L’amendement du député des Français d’Allemagne, d’Europe centrale et des Balkans, créant un comité de gestion des établissements scolaires sous le contrôle direct de l’AEFE au sein de l’agence, divise la communauté des Français de l’étranger. Celui-ci a été déposé à l’Assemblée nationale et adopté en première lecture avant d’être retoqué au Sénat, mais Frédéric Petit (MODEM) n’a pas dit son dernier mot.
Une gestion plus transparente des établissements scolaires
L’amendement propose donc de diviser les outils de contrôle des différentes missions réunies au sein de l’AEFE. Frédéric Petit assure préserver la cohésion de la politique globale de l’agence, tout en permettant de créer une comptabilité propre à la gestion des EGD et à séparer, ainsi, la gestion des missions nationales et internationales de l’AEFE de celle de ses établissements.
Comme nous le rappelle Boris Faure, qui représente le syndicat UNSA au conseil d’administration de l’AEGE et qui est aussi journaliste pour Lesfrancais.press, « aujourd’hui le dialogue de gestion est en triangle : l’ordonnateur ou son délégué, c’est à dire le Proviseur ou le Secrétaire général, l’agent comptable à Nantes qui contrôle la régularité des dépenses, et enfin la Direction Administrative et Financière de l’AEFE qui pour les EGD exerce un rôle de contrôle plus pénétrant. »
C’est ce dispositif qui reste opaque pour les parents mais aussi pour la Cour des comptes, qui a alerté les autorités publiques, que Frédéric Petit veut remettre à plat, par souci de transparence, mais aussi pour inclure les parents d’élèves, qui rappelons-le supportent de lourds frais de scolarité tout en n’ayant que 2 sièges au Conseil d’administration de l’AEFE.
Rejet des syndicats
Du coté des syndicats des professeurs et du personnel administratif, c’est une levée de boucliers qui s’est déclenchée depuis la semaine dernière. Pour eux et en particulier l’UNSA, qui a répondu à nos questions via son délégué, Adrien Guinemer, « les parents d’élèves sont déjà représentés dans les conseils d’établissements sur le terrain ainsi qu’au conseil d’administration de l’agence, entre autres. » Ainsi, ils seraient déjà suffisamment représentés dans les organes de contrôle du réseau scolaire homologué hors de France.
Renforcer leur présence serait donc perçu comme la mise en place généralisée du principe des « parents payeurs » donc décideurs. Alors que pour les syndicats, les parents ne sont ni des spécialistes de la pédagogie ni a fortiori des spécialistes budgétaires, l’amendement Petit serait donc purement idéologique selon eux.
« C’est une position idéologique qui traduit l’obsession du député Petit à affaiblir le système actuel malgré l’opposition de tous les acteurs de terrain : l’éducation et la gestion d’établissements doivent être gérées par des personnes dont c’est le métier. M Petit aurait tout intérêt à mieux se renseigner sans a priori sur le fonctionnement du service public d’éducation. »
Adrien Guinemer, Chargé de mission « Hors de France » AEFE, MLF, MEAE – trésorerie, numérique, communication.
Concernant la gestion de l’agence, l’UNSA nous rappelle qu’elle « fait l’objet d’un contrôle strict puisque son budget et ses comptes de l’année sont arrêtés en conseil d’administration, de même des budgets des EGD présentés en conseil d’établissement et qui sont agrégés à la comptabilité unique de l’agence. La transparence est donc la règle. »
Les parents s’interrogent
Alors qu’on s’attendait à un soutien massif de la part des parents d’élèves, ces derniers restent circonspects. Non consultées par le député Frédéric Petit, les associations de parents d’élèves, dont le nouveau mouvement UNAPE, s’interrogent sur « la véritable origine de cet amendement » et sur l’impact réel sur le mode de fonctionnement des établissements en gestion directe (EGD).
La répartition des postes au sein de ce nouveau comité de gestion interroge aussi les parents d’élèves. Dans le texte du député Petit, il est prévu que 60% des « droits de vote » aillent à l’AEFE et aux syndicats de professeurs et du personnel administratif, tandis que 25% seraient réservés aux associations de parents d’élèves. Mais « qu’en est-il des 15% restants ? Qui sont-ils et sur quelle base seront-ils sélectionnés et financés? », se questionne Sabri Khelif, le président de l’UNAPE.
