La génération Z, génération malheureuse ?

La génération Z, génération malheureuse ?

Le « péril jeunes » est une antienne qui traverse les décennies et les siècles. Dans les années 1930, aux États-Unis comme en Europe, la génération post 1914 était accusée de nihilisme, de recherche de plaisirs faciles, après les horreurs vécues dans les tranchées et sur le front, par leurs aînés. Après la Seconde Guerre mondiale, des blousons noirs des années 1950 aux révoltés de 1968, la guerre des générations marqua les Trente Glorieuses. Les années 1960 et 1970 ont été marquées par de grandes manifestations de jeunes sur fond de libération des mœurs et de lutte contre la guerre du Vietnam. Dans les années 1980, les comportements à risques de jeunes que ce soit au niveau de l’alcool, de la vitesse ou du sexe ont été à maintes reprises dénoncés. 

Face à ce flux sans fin d’informations, les jeunes sont devenus des anxieux professionnels

Dans un livre intitulé « La disparition de l’enfance » (1982), l’auteur américain Neil Postman, un théoricien de l’éducation, a soutenu que les adolescents étaient pervertis par la télévision. En France, Ségolène Royal avec son livre «Le stress du bébé zappeur» était sur la même ligne. Depuis, le phénomène s’est amplifié. Avec les chaînes d’information en continu, les drames de la planète sont vécus en temps réel. Les attentats contre le World Trade Center constituent en la matière une rupture. En direct, des centaines de millions de personnes ont assisté à la chute des deux tours et à la mort de nombreux de leurs occupants.

Avec les réseaux sociaux, les fausses informations se mêlent aux vraies dans un ballet incessant. Chacun devient émetteur d’informations tout en pouvant en devenir victime. Face à ce flux sans fin d’informations, les jeunes sont devenus des anxieux professionnels. Ils sont gagnés par le conservatisme. Autrefois révolutionnaires, ils sont aujourd’hui les adeptes du statu quo. En France, ils défilent contre le report de l’âge de départ à la retraite et tout changement apporté au droit du travail.

Génération Z

Aux États-Unis, un cinquième des étudiants ont reçu, en 2019, un diagnostic ou un traitement pour une dépression

La génération Z qui rassemble les personnes nées entre la fin des années 1990 et la fin des années 2000 serait une génération de la dépression Aux États-Unis, un cinquième des étudiants ont reçu, en 2019, un diagnostic ou un traitement pour une dépression, contre un dixième dix ans plus tôt. Depuis le covid, ce taux aurait encore progressé. En France, un cinquième des jeunes seraient également confrontés à des problèmes mentaux selon le ministère de la Santé. Aux États-Unis, le nombre de suicides de jeunes est en forte hausse. Il aurait doublé de 2010 à 2023 pour les jeunes filles âgées de 10 à 14 ans. 

En France, les pensées suicidaires ont été, de leur côté, multipliées par plus de deux depuis 2014 chez les 18-24 ans (passant de 3,3 % à 7,2 % en 2021). Les jeunes femmes sont particulièrement exposées à de telles pensées. En 2021, 9,4 % des femmes de 18 à 24 ans déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois, contre 5 % des jeunes hommes. 

Pour expliquer le développement des sentiments dépressifs des jeunes, leurs aînés pointent les smartphones et les réseaux sociaux. Ces derniers capteraient l’attention et l’énergie des jeunes générations en les détournant des communautés réelles. Le cyberharcèlement frapperait un nombre croissant de jeunes. Autrefois cantonnés aux cours d’écoles, le harcèlement est désormais, avec les réseaux sociaux, possible 24 heures sur 24. Les jeunes peuvent voir leur image, leur réputation dégradées en quelques clics. 

Les jeunes souffriraient de plus en plus de solitude. Choyés par leurs parents, ils éprouvent les pires difficultés à vivre seuls. Malgré les sites de mises de rencontres, selon une étude de l’IFOP du mois de février 2024, les jeunes français auraient de moins en moins de relations sexuelles faute de temps, faute de désirs, faute de rencontres, malgré les applications qui sont censées les faciliter.

