La guerre du Hamas n’est pas celle du Hamas

La guerre du Hamas n’est pas celle du Hamas

Massacres : bébés, enfants, femmes, civils, soldats. L’émotion ne suffit pas. L’indignation ne suffit pas. L’ampleur des actions terroristes, les prises d’otages, les relents d’antisémitisme, ici et ailleurs, réveillent toutes les peurs, appellent toutes les condamnations : cela ne suffit toujours pas. Déjà, comprendre pourquoi le Hamas agit ainsi, maintenant, en tirer des principes d’action.

Le Hamas n’est pas une milice indépendante. Elle n’est pas une force représentant « le peuple palestinien ». C’est une milice de seigneurs de guerre, qui tient Gaza sous sa coupe concurrencée par d’autres milices, qui suit les mêmes règles que les gangs. Avec deux caractéristiques particulières : D’une part l’idéologie islamiste et antisémite, enseignée dès l’enfance par des manuels subventionnés en partie par les pays européens. Le Président tunisien, comme les dirigeants algériens, du Hezbollah ou du Fatah, exprime ce même antisémitisme banal que l’on a si bien connu en Europe. L’autre caractéristique est d’être financièrement et militairement dépendant de l’Iran … et du Qatar. Complice le Qatar ? Alors lui faire entendre raison. Prendre en otage, non seulement des Israéliens (et des Français), mais surtout sa propre population, lui permet au Hamas de participer au grand jeu mondial.

Ces bandes terroristes – Hezbollah, Hamas, Djihad, Boko Haram, la Katibah Nusantara indonésienne – de l’Afrique à l’Asie a pour cibles premières victimes les populations de ces régions. La paix n’y viendra qu’en les éradiquant, avec les populations qui en sont victimes.

Le terrorisme n’est qu’une méthode de combat, qui vise à disperser les forces ennemies, faire de la propagande, brandir une menace multiforme, qui permet des contacts, des financements amis et alliés, une « reconnaissance » des « ennemis ». Le Hamas ne s’était-il pas entendu avec Israël contre le Djihad ?

Les États-Unis refusent à Israël de détruire les bases de missiles balistiques et les sites de production d’uranium enrichi.

Mais l’Iran a commandé la fin du statu quo. L’Iran construit son arsenal nucléaire. Israël bombarde régulièrement les positions des Pasdarans en Syrie, en Irak, en Iran. Il y a une dizaine de jours, l’aviation israélienne a encore détruit des convois et des sites des Gardiens de la Révolution. Mais les États-Unis refusent à Israël d’attaquer franchement l’Iran, de détruire les bases de missiles balistiques et les sites de production d’uranium enrichi. Ce n’est pas facile, ce sont des bases et usines souterraines.

Sans les informations et les munitions américaines, Israël réduit ses chances. L’Arabie saoudite, ayant compris que les États-Unis n’empêcheraient pas les Ayatollahs d’accéder à la bombe atomique, a choisi la réconciliation avec l’Iran, sous l’égide de la Chine, en complicité avec la Russie de Poutine sur le pétrole.

Si les États-Unis mettent un veto à Israël pour attaquer les sites de production atomique iraniens, pourquoi se battraient-ils pour l’Arabie saoudite, eux qui ont déserté l’Afghanistan et la Syrie ? Eux qui n’arment pas les Ukrainiens au point de leur permettre de l’emporter ?

Preuve en est faite par l’Azerbaïdjan. L’affaiblissement de la Russie leur a fait abandonner l’Arménie. L’Arménie, s’est tournée in extremis vers les États-Unis. Inutile. En une semaine, l’Azerbaïdjan a repris le Haut Karabakh, avec le soutien des Israéliens et de la Turquie. Elle est prête à aller plus loin.

Les Israéliens arment les Azéris, ils y gagnent la possibilité de se poser sur des bases d’Azerbaïdjan, qui a une longue frontière avec l’Iran. Azéris et Iraniens vivent dans une suspicion mutuelle. La dynastie des Aliev, issue de l’URSS, n’est pas islamiste, ce qui lui vaut l’indulgence des Européens, en plus du gaz et du pétrole. Les Iraniens craignent l’influence « laïque » et moderniste de l’Azerbaïdjan sur leur population : Il y a près de 20 millions d’Azéris en Iran.

Un lit d’enfant ensanglanté dans le kibboutz Kfar Azza sur une photo publiée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu le 11 octobre 2023 à la suite de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre. (Crédit : X/Netanyahu)

La guerre du Hamas arrange les Russes, elle détourne l’attention américaine de l’Ukraine vers Israël. Elle arrange les Chinois.

Les Iraniens ont en revanche un accord militaire avec les Russes, qu’ils fournissent en drones, tandis que les Russes les aident dans la production de missiles balistiques. L’Iran a aussi un accord stratégique avec les Chinois, qui leur achète leur pétrole ; et les réconforte par leur présence militaire avec leur base de Djibouti. Les Iraniens abreuvent le Hezbollah et le Hamas en armes. Enfin les Russes ont d’excellentes relations avec le Hamas, leur leader était à Moscou il y a peu.

La guerre du Hamas arrange les Russes, elle détourne l’attention américaine de l’Ukraine vers Israël. Elle arrange les Chinois. Les États-Unis aimeraient se concentrer sur la Chine, la voilà prise avec l’Europe et le Moyen-Orient. L’élection présidentielle qui s’approche fragilisera de toute façon l’administration en place.

