La Grande Rotation 

La Grande Rotation 

En France, l’époque n’est pas à la grande démission mais à la grande rotation des effectifs. À la différence des Américains, les Français n’ont pas décidé de se mettre, après les confinements, au bord de la route du travail. Bien au contraire, le taux d’emploi est au plus haut et celui du chômage au plus bas. Si les Français démissionnent de leur poste de travail, ce n’est pas pour « farnienter », vivre des prestations sociales ou de leur épargne, mais pour en changer et en occuper un autre plus en phase avec leurs attentes. 

Après des années de chômage de masse, les Français deviennent plus sélectifs. D’ici 2040, avec plus de 800 000 départs à la retraite chaque année, près de la moitié de la population active sera renouvelée. Ce sont en effet les générations les plus nombreuses du baby-boom, celles du cœur des années 1960, qui liquideront leurs droits à la retraite ainsi que de nombreux travailleurs immigrés venus s’installer en France durant les Trente Glorieuses. Ces départs peineront à être compensés par l’arrivée des jeunes actifs, multipliant ainsi les risques de pénuries de main-d’œuvre, et favorisant les hausses de salaires.

L’appel du littoral 

En parallèle au vieillissement de la population, l’appel du littoral devrait modifier également la géographie des emplois. Ces derniers seront de plus en plus nombreux sur les façades maritimes de l’Ouest et du Sud. La Corse est déjà la région qui, proportionnellement à son poids démographique, crée le plus de postes. 

La digitalisation de l’économie, la transition énergétique ainsi que l’essor des services domestiques modifient en profondeur la nature des emplois proposés avec, à la clef, un risque de polarisation. 

Les besoins se concentreront dans les prochaines années sur des emplois à faible valeur ajoutée, d’une part, avec par exemple les emplois à la personne, et sur des emplois très qualifiés, d’autre part. Cette polarisation est une source potentielle de montée des inégalités et des frustrations.

La grande révolution de l’emploi 

Le télétravail est également une mutation de grande ampleur. En choisissant désormais leur lieu de travail voire leurs horaires, une partie des salariés se rapprochent ainsi du travail indépendant. Le fossé entre ceux qui peuvent télétravailler et les autres tend à s’accroître en créant deux populations qui se croisent de moins en moins. 

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La grande révolution de l’emploi en cours n’est pas sans danger sur les performances de l’économie française. Le faible taux d’emploi était jusqu’à maintenant compensé par une productivité élevée. Depuis la crise sanitaire, la productivité baisse en France quand elle est stable en Europe. L’essor des services au détriment de l’industrie explique en partie cette évolution. 

L’autre facteur est la baisse sensible de la durée de travail par salarié. Le rejet des emplois à horaires décalés ou à forte pénibilité conduit les employeurs à embaucher plusieurs personnes sur un même poste, à augmenter les salaires, voire à réduire leur production par incapacité à pourvoir certains postes. Au quatrième trimestre de 2022, un cinquième des entreprises françaises déclaraient être dans cette situation. Faute d’un nombre suffisant d’actifs, la dégradation de la qualité des services publics et privés ainsi que celle de la balance commerciale ne peuvent que s’accentuer. L’économie est ainsi menacée d’attrition généralisée.

Améliorer les compétences, une nécessité 

L’avenir de la France passera par une rotation réussie des effectifs d’ici le milieu du siècle. Si l’inclinaison actuelle se poursuit, la croissance s’étiolera, rendant difficile le maintien d’un haut niveau de protection sociale. L’amélioration des compétences accompagnant une montée en gamme est une ardente nécessité pour éviter une mauvaise spécialisation de l’économie sur les seuls secteurs de services domestiques. 

La recherche et l’innovation que ce soit en matière de transition énergétique, de santé ou d’intelligence artificielle, constituent des priorités tant pour la France que pour l’Europe afin d’éviter une marginalisation par les deux grandes puissances économiques que sont les États-Unis et la Chine. 

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