La guerre comme projet

La guerre comme projet

« Le but de la guerre, c’est la paix. » Si seulement ! Il est des régimes qui ont pour projet la guerre. Ni « la paix des cimetières » ou les pyramides de têtes de la pax mongolica : la guerre sous ses formes.

Le fascisme voyait dans la guerre une régénérescence. D’où ce cri: « Viva la muerte », dénoncé à la face du phalangiste Millan Astray par Miguel de Unamuno. La révolution bolchevique justifiait les massacres d’innocents. Partout allumer des foyers. Vieilles techniques trotskistes, toujours actives : exploiter chaque fuite d’eau, chaque dispute de parents d’élève, chaque fermeture de commerce pour attiser les conflits.

La guerre est un des projets politiques mondiaux en cours. Évident, pour les Djihadistes, qui ne sont qu’une fraction ultra-minoritaire de l’Islam. Suivant l’égyptien Sayid Qutb (pendu par Nasser) ou le palestinien Azzam, « l’imam du djihad » (tué dans un attentat en Afghanistan), ils pensent que n’est musulman que celui qui s’engage dans la guerre universelle, cosmique.

Les Russes ont compris, comme les Iraniens, ce que veulent les démocraties : « surtout pas de guerre ».

Version chiite, cette idéologie est celle du régime iranien, au service d’une révolution mondiale, qui justifie pendaisons, attentats, bombe atomique, au prix d’une société ruinée. L’Iran vit une guerre intérieure et extérieure, dont les Gardiens de la Révolution sont l’avant-garde. Ils commandent le Hezbollah, le Hamas, les Houthis, le Hezbollah irakien. Au Soudan, le régime fournit des armes au général al Burhan, face au général Dagalo, autre massacreur, soutien des Saoudiens. Conflit qui plonge 20,3 millions de personnes dans une famine « de guerre », conflit dont personne ne parle. Qui, dans les campus, manifeste ? L’Iran atteint l’Afrique, gagne la Méditerranée.

Comment Khamenei est-il arrivé en Syrie, à Beyrouth et Gaza, comment rêve-t-il d’Égypte ? En s’appuyant sur la Russie. Les Américains ont laissé faire, ouvrant l’autoroute Téhéran-Beyrouth. Les Kurdes la bloquaient, ils ont été abandonnés par Trump. La France les soutient encore, d’où la haine de la Turquie, qui joue avec l’Iran et les Russes. L’Europe, en dehors de la France, n’a rien à opposer, ni à proposer.

C’est que l’Europe est profondément pour la paix. Après des siècles de tueries, le projet européen est fondé sur la religion de la paix. Quitte à abandonner sa défense aux États-Unis. Et les Américains, eux, sont lassés des guerres, d’autant que les bombes, sans projet politique, ne résolvent rien.

En retour, c’est : « surtout la guerre ».

Les Russes ont compris, comme les Iraniens, ce que veulent les démocraties : « surtout pas de guerre ». En retour, le projet politique de Poutine, c’est : « surtout la guerre ». Le pouvoir de Poutine passe par la guerre en Tchétchénie, en Géorgie, en Crimée, au Donbass puis en Ukraine. En Syrie, en Libye aussi. Au Centrafrique, Congo, Mali, Niger : partout où cela est possible.

Étendre le domaine de la guerre jusqu’à faire plier, payer, rendre gorge à l’Occident. Il y a un soubassement idéologique: la haine de la démocratie, danger existentiel: le modèle libéral aux portes de la Russie pourrait faire école, comme ce fut le cas en Europe de l’Est et en Ukraine. Selon Rosstat, le salaire médian en Russie est de 354 €. La retraite, en moyenne, à 183 €. Ne pas tenter les Russes avec la richesse décadente, réservée aux amis : 60% de la richesse nationale russe est réservée à 1% de la population.

Un tiers du budget russe est donc consacré aux armées. Plus que du temps de l’URSS. Les dépenses militaires représentent 4% du PIB russe ; 1.9% pour la France. Le budget russe dépasse 100 milliards. Beaucoup pour un pays pauvre, moins que les budgets de la France (61) et de l’Allemagne (65) réunis. Toute l’Europe augmente les dépenses militaires. En partie pour aider l’Ukraine : 64 milliards d’aide militaire pour les pays de l’UE ; 43 milliards pour les États-Unis.

Faut-il éviter l’escalade ? « La paix n’est qu’une forme, qu’un aspect de la guerre ». Jaurès.

