La proposition de loi, dite anti-squat, portée par les groupes Renaissance et Horizons et soutenue par la droite et le RN, a été adoptée à une large majorité ce mardi 04 avril 2023. Elle prévoit de tripler les sanctions encourues par les squatteurs – jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Négocier avec le Sénat ?
L’Assemblée nationale a donc voté, ce mardi 4 avril, en deuxième lecture, la proposition de loi de la majorité présidentielle contre les squats, un texte qui inquiète la gauche et les associations de lutte contre le mal-logement, mais pas seulement, l’ONU a aussi émis des critiques, nous y reviendrons plus bas dans cet article.
Validée par 385 voix contre 147, et 8 abstentions, la proposition, qui a le soutien de la droite et du RN, doit désormais être examinée en deuxième lecture au Sénat, avant une probable tentative de conciliation entre députés et sénateurs dans une commission paritaire.
Accélérer les délais d’expulsion
Lors des débats en séance jeudi, les députés de gauche ont cherché en vain à revenir sur un ajout des sénateurs en première lecture : par cet article, le juge ne pourra plus accorder des délais aux squatteurs dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée.
La proposition de loi accélère, par ailleurs, les procédures en cas de loyers impayés. Il est prévu notamment de manière systématique dans les contrats de bail une « clause de résiliation de plein droit« , que le propriétaire pourra activer sans avoir à engager une action en justice.
La proposition de la majorité a été discutée alors que s’achevait vendredi la trêve hivernale, synonyme de reprise des procédures d’expulsions locatives. Quelque 350 personnes ont manifesté samedi à Paris contre le retour de ces expulsions et la proposition de loi, qui va « contribuer à la chasse aux pauvres orchestrée par Emmanuel Macron », selon Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement.
Les députés LFI ont déposé de leur côté une proposition de loi « d’urgence pour protéger les locataires de la hausse des loyers et des charges », et réclament sa mise à l’ordre du jour. Le logement est une « bombe sociale », d’après son initiateur, William Martinet.
Lever les freins à la location
Pour les résidents et encore plus pour les Français de l’étranger, la distance complexifiant la gestion locative et encore plus celle d’un conflit juridique, les délais de traitement par la justice des cas de squat ou d’impayés de loyer et la difficulté à faire exécuter les arrêts des juges, pouvaient bloquer la mise sur le marché locatif de bien ou tout simplement décourager l’acquisition d’un bien en France.
Pour les expatriés, une simplification de la loi et un alignement sur les standards internationaux est donc une bonne nouvelle.
L’ONU inquiète
Mai cette loi va peut-être plus loin que les normes internationales. C’est en tout cas le sentiment des experts de l’ONU qui ont alerté, hier mardi 04 avril, sur les potentielles dérives du texte.
Après les associations de locataires, celles qui luttent contre le mal-logement associées au Syndicat de la magistrature, après la Défenseure des droits, après la Commission nationale consultative des droits de l’homme, c’est au tour des experts de l’Organisation des Nations unies (ONU) de s’inquiéter de la proposition de loi visant à défendre les logements contre l’occupation illicite.
Le rapporteur spécial de l’ONU sur le logement convenable, Balakrishnan Rajagopal, et le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits humains, Olivier De Schutter, ont adressé au gouvernement français une communication officielle longue de huit pages, rendue publique mardi 4 avril.
« Nous alertons sur la régression que constitue cette proposition de loi, et sur le risque qu’elle conduise la France à violer ses engagements internationaux »
M. De Schutter à l’AFP
S’il n’est pas exceptionnel que des rapporteurs de l’ONU transmettent une telle communication à un pays membre, c’est, « à ma connaissance, la première fois que la France est saisie au sujet d’un texte de loi relatif au logement », précise-t-il.
Pour les experts, le texte va à l’encontre des engagements internationaux de la France. Pour rappel, le 4 novembre 1980, la France a ratifié le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels. Le Pacte, ratifié par 171 Etats, oblige le pays à «donner la priorité voulue aux groupes sociaux vivant dans des conditions défavorables en leur accordant une attention particulière. Les politiques et la législation ne devraient pas, en l’occurrence, être conçues de façon à bénéficier aux groupes sociaux déjà favorisés, au détriment des autres couches sociales», rappellent les deux rapporteurs spéciaux de l’ONU. C’est sur la base de ce texte qu’ils alertent sur une potentielle violation des engagements internationaux de la majorité, avec la proposition de loi «antisquat» en l’état.
En réponse, ils recommandent à la France de réaliser «une étude d’impact approfondie» afin de déterminer qui et combien de personnes sont susceptibles d’être affectées par cette loi « anti-squat ». En l’absence d’une telle étude, les rapporteurs sont catégoriques : «il n’est pas possible de vérifier si ces changements [liés à la promulgation d’une telle loi] peuvent être justifiés». Les sénateurs, lors de la deuxième séance, pourront peut-être s’emparer à temps de la question soulevée par les rapporteurs. Et agir en conséquence.
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