane Vojetta, vous êtes député sortant quand la préparation de l’élection législative de 2022 place Manuel Valls sur votre route. Les rumeurs vont monter puis ensuite la perspective concrète de son investiture par « Ensemble » et la majorité présidentielle. Quelle est votre réaction ?
Stéphane Vojetta : Je réalise en effet que Manuel Valls va être investi. Ce qui apparait d’emblée à mes yeux comme une énorme erreur politique que de penser qu’il peut remporter l’élection sur la 5ème circonscription des Français de l’Etranger.
Mais l’entrée de Valls dans cette élection change absolument tout. Cela amène une attention de la presse qui n’aurait jamais existé sinon. Je me retrouve à mon corps défendant dans une bataille médiatique. J’ai la conviction que Valls va perdre. Mais il faut éviter aussi la défaite de ma famille politique. Il y a un défi car la plupart du temps les candidatures dissidentes sont vouées à l’échec. Ma conviction personnelle c’est que je connais bien ma circonscription et mes électeurs. Je me dis qu’il y a un coup à jouer. Même si certains pensent que je vais me faire éliminer par Valls qui revendique le soutien du Président de la République. Il faut que je m’organise pour transformer une campagne classique en campagne réinventée.
Boris Faure : Samantha Cazebonne dont vous étiez le suppléant à l’Assemblée avant qu’elle ne soit élue sénatrice va soutenir Valls. Est-ce que cela fait mal ?
Stéphane Vojetta : La première version de ce récit, écrite dans la foulée de la campagne, était plus dure envers tous ceux qui ont laissé passer l’investiture de Valls. Me voir abandonné par des gens que je voyais comme des amis ou des proches, cela a été un coup au foie que j’ai dû encaisser. Dans le livre je ne parle pas en mal de Samantha, au contraire je dis même tout le bien que je pense d’elle et de son action de député. Sur la campagne elle a dû suivre ou assumer sa part et elle a fait le job. Je reconnais que c’était certainement sa mission. Elle n’aurait pas pu me soutenir. Certains ont dit qu’elle avait peut-être fait du zèle en devenant présidente du comité de soutien de soutien de Valls. Elle aurait pu frapper du poing sur la table en disant haut et fort que c’était une mauvaise décision que de l’investir. Tout comme Guérini ou Emmanuel Macron auraient pu aussi s’exprimer contre cette investiture. Mais après la réélection présidentielle de 2022 on est pris dans le tourbillon, il y a 577 investitures puis 577 campagnes à mener et un Valls qui pèse. Personne ne lui a dit « Manuel tu vas faire une connerie ». Je suis le seul à taper sur la table. Avec Samantha cette élection a laissé des traces et on a mis un peu de temps à rebâtir notre relation.
Boris Faure : Manuel Valls sera battu au 1er tour et appelle à faire barrage à la NUPES sur le deuxième qui vous oppose à Renaud Le Berre. Vous adressez un mot cordial à l’ancien Premier Ministre auquel il ne répond pas…
Stéphane Vojetta : Attendez, je vérifie mes SMS. Il n’a toujours pas répondu à ce stade (rires…). Le fait de ne pas avoir de contacts avec lui pendant la campagne faisait partie du récit. Je n’avais pas ses coordonnées. Je pensais qu’il me passerait un coup de fil avant l’investiture pour essayer de me convaincre. Il ne le fait pas et agit comme un bulldozer en me passant au-dessus de la tête. Je n’ai pourtant pas ressenti de violence chez Valls, mais de l’ambition, des certitudes héritées de sa position de toute puissance au sein de la République. Il est aussi très bon à la tribune, il faut dire ce qu’il est. Tout cela l’expose aussi à des pièges. Il ne voit pas les angles morts. Il est sans doute convaincu qu’il a toujours raison.
Boris Faure : Votre communication politique est originale et très moderne. Il y a votre road trip qui vous permet de labourer le terrain mais aussi votre style alliant le sérieux et l’humour, le premier et le second degré. Pouvez-vous m’en parler ?
Stéphane Vojetta : Ma campagne de candidat officiel allait être « proche de vous ». J’allais faire un road trip quoi qu’il arrive. J’assumais de faire beaucoup de réunions publiques même si c’était pour converser avec trois personnes dans un coin reculé. Je voulais présenter l’image d’un élu proche des Français de sa circo. Sans mentionner formellement Valls je vais m’assurer que dans ma communication je suis perçu comme l’antithèse de sa campagne et de son positionnement. Je ne vais pas faire de déclarations grandiloquentes. Je vais parler de politique comme je le fais avec mes copains, de façon directe. Je parle le langage de la proximité, je démontre mon absence d’ambition politique réelle. Il fallait mettre en avant ma dose de sincérité, enlever le filtre, faire apparaître aussi la déception, la tristesse, la colère dans ma communication. Quand on leur parle d’émotion, ça parle aux gens. J’essaie toujours d’utiliser des mots qui révèlent une émotion dans mes interpellations aux ministres ou à l’assemblée. En écoutant les membres de la classe politique tu as trop souvent l’impression d’entendre parler des notaires ou des avocats. Exprimer tes frustrations, ta colère, cela crée une empathie. C’est ma manière habituelle de faire les choses. Y compris quand j’étais dans mes fonctions de président d’une association de parents d’élèves à Madrid. Du sincère et du direct.