Les dépenses militaires mondiales, 2 500 milliards de dollars, ont augmenté de 7% en 2023, hausse sans précédent. 9 % au Moyen-Orient, 22% en Afrique ! L’Algérie a doublé son budget en deux ans : de 9 à 22 milliards. Menacé par qui, le régime algérien, sinon par le peuple ? Câliner les généraux, et leurs commissions sur les commandes militaires. La Chine purge l’armée, augmente les dépenses : +7% (60% en dix ans).

Faut-il éviter l’escalade ? « La paix n’est qu’une forme, qu’un aspect de la guerre; la guerre n’est qu’une forme, qu’un aspect de la paix. »[1] écrivait Jaurès, pacifiste assassiné. Avec des régimes dont le projet est la guerre, quelle perspective de paix ? Alors les budgets militaires augmentent.

Heureusement, la guerre ne se fait pas qu’avec des bombes. Les États-Unis veulent interdire TikTok, instrument de décervellement massif, lié au PC chinois. L’UE a pris des sanctions contre les fabricants de drone iranien. Il était temps. Pourquoi ne pas encourager les Israéliens à en détruire les usines ? Les États-Unis veulent sanctionner les entreprises chinoises qui permettent de financer les entreprises russes. Que ne le fait-on pour celles qui achètent le pétrole iranien ?

Ah, le pétrole ! Préserver la paix et l’économie, c’est tout un. L’Iran tient l’économie mondiale par la barbe du détroit d’Ormuz. Maintenir le pétrole à un prix assez élevé pour les puits texans, mais pas trop élevé pour l’économie mondiale. L’Europe n’a pas son mot à dire.

La croissance par la défense ? Seul effet positif de la guerre « contenue », la recherche.  

L’augmentation des dépenses militaires pousse la croissance, les dépenses américaines retournent à leur industrie. La croissance par la défense ? C’est ce qui explique la résistance de l’économie russe. À la fin, cela a un coût. Seul effet positif de la guerre « contenue », la recherche. La course à l’IA est aussi militaire. Les États-Unis ont un temps d’avance : Meta va y investir 200 milliards. Sa capitalisation boursière atteint 2000 milliards de dollars, un peu moins que le PIB de la Russie. Pour l’instant : Meta dépassera vite la Russie.

D’où le soulagement mondial après la réponse mesurée d’Israël. De Guterres à Xi Jinping, de Biden à Scholz, de Poutine à Erdogan, tous se félicitent d’éviter « l’escalade ». Cette approbation des fauteurs de guerre est pourtant mauvais signe.

Les Palestiniens ont-ils une chance d’avoir un Etat si c’est un Etat terroriste contrôlé par le Hamas et l’Iran ? Jamais. Mais qui se préoccupe vraiment des Palestiniens ? Israël ne sera pas en sécurité, ni l’Arabie, ni la Jordanie, ni l’Egypte, ni l’Afrique, tant que Russes, Iraniens auront pour projet la guerre. Derrière, la Chine s’arme patiemment. Achète le pétrole iranien et l’économie russe. Les vraies routes de la soie s’appellent Cambodge, Birmanie, Bengladesh, Pakistan, Talibans, Iran, Houthis, Djibouti, Port-Soudan, jusqu’à Alger ?

Frapper 350 casernes de Pasdarans qui eux, frappent les femmes et la jeunesse iranienne.

Comment arrêter la guerre d’Iran? Si les frappes contre les sites nucléaires sont impossibles, frapper, par 350 missiles, 350 casernes de Pasdarans qui eux, frappent les femmes et la jeunesse iranienne.

Comment arrêter la guerre russe ? En armant les Ukrainiens. En frappant les milliardaires, entreprises et intermédiaires complices russes. Et chinois. Et turcs !

« Les fascistes ont aidé les fascistes, les communistes ont aidé les communistes, et même la démocratie espagnole ; les démocraties n’aident pas les démocraties. Nous, démocrates, nous croyons à tout, sauf à nous-mêmes », écrivait Malraux dans L’espoir. Vaincre la guerre, ce n’est pas supporter la guerre à bas bruit, à haut degré, c’est désarmer ceux qui ont « la guerre comme projet ». Les moyens ne manquent pas. Manque la lucidité ?

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press


[1]  Idéalisme et matérialisme 1901 https://pandor.u bourgogne.fr/pleade/functions/ead/detached/BMP/brb9307.pdf

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