La récession attendra ! 

La récession attendra ! 

Après le rebond de 2021, post crise sanitaire, l’économie mondiale a connu un net ralentissement en 2022 en raison de la résurgence de l’inflation provoquée par la hausse des prix des matières premières, de l’énergie et des produits alimentaires. Pour 2023, après des prévisions pessimistes en fin d’année dernière, les instituts de conjoncture estiment que la récession pourra être évitée. 

Selon le FMI, la croissance de l’économie mondiale devrait être de 2,9 % cette année contre 3,4 % en 2022. Pour l’année prochaine, une petite reprise est attendue avec un taux de 3,1 %. Ces taux sont inférieurs à la moyenne des années 2000/2019 qui était de 3,8 %. 

En 2023, après trois ans hors normes, l’économie mondiale pourra escompter une certaine normalisation avec la réduction des goulets d’étranglement dans l’approvisionnement des matières premières et des biens intermédiaires. Une légère détente concernant les pénuries de main-d’œuvre est espérée avec le ralentissement de l’activité. Celle-ci pourrait conduire à une modération des prix des matières premières et de l’énergie. 

La Chine devrait connaître une reprise avec la disparition des mesures liées à la politique du zéro covid. Les pays émergents et en développement sont moins déstabilisés que prévu par la hausse des taux et l’appréciation du dollar. Dans les pays avancés, la croissance devrait passer de 2,7 % en 2022 à 1,2 % en 2023, avant de remonter à 1,4 % en 2024. Selon les prévisions du FMI, environ 90 % de ces pays avancés enregistreront une baisse de croissance en 2023. 

La croissance européenne sauvée par l’aide publique 

Après les plans de relance post-covid, les États européens ont mis en œuvre des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises afin d’atténuer les effets des hausses de prix. Ces mesures représentent au moins 1,2 point de PIB. Au prix d’un endettement public accru, elles ont contribué à limiter le ralentissement de l’activité provoqué par la hausse des taux d’intérêt et le transfert financier opéré en faveur des pays producteurs d’énergie. La chute des cours du prix du gaz et du pétrole a également joué en faveur de la croissance. L’augmentation des flux de gaz naturel liquéfié et par gazoduc en provenance des fournisseurs non russes, les économies d’énergie et les températures hivernales clémentes ont contribué à la détente sur les prix. 

Plusieurs facteurs pourraient néanmoins peser sur l’activité à l’avenir. Le FMI souligne ainsi dans sa dernière note de prospective une contraction de la production de l’industrie manufacturière et du secteur des services à la fin de l’année 2022. La confiance des consommateurs reste dégradée. Avec un taux d’inflation d’à peu près 10 % ou plus dans plusieurs pays de la zone euro et au Royaume-Uni, le pouvoir d’achat des ménages continue à s’éroder. L’accélération des relèvements de taux par la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne durcit les conditions financières et pourrait avoir des conséquences sur l’ensemble du secteur immobilier. 

Dans la zone euro, la croissance devrait atteindre son niveau le plus bas (0,7 %) en 2023, avant de remonter à 1,6 % en 2024. Le Royaume-Uni n’évitera pas en revanche la récession. Le PIB devrait se contracter de 0,6 % en 2023. 

Ralentissement marqué de la croissance aux États-Unis, le Japon à contrecourant 

La croissance américaine devrait passer de 2,0 % en 2022 à 1,4 % en 2023 et à 1 % en 2024. L’activité devrait reprendre au cours du second semestre 2024. Les taux directeurs devraient atteindre un sommet au courant de 2023 à 5,1 % en 2023. 

La croissance au Japon connaîtra une augmentation à 1,8 % en 2023, en raison de la mise en œuvre d’importantes mesures de soutien monétaire et budgétaire. Les bénéfices élevés des entreprises, liés à la dépréciation du yen, soutiendront les investissements des entreprises. La croissance devrait baisser à 0,9 % en 2024, les effets des mesures de relance s’atténuant.

Des pays émergents résilients 

La croissance des pays émergents ou en développement devrait augmenter légèrement, passant de 3,9 % en 2022 à 4 % en 2023 et à 4,2 % en 2024, avec une révision à la hausse de 0,3 point de pourcentage pour 2023 et une révision à la baisse de 0,1 point de pourcentage pour 2024. Près de la moitié des pays émergents et des pays en développement affichent une croissance plus faible en 2023 qu’en 2022. 

En Chine, la croissance de 2022 devrait s’établir à 3 %. Pour la première fois depuis plus de 40 ans, ce taux sera inférieur à celui de la moyenne mondiale. En 2023, un rebond est attendu avec une croissance de 5,2 %. En 2024, il devrait se situer autour de 4,5 % en 2024, avant de se stabiliser en dessous de 4 % à moyen terme, compte tenu de la perte de dynamisme des entreprises, de la diminution de la population active et de la lenteur des réformes structurelles. 