Boris Faure : Dans ce livre il y a aussi l’hommage à une culture populaire que vous valorisez pendant la campagne car elle correspond à vos origines.
Stéphane Vojetta : La culture populaire, c’est Rocky, Gladiator, Goldman, Sardou, Miley Cyrus. Ce n’était pas volontaire. Mais c’est ma culture. C’est la culture d’où je viens. Chez moi à table on parlait de Johnny et de Sardou. J’ai fait des exposés en 3ème sur Jean-Jacques Goldman… et pas sur Jean-Paul Sartre. J’ai convoqué Booba à mes côtés à l’assemblée. Les gens il y a des références qui leurs parlent et d’autres qui ne leur parlent pas. On reproche parfois à Emmanuel Macron de ne pas se mettre à la hauteur des gens, avec des mots trop compliqués et forcément cela crée une distance. Moi je suis plutôt Top 50 que La Pléiade. Je suis de Toul d’un quartier classé en ZEP. Origines populaires, culture populaire, je ne renie aucun des deux.
Boris Faure : Vous parlez dans le livre de la posture de transfuge de classe…
Stéphane Vojetta : Tout cela je ne l’ai jamais dit jusqu’à maintenant. Au fur et à mesure que tu montes et que tu réussis à gravir les échelons en tant que transfuge de classe tu essaies de masquer tes origines. Tu crois que le secret de la réussite c’est cela. Un de mes patrons de banque en Espagne, une personne très bien née, m’a conseillé jadis de renoncer à mes ambitions en Espagne pour retourner « chez moi ». J’ai souvent perçu le fait de dissimuler mon identité réelle comme le secret de la réussite. Dans mon livre il y a un message d’espoir sur le fait que l’on peut s’engager en partant d’en bas et arriver néanmoins à faire bouger les choses. J’espère que des jeunes liront ça. Il y a des parcours de vie qui sont possibles. Je voudrais ouvrir les mentalités.
Boris Faure : Une de vos grandes victoires est de faire progresser la participation électorale, non ?
Stéphane Vojetta : C’est une victoire démocratique. On a fait remonter la participation électorale presque au niveau de la présidentielle. On a réussi à intéresser les gens, à les faire réagir. Bien sûr la présence de Valls attire la presse nationale et a donné une grande visibilité à l’élection. Du coup les Français vont s’intéresser beaucoup plus à cette élection locale. En Juin la campagne et le duel avec Valls devenaient LE grand sujet de conversation sur la circo. La grande différence avec mes collègues députés de l’hexagone c’est aussi que nous avons accès aux adresses mails de nos électeurs. Cela permet d’aller plus loin en profondeur dans la communication. Avec des taux d’ouverture de 30 à 40 pour cent. Dans ma newsletter de député j’essaie d’être aussi précis que possible dans ma communication. Les gens qui la lisent reviennent vers moi avec des commentaire structurés sur mes opinions. Je fais aussi des enquêtes qui peuvent réunir jusqu’à trois mille réponses. C’est un des éléments structurants de notre rôle et de notre capacité d’action. J’ai aussi mis en place ma « ligne directe Whatsapp » qui permet des interpellations directes. Je mentionne Ivo et Jocelyne, deux personnes qui étaient franchement contre moi et qui ont fini par me soutenir grâce à l’échange et au dialogue.
Boris Faure : Votre écriture est faite de sincérité. Vous ne cachez rien de vos états d’âme et des coulisses de la campagne. Comment avez-vous écrit ce livre ?
Stéphane Vojetta : Cela a été une campagne basée sur l’émotion. Chez les électeurs, et chez moi. Avec des moments de doutes. J’ai eu l’impression parfois d’être un fugitif. Je me demandais si les gens allaient résister à l’attrait de voter pour un ancien premier ministre soutenu par le président de la république. Il y a cette nuit que je décris. C’était à Vigo. C’était le « low point » de la campagne. La tristesse. Les doutes. Des amis avec qui j’ai passé des vacances ont fini par voter pour Valls. Quand tu es seul sur la route ces pensées remontent. Notamment parce qu’on a vécu des décès sur la campagne et ça m’a renvoyé à des choses intimes, le rapport au deuil, à mes origines et à mon père. Mais sans misérabilisme.
Le livre a été écrit en 6 semaines l’été dernier pendant la période de pause parlementaire. A chaud. Au fil de mes voyages en train et en avion j’ai pu le compléter. Je n’ai décidé que récemment de le publier, car je suis arrivé à la conclusion que cette histoire devait être racontée. C’est pour cela que je le fais en auto-édition pour rester libre du calendrier. Le but du jeu c’est que les Français de l’Etranger y aient accès. S’il se vend bien je m’engage à réinvestir les profits au bénéfice des associations de ma circonscription.
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