Autre inquiétude des parents, en tout cas ceux qui ont fait le choix de mettre leurs enfants dans un établissement en gestion directe de l’AEFE, comme on peut comparer aux établissements publics en France, sauf qu’ils sont payants, serait la privatisation du réseau. Mais n’est-elle pas déjà faite ? Avec 68 EGD sur plus de 500 établissements dans le monde entier, la gestion par le service public est déjà ultra minoritaire. La séparation du management des EGD de la gestion de la politique d’homologation et d’animation du réseau par l’AEFE permettrait plutôt d’établir une égalité de traitement entre les établissements.
La formation des professeurs touchée par cette réforme
L’autre conséquence dénoncée par les syndicats du corps enseignant, c’est la main-mise sur la formation des futurs professeurs recrutés localement. On le sait, le budget de l’AEFE n’est pas extensible à l’infini et pour répondre aux objectifs fixés par le gouvernement d’ici 2030, soit le doublement du nombre d’élèves versus 2017, la sénatrice Samantha Cazebonne a fait adopter en 2021 un amendement créant les Instituts de Formation Régionaux (IFR).
Ces derniers, dont le déploiement est en cours, malgré un sous-financement, auront la lourde tâche de former des Français de l’étranger mais aussi d’autres francophones aux méthodes et aux programmes qu’on retrouve sur le territoire français. Ca c’est la théorie ! Car le texte prévoit que ces IFR soient placés sous le contrôle des EGD et financés par ces derniers. L’inquiétude du corps enseignant c’est qu’à travers le comité de gestion, les parents puissent influencer les formations donc in fine les programmes scolaires mais aussi les valeurs transmises par ces nouveaux professeurs.
« Je suis parent d’élève. quelle serait ma valeur ajoutée pour décider de la formation des professeurs de maths ? Parce que je paye pour que mes enfants soient scolarisés ? »
S’interroge Boris Faure, représentant de l’UNSA au Conseil d’Administration de l’AEGE, et journaliste pour Lesfrancais.press et SUD Radio.
Une situation qui met dans l’embarras une partie des alliés de M. Petit, ainsi la sénatrice Cazebonne a indiqué dans un groupe Telegram dédié aux élus « Ensemble ! » soit Renaissance, MODEM et AGIR, qu’elle s’abstiendrait en cas de vote solennelle au Sénat.
Quel avenir pour cet amendement ?
Si l’amendement irrite les professeurs, ne satisfait pas complètement les parents d’élèves, il répond tout de même à des impératifs de modernité comme le réclame la Cour des comptes.
Il a aussi le mérité d’isoler le budget des établissements, financés en grande partie par les parents et les autorités locales, du reste de l’enveloppe budgétaire de l’AEFE. Actuellement, les fonds versés par l’Etat français, les subventions des Etats ou collectivités locales des pays où sont implantés les EGD, comme les frais d’écolage, sont versés directement sur les comptes parisiens de l’AEFE. Et comme le prévoit la comptabilité publique à laquelle est soumise l’agence actuellement, les actifs disponibles servent à l’ensemble des missions de l’AEFE.
Des missions donc liées aux EGD, mais aussi des missions de prospection, de communication, d’homologation de nouveaux établissements, qui dépassent largement le cadre des établissements scolaires et sont souvent à l’origine de déficit. Avec l’amendement Petit, les deux fonctions de l’AEFE seraient isolées comptablement et préserveraient ainsi les fonds versés par les parents d’élèves et les autres puissances publiques.
C’est sur ce principe que la conviction du député Frédéric Petit sur la pertinence de son amendement se base. Et comme il nous l’a précisé, malgré le rejet par la commission du Sénat, le parcours législatif de l’amendement n’est pas fini. Ainsi, Frédéric Petit a décidé de représenter l’amendement en relecture à l’Assemblée nationale comme le prévoit le système de « navette parlementaire » propre à notre constitution. Vraisemblablement, c’est en décembre que le texte repassera devant les députés. En cas d’adoption, il serait définitif, l’Assemblée nationale primant sur le Sénat, et l’AEFE comme les EGD auraient une année pour se préparer à ce bouleversement prévu par l’amendement au 1er janvier 2024.
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