Depuis 1963, la France verse à la Principauté de Monaco une partie de sa TVA, en compensation de la fin de la détaxe pour les Français sur le Rocher. Une mesure qui fut décidée par le général de Gaulle et le prince Rainier III.
Alors que la Principauté de Monaco est le pays le plus riche du continent européen en PIB par habitant et dont la fiscalité est l’une des moins élevées au monde, la France lui verse, tous les ans depuis 1963, une fraction de sa propre TVA.
En 2022, la somme reversée par la France à Monaco était chiffrée à 105 millions d’euros (contre 100 millions en 2021), d’après les documents budgétaires de la Principauté.
Une somme qui est en recul par rapport aux années 90 : en 1997, la France lui versait 839 millions de francs, qui équivalent aujourd’hui à 174 millions d’euros (en euros 2021 à parité de pouvoir d’achat).
La somme versée annuellement est calculée selon « une formule prévue par un échange de lettres entre les deux pays, et est arrêté[e] chaque année sur la base de données annuelles », précise le ministère français de l’Économie et des Finances à EURACTIV. Le montant varie notamment en fonction des recouvrements nets annuels dans chaque pays.
Interrogé par EURACTIV sur la légitimité de la poursuite d’un tel dispositif, Bercy répond que « ce versement est tout à fait logique puisque la France perçoit la TVA afférente aux opérations réalisées sur le territoire monégasque ».
Or Monaco collecte directement sa propre TVA, qui dépasse largement la centaine de millions d’euros. Aussi, pour simplifier, les sommes reversées par la France correspondent à une estimation du manque à gagner monégasque si les Français pouvaient faire leurs achats à Monaco en franchise de taxe.
Un calcul TVA avantageux pour Monaco
Pourtant, un rapport des députés socialistes Arnaud Montebourg et Vincent Peillon publié en 2000 démontre que la formule a longtemps été nettement plus avantageuse pour Monaco – et l’est probablement encore aujourd’hui selon nos interlocuteurs.
En particulier, les députés jugeaient « discrétionnaire » et incompréhensible l’augmentation de 60 % de la variable « chiffre d’affaires de Monaco » contenue dans la formule.
Les Etats eux-mêmes ont identifié la nécessité d’une adaptation, étant donné que la formule a été modifiée à plusieurs reprises, en particulier en 1987, 1989 et 2001.
Un Monégasque installé en France et fin connaisseur du dossier, qui souhaite rester anonyme, explique qu’ « au début, Monaco était un paradis fiscal pour les Français, mais dans les années 60, le général de Gaulle force Monaco — par un blocus aux frontières — à signer une convention fiscale obligeant les citoyens français y résidant à payer des impôts à la France ».
Ainsi, « en échange de la fin du système de détaxe, Monaco obtient un reversement en pourcentage d’une partie de la TVA française ».
A l’origine, « c’était compréhensible », détaille-t-il, car la Principauté était « une vraie enclave ». Aujourd’hui « c’est une anomalie », compte tenu des liaisons avec la France, de l’absence de frontières réelles et de contrôles, et de la situation économique d’un des pays les plus riches du monde, explique notre source.
Le rapport de 2000 des députés Arnaud Montebourg et Vincent Peillon pointe également ce contexte.
Les comptes de Monaco sont pourtant dans le vert : lors des discussions sur le budget général primitif de l’exercice 2022, qui se déroulaient le 31 décembre dernier, il est fait état d’un budget qui « renoue avec un excédent de recettes de + 2,9 millions d’euros ».
Les évolutions par rapport à l’année 2021 – lorsque l’activité était en partie freinée par l’épidémie de COVID-19 – sont aussi spectaculaires : avec presque 1,89 milliard d’euros de recettes prévues pour 2022, celles-ci évoluent de 28,7 % (+ 420 millions d’euros).
De nouvelles recettes
Plus de la moitié de ces nouvelles entrées proviennent précisément de la TVA, dont l’augmentation des recettes est estimée à + 40 % par les autorités monégasques par rapport au budget primitif de l’exercice 2021 (soit presque 260 millions d’euros supplémentaires).
Au total, en 2022, le Rocher prévoit de récolter 898 millions d’euros rien que grâce à la TVA.
Comme l’indique le rapport du Conseil national de la cité-État, « la TVA constitue toujours la première source de recettes pour l’État, représentant 53,4 % de celles-ci, dont 88,3 % de TVA interne », soit 793 millions d’euros.
Sollicité par EURACTIV, le Trésor monégasque a confirmé que les 105 millions d’euros restants, labellisés « TVA issue du compte de partage » (11,7 % du total) correspondent bien à la somme versée par la France.
Après calcul sur la base des documents législatifs du Conseil national monégasque, le total des sommes versées par la France à la Principauté entre les années 2009 et 2022 incluses correspond à environ 1,415 milliard d’euros (en euros constants). La somme s’élève à 1,497 milliard d’euros lorsqu’elle est calculée en euros 2021 à parité de pouvoir d’achat.
Dès 2000, en analysant cette contribution française au budget monégasque, Arnaud Montebourg et Vincent Peillon s’étonnaient d’un « effort curieux et inconnu des contribuables français ». Selon eux, il a « pour but de permettre aux meilleures fortunes du monde de vivre à Monaco sans fiscalité ».
Peut-être cela n’était pas « le but » de la convention entre les deux pays, mais c’en devient a minima la conséquence.
Pour rappel, comme le rapporte le site de la ville, les personnes résidant à Monaco, tant qu’elles ne sont pas de nationalité française, ne sont assujetties à aucun impôt sur le revenu, sur les plus-values et le capital. Sur le Rocher, l’imposition des successions s’élève à 0 % en ligne directe et est très limitée pour les autres degrés de parentés – maximum de 16 %.
Laisser un commentaire