La fin des États-Unis n’a pas encore sonné  

La fin des États-Unis n’a pas encore sonné  

En cette année électorale, les États-Unis apparaissent divisés voire fragilisés. Une majorité des Américains pense que le pays est en déclin et qu’il est confronté à une récession même si cette perception est démentie par les statistiques officielles, les taux de croissance attendus pour l’année 2023 devant être proche de 3 %.

Jamais depuis la guerre du Vietnam, le pays n’a été aussi fragmenté

Avec l’aide extérieure accordée notamment à l’Ukraine, la hausse des prix figure parmi les griefs exprimés à l’encontre de l’administration de Joe Biden par les partisans de Donald Trump. Jamais depuis la guerre du Vietnam voire, pour certains, depuis la guerre de Sécession, le pays n’a été aussi fragmenté avec une absence croissante de consensus sur les grands sujets de société (immigration, port d’armes, politique étrangère, politique sociale, etc.). 

De bons résultats économiques pour un pays ne sont pas pour un Président sortant un gage de réélection. Pour autant, la situation économique américaine apparaît en ce début d’année 2024 globalement satisfaisante surtout en comparaison avec celle qui prévaut en zone euro. 

De 2002 à 2023, le PIB américain a augmenté, en volume, de 58 % contre une hausse de 28 % pour la zone euro. De 2019 à 2023, la progression est de plus de 8 % pour les premiers contre moins de 4 % pour la seconde. Cette divergence en matière de croissance s’explique par celle de la productivité par tête. Elle a augmenté ces quarante dernières années de 40 % aux États-Unis, contre 10 % en zone euro. Pour cette dernière, la productivité est en légère baisse depuis 2019 quand elle a augmenté de près de 5 % aux États-Unis.

Etats-Unis
©REUTERS

Les États-Unis attirent les étudiants et les chercheurs du monde entier

Les investissements en nouvelles technologies (dépenses de Recherche Développement et innovations) sont plus importants aux États-Unis que dans la zone euro. Le taux d’investissement dans les TIC représentait, en 2022, 3,8 % du PIB aux États-Unis, contre 2,7 % en zone euro. L’écart entre les deux zones économiques a tendance à s’accroître. Il est passé, en vingt ans, de 0,9 à 1,1 point de PIB. Les dépenses totales de R&D s’élevaient à 3,5 % du PIB aux États-Unis en 2022, contre 2,3 % pour la zone euro. En 2002, les valeurs respectives étaient 2,5 et 1,8 %. Le nombre de brevets triadiques déposés pour 100 000 habitants était, en 2020, de 4 aux États-Unis, contre 2,8 en zone euro. 

Les États-Unis attirent les étudiants et les chercheurs du monde entier ce qui contribue à maintenir un haut niveau de recherche. Au sein des classements internationaux, les universités américaines occupent toujours les premières places. Au fil des années, l’administration fédérale américaine a mis en place des dispositifs de soutien à la recherche et à l’innovation importants. 

En matière militaire, peut être citée la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) qui est une agence du département de la Défense chargée de la recherche et du développement des nouvelles technologies. Cette agence a été créée en 1958. L’Advanced Research Projects Agency for Health (ARPA-H) est une agence fédérale créée en 2022 destinée à faciliter le financement de la recherche médicale. 

L’Inflation Reduction Act vise à inciter les investissements relatifs à la transition énergétique sur le territoire américain. Le Chips Act entend de son côté favoriser le secteur des microprocesseurs aux États-Unis.

Les États-Unis peuvent compter sur une population active en augmentation

La vitalité de la recherche, la présence d’un grand nombre de chercheurs et les aides publiques conduisent à des entrées de capitaux de long terme en provenance de l’étranger. Les flux sont positifs à hauteur de 4 % du PIB quand ils sont nuls pour la zone euro. 

Les États-Unis peuvent compter sur une population active en augmentation quand celle-ci est en recul en zone euro. La population âgée de 15 à 64 ans progresse de 0,2 % en 2023 chez les premiers quand elle diminue de 0,4 % par an chez la seconde. La population en âge de travailler est en baisse depuis 2012 en Europe. 

Aux États-Unis, l’immigration nette est en hausse depuis 2021. Elle a généré un gain de population de 0,45 % contre 0,35 % avant la crise sanitaire (2015/2019). La population américaine continue à augmenter avec, à la clef, une consommation plus dynamique qu’en Europe. 

Depuis la crise sanitaire, les Américains ont repris le chemin de la consommation quand les Européens privilégient l’épargne. La consommation des ménages en volume est étale en zone euro entre 2019 et 2023. Elle a simplement augmenté de 20 % entre 2002 et 2022 quand elle a progressé de 65 % aux États-Unis. Depuis 2019, la consommation américaine a progressé de 13 %. Le taux d’épargne des ménages représente 15 % du revenu disponible brut en zone euro contre 8 % aux États-Unis. Il est supérieur d’un ou deux points à son niveau d’avant crise sanitaire en zone euro quand il est inférieur de deux points aux États-Unis.

L’économie américaine dispose d’indéniables atouts tant sur le plan des ressources humaines que des moyens financiers

Les épargnants américains acceptent un niveau de prise de risque bien plus élevé qu’en Europe, ce qui se traduit par une capitalisation boursière plus importante. Elle représente 160 % du PIB aux États-Unis, contre 72 % en zone euro. Les fonds levés dans le cadre du private equity (capital investissement) sont deux fois plus élevés aux États-Unis qu’en zone euro. Le private equity est un levier important pour les startups et les entreprises de taille intermédiaire. 

L’économie américaine dispose d’indéniables atouts tant sur le plan des ressources humaines que des moyens financiers. Elle peut compter sur le soutien des pouvoirs publics et sur l’abondance des capitaux étrangers. Le dollar, première monnaie de réserve et d’échange ainsi qu’une valeur refuge, contribue également au dynamisme de l’économie américaine.

Si politiquement les États-Unis sont un pays qui peut apparaître malade, tel n’est pas le cas sur le plan économique

La confiance plus élevée dans l’avenir des Américains, au-delà des divisions internes, constitue également une force pour la pérennité de la croissance. Les velléités de la Chine de devenir la première puissance économique mondiale d’ici 2049 provoquent des tensions avec les États-Unis avec une lutte de plus en plus acharnée sur le terrain de l’intelligence artificielle. Ces derniers disposent encore d’une avance technologique dans de nombreux domaines. Ils contrôlent le secteur des technologies de l’information et de la communication grâce aux GAFAM

À l’échelle mondiale, le poids des États-Unis reste relativement stable quand celui de l’Union européenne tend à baisser. Sur le terrain militaire, aucun pays n’a pas la possibilité de concurrencer les États-Unis, seuls en capacité de se projeter sur l’ensemble du globe. Premier producteur mondial de pétrole et de gaz en 2023, les États-Unis sont redevenus autonomes en matière d’hydrocarbures. Ils ont été capables, en quelques mois, de remplacer la Russie comme premier fournisseur de l’Europe en gaz ce qui avait été considéré comme impossible au printemps 2022. Si politiquement les États-Unis sont un pays qui peut apparaître malade, tel n’est pas le cas sur le plan économique.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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