Génération Z

La société de la victimisation n’aide pas à l’affirmation des caractères et à la responsabilisation

Les nouvelles technologies de la communication et de l’information seraient par ailleurs responsables d’une fragilité, d’une sensibilité accrue des jeunes. Ces derniers reçoivent sans filtre une multitude d’informations en mode passif. Ils éprouveraient des difficultés à hiérarchiser les données. L’incapacité à exprimer des émotions à travers les écrans apparaît comme une source de frustrations. Jonathan Haidt, psychologue social et professeur d’université américain, plaide pour l’interdiction des smartphones à l’école. Il estime également que l’éducation des enfants est devenue trop protectrice. Le culte de l’enfant roi a transformé ce dernier en anxieux. Il souhaite que les jeunes puissent se déchaîner davantage afin de s’endurcir. 

L’écrivaine américaine, Abigail Shrier, stigmatise le recours à la psychologisation permanente de la société. Elle souligne qu’aux États-Unis, deux cinquièmes des jeunes ont déjà consulté pour des problèmes mentaux ; elle pense que ces consultations n’étaient pas toutes fondées. La société de la victimisation n’aide pas à l’affirmation des caractères et à la responsabilisation. Les mauvais élèves seraient le produit du système et non le résultat d’une absence d’envie d’étudier. 

En France, les notes ont été bannies tout comme la culture générale à Sciences Po, jugée socialement discriminante. Il en a été de même, un temps, pour les mathématiques au lycée. Toujours à Sciences Po Paris, le mode de sélection a abandonné les épreuves sur table pour privilégier des critères prenant en compte les difficultés que les élèves ont rencontrées dans leur vie scolaire. Comme le souligne Pascal Bruckner dans son dernier livre « je souffre donc je suis », l’époque est celle des victimes et non des héros. Or, la construction de la personnalité a longtemps reposé sur le culte des héros. Le changement de paradigme conduit immanquablement à une valorisation du malheur au détriment du bonheur et de la réussite. 

La dégradation de la santé mentale des jeunes est peut-être la conséquence d’un excès d’attention. Autrefois, les problèmes de jeunes étaient rangés dans la catégorie de la crise de l’adolescence. Ils sont devenus depuis un phénomène de société. Le développement de la psychologie et de la psychiatrie crée une demande, un besoin permanent d’analyse.

En trente ans, l’obésité aurait quadruplé chez les moins de 18 ans à l’échelle mondiale

D’autres sujets concernant les jeunes sont peut-être plus inquiétants. L’essor de l’obésité qui aurait quadruplé, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, chez les moins de 18 ans en trente ans à l’échelle mondiale inquiète les autorités qui demandent à leur population de faire de l’exercice. L’armée française constate une baisse des performances physiques de ses jeunes recrues. La sédentarité liée à l’utilisation des écrans touche en priorité les enfants et les adolescents. Selon une enquête de Santé Publique France, les enfants de 2 ans passent en moyenne 56 minutes par jour devant les écrans, tandis que les adolescents peuvent atteindre six à sept heures les jours sans école.

La génération Y était incomprise par les baby-boomers des années 1946-1964. Ces derniers stigmatisaient l’individualisme des premiers. Aujourd’hui, la génération Z est considérée comme perdue en raison de son manque d’implication, de son conservatisme voire son égoïsme. Il est assez sain que la succession des générations donne lieu à des tensions et à des remises en cause. Les problèmes de santé physique sont certainement plus inquiétants que ceux d’ordre mental. La mauvaise alimentation s’est propagée de génération en génération pour devenir une règle. Le no-sport de Winston Churchill s’est également imposé même si ce dernier point mérite d’être relativisé. Depuis la fin des confinements, les salles de sport et les piscines accueillent de plus en plus de jeunes.

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