En Inde, la croissance devrait passer de 6,8 % en 2022 à 6,1 % en 2023, avant de repartir à la hausse pour atteindre 6,8 % en 2024. La croissance dans les pays de l’ASEAN-5 (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande) devrait également ralentir à 4,3 % en 2023, avant de repartir à 4,7 % en 2024. Le PIB de la Russie se serait contracté de 2,2 % en 2022, soit moins qu’attendu (-3,4 %). La croissance pour ce pays devrait être légèrement positive en 2023. La Russie bénéficie des prix élevés de l’énergie et a réussi à réorienter son commerce extérieur vers des pays qui n’appliquent pas les sanctions décidées par les pays occidentaux. 

Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes devraient enregistrer une baisse de leur croissance de 3,9 % en 2022 à 1,8 % en 2023. La politique budgétaire accommodante du Brésil devrait soutenir l’activité du continent. La modération des prix des matières premières et des produits agricoles devrait néanmoins peser sur la croissance tout comme le durcissement de la politique monétaire américaine. Selon les prévisions, la croissance au Moyen-Orient et en Asie centrale devrait passer de 5,3 % en 2022 à 3,2 % en 2023. La croissance en Arabie saoudite, devrait passer de 8,7 % en 2022 à 2,6 % en 2023, en raison de la diminution du prix du pétrole et des quotas de production, conformément à l’accord conclu par l’OPEP+(Organisation des pays exportateurs de pétrole, y compris la Russie). 

En Afrique subsaharienne, la croissance devrait rester modérée, à 3,8 % en 2023, compte tenu des retombées prolongées de la pandémie de COVID-19, avant d’atteindre 4,1 % en 2024. La situation économique devrait se dégrader en Afrique du Sud en lien avec des problèmes structurels récurrents quand elle devrait s’améliorer au Nigéria. 

L’inflation, le sommet en voie d’être franchi 

Après avoir atteint 8,8 % en 2022, Le FMI estime que l’inflation mondiale devrait reculer à 6,6 % en 2023 et revenir à 4,3 % en 2024. Elle devrait néanmoins être supérieure à son niveau d’avant crise sanitaire (3,5 % pour les années 2017/2019). 

84 % des pays devraient enregistrer en 2023 une inflation plus faible qu’en 2022. La désinflation attendue s’explique par la baisse des prix internationaux des matières premières, de l’énergie et des produits agricoles et par la diminution de la demande mondiale. Elle est la conséquence du durcissement des politiques monétaires.

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Dans les pays avancés, l’inflation annuelle moyenne devrait passer de 7,3 % en 2022 à 4,6 % en 2023 et à 2,6 % en 2024. Dans les pays émergents et les pays en développement, l’inflation annuelle attendue diminuera de 9,9 % en 2022 à 8,1 % en 2023 et à 5,5 % en 2024. Dans les pays en développement à faibles revenus, l’inflation devrait reculer de 14,2 % en 2022 à 8,6 % en 2024. 

Risques et incertitudes 

Dans sa note de prospective, le FMI souligne que plusieurs facteurs de risques pourraient influer sur ses prévisions. La hausse des salaires au sein des pays avancés pourrait remettre en cause le processus de décrue de l’inflation. Le comportement des ménages est sujet à d’importantes interrogations. Ces derniers disposent d’importantes réserves d’épargne constituées au moment de l’épidémie de covid. 

Si en Europe et au sein de la zone euro, les ménages décidaient d’accroître leurs dépenses de consommation en puisant dans leur épargne, la croissance serait certes plus élevée mais dans le même temps les tensions inflationnistes pourraient s’accroître. A contrario, le durcissement de la politique monétaire pourrait réduire les créations d’emplois et amener une désinflation plus rapide. Or, depuis trois ans, l’emploi reste dynamique en raison, en particulier, des changements de comportements des salariés (refus des horaires décalés, des travaux pénibles) et des besoins de certains secteurs d’activité (santé, tourisme, bâtiment, etc.). 

L’évolution de la situation économique de la Chine influencera le cours de la croissance mondiale dans les prochaines années. Avec des niveaux d’immunité de la population encore faibles et des capacités hospitalières insuffisantes, surtout en dehors des grandes zones urbaines, la pandémie de covid pourrait peser plus longtemps que prévu sur l’activité. L’éclatement de la bulle immobilière pourrait également entraver la croissance.

La guerre en Ukraine pèsera toujours sur le cours de l’économie. Ayant stocké suffisamment de gaz pour prévenir toute pénurie durant hiver 2022/2023, l’Europe bénéficie pour le moment de prix du gaz plus bas que prévu. Le prochain rendez-vous est à l’été 2023 au moment de la reconstitution des réserves qui devra se réaliser sans l’apport du gaz russe. Si la demande chinoise retrouve sa croissance d’avant crise sanitaire, elle pourrait provoquer une hausse sensible des cours.

60 % des pays à faibles revenus sont en situation de surendettement 

La menace du surendettement demeure prégnante. Plusieurs pays en développement sont toujours dans une situation d’extrême fragilité. 60 % des pays à faible revenu sont en situation de surendettement, 45 % présentent un risque élevé de surendettement. 25 % des pays émergents sont également confrontés à des problèmes financiers majeurs. Depuis octobre, les écarts de taux souverains des pays émergents et des pays en développement ont légèrement diminué sous l’effet d’un assouplissement des conditions financières mondiales et de la dépréciation du dollar.

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