Se forme un axe antiaméricain renforcé par l’antisionisme : Mauritanie, Algérie, Tunisie, Libye, Yémen, Syrie, Irak, Iran, Afghanistan, Malaisie, mais aussi Venezuela et Nicaragua ont franchement soutenu le Hamas. Beaucoup d’autres prônent la « désescalade », façon de renvoyer les adversaires dos à dos.

C’est en pariant sur cette « désescalade » que le Hamas a déclenché son offensive. Israël ne peut punir la population de Gaza, au risque de s’aliéner les sympathies que les atrocités du Hamas ont provoquées. Les interventions militaires israéliennes dans Gaza, se sont toujours terminées par des accords. Ainsi le Hamas aura pris le leadership sur les factions palestiniennes, y compris en Cisjordanie, alors que l’autorité palestinienne est déconsidérée.

Téléguidée par Téhéran, cette attaque met les pays arabes qui s’apprêtaient à rejoindre les « Accords d’Abraham » dans une position impossible. Les Accords d’Abraham, qui permettent reconnaissances, échanges et coopération, entre Israël et pays arabes, passent les Palestiniens par pertes et profits. La riposte israélienne sur Gaza provoque déjà la « solidarité » dans beaucoup des pays arabes.

Des manifestants iraniens progouvernementaux paradent avec des portraits de l’ayatollah Khamenei et du général Qassem Soleimani le 7 octobre 2023 à Téhéran en soutien de l’attaque du Hamas en Israël. © HOSSEIN BERIS / MIDDLE EAST IMAGES / MIDDLE EAST IMAGES VIA AFP

En attaquant Israël, l’Iran mobilise les forces israéliennes sur Gaza et le Liban, où règne le Hezbollah. Mais il est impossible à Israël de toucher le Hezbollah seul, tant les populations sont imbriquées au Liban.

La guerre du Hamas, à visage terroriste découvert, ressemble dans son mépris pour la vie humaine, à celles menées en Ukraine ou au Haut Karabakh. L’efficacité de l’effroi paie. Cette guerre imposée à Israël n’est pas donc seulement la guerre du Hamas.

La riposte israélienne n’est pas de faire le siège de Gaza. Elle serait de détruire les sites nucléaires iraniens. Là est l’enjeu. Pour nous tous.

Elle implique l’Iran et les soutiens affichés du Hamas. Au second rang, ceux qui vont appeler à la paix, c’est-à-dire à l’impunité, à la préservation des actions iraniennes et l’accès à la bombe. Là est l’enjeu. Pour tous, y compris la France.

La riposte israélienne n’est pas de faire le siège de Gaza. Ce serait une punition injuste, absurde, inefficace. Elle serait, avec l’accord des Américains et des Européens, de détruire les sites nucléaires iraniens. Quand un gouvernement tue des jeunes filles, finance des terroristes qui décapitent des nourrissons, empoisonne l’eau des écoles de filles, que serait-il capable de faire avec une bombe atomique ?

Tsahal bombarde massivement la bande de Gaza. © Mahmoud Hams/AFP

Si l’Iran sort vainqueur, par Hamas interposé, comme l’a été le Hezbollah après l’échec de l’intervention israélienne au Liban, alors, ce sera pour l’Europe et les États-Unis, pour toutes les démocraties, une défaite stratégique majeure. Le Moyen-Orient sera perdu, les populations musulmanes les éternelles victimes de guerres de plus en plus féroces. Inutile d’espérer un avenir au Liban, en Irak, en Syrie, en Iran, en Afrique… Et les Européens, constamment sous la menace, devront payer tribut aux tyrans, terroristes et autres tortionnaires.

La guerre du Hamas n’est pas celle du Hamas. Elle est celle de l’Iran, elle est, hélas, la nôtre. Pour construire une paix possible, il faut frapper vite et fort, à la source.

À l’inverse, frapper les responsables de ces massacres aidera la révolution iranienne, pourrait libérer le Liban, hâter une coalition dans la suite des Accords d’Abraham, des États-Unis à l’Arabie saoudite en passant par l’Égypte, l’Europe et la Turquie, pour donner un véritable avenir à une population palestinienne débarrassée du Hamas et aux populations du moyen orient qui souffrent depuis des lustres.

Les Palestiniens qui vivent en Israël ne sont pas terroristes, ils travaillent, ont des élus à la Knesset et même un ministre dans le précédent gouvernement. Ils ne vivent ni dans l’oppression, ni dans la misère. Ce qui est possible pour les Palestiniens israéliens l’est pour les autres, s’ils sont débarrassés de l’oppression des terroristes. Les pays arabes seront prêts à participer s’ils sont débarrassés de la menace de la bombe iranienne. Pourquoi aideraient-ils les suppôts de l’Iran ? Et pourquoi les aidons-nous ?

La guerre du Hamas n’est pas celle du Hamas. Elle est celle de l’Iran, elle est, hélas, la nôtre. Pour construire une paix possible, il faut frapper vite et fort, à la source. Puis construire un plan de paix, un avenir aux populations, dans un système autre que celui de la rente terroriste, sous couvert de religieux en haine de l’humanité.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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