La Chine face à une montagne de dettes masquées

La Chine face à une montagne de dettes masquées

Deuxième puissance économique et premier exportateur mondial, la Chine est confrontée à un ralentissement de sa croissance. Ce dernier est d’ordre structurel avec la montée en puissance du secteur tertiaire et d’ordre conjoncturel avec notamment l’augmentation des tensions commerciales avec les États-Unis. La croissance se situe certes toujours autour de 6 % mais elle s’érode. Les autorités chinoises surveillent avec attention l’évolution de l’activité afin d’éviter tout conflit social. Cet accompagnement du ralentissement passe par la mise en œuvre d’une politique monétaire accommodante et une politique de soutien à certains secteurs clefs comme le bâtiment. La conséquence est une augmentation de la dette. Si au niveau national, la dette chinoise reste sous contrôle, elle apparaît cependant de plus en plus dangereuse au niveau des collectivités locales.

En effet, la dette publique chinoise ne s’élève qu’à 38 % du PIB bien loin des 98 % du PIB de la France. Mais, les administrations locales ont recours à la dette hors bilan dans des proportions croissantes. Ces collectivités sont à l’origine de 85 % des dépenses publiques chinoises mais ne reçoivent que 50% des recettes publiques. Elles sont contraintes de s’endetter pour réaliser les infrastructures demandées par l’échelon central. Or, l’administration de Pékin a rendu difficile le recours à l’emprunt pour les collectivités locales.

Des entités spécifiques pour les dettes locales : 70% du PIB

Afin de contourner la réglementation, ces dernières ont mis en place des entités spécifiques dénommées « véhicules de financement des administrations locales » (lgfv). Ce sont des sociétés qui sont supposés bénéficier de la garantie de l’État et qui peuvent donc s’endetter dans les meilleures conditions possibles. La Chine comptait, en 2018, plus de 11 500 Ifgv dont la dette publique représente 70 % du PIB. Selon le FMI, cette dette a été multipliée par trois en moins de 10 ans. Elle est mal contrôlée par les pouvoirs publics et par la banque centrale chinoise. Elle est par ailleurs avant tout générée par les régions les plus pauvres de Chine.

Depuis 2010, les autorités chinoises tentent de maîtriser cet endettement masqué des collectivités locales. Des opérations de conversions de dettes ont été engagées afin de rendre plus transparente la comptabilité des collectivités locales. Le Gouvernement a facilité le recours à la transformation des titres en émettant des obligations à taux réduit. Malgré tout, de plus en plus, des lgfv sont dans l’incapacité de faire face à leurs échéances. Leurs revenus d’exploitation ne couvrent qu’environ 40 % de leurs charges annuelles. Elles sont donc contraintes de s’endetter pour rembourser. La croissance de l’endettement des lfgv, malgré les opérations d’échanges de titres, est de 20 % chaque année.

Une croissance de 20%, les dettes hors contrôle. 

En 2018, le Gouvernement chinois a accepté des défauts de bilan mais cela a eu comme conséquence une augmentation des taux d’intérêt proposés au Ifgv pouvant conduire à une implosion de l’ensemble du système. Le relèvement des taux a, en outre, réduit les ressources des collectivités locales qui ont été contraints d’interrompre les travaux sur une autoroute autour de la ville. Le ralentissement de la construction a été assez brutal.

Les investissements dans les infrastructures n’ont augmenté que de 1,6 % en mai par rapport à l’année précédente, contre plus de 10 % au début des années 2010. Face à la montée des inquiétudes, le gouvernement chinois a assoupli la réglementation financière applicable aux collectivités locales afin qu’elles puissent s’endetter en direct plus facilement. Il a demandé aux responsables locaux d’émettre des obligations spéciales pour les grands projets tels que la modernisation des réseaux électriques.

Une banqueroute des collectivités locales est possible 

Pour éviter un blocage financier des collectivités locales, les autorités de Pékin sont disposées également à un financement direct des lgfv en ayant recours à la China Development Bank qui appartient à l’État. La situation des collectivités locales chinoises est suivie de près par l’État central pour des raisons économiques, sociales et politiques. Une banqueroute des collectivités pourrait, par effet domino, mettre en danger la sphère financière chinoise et saper la confiance des Chinois vis-à-vis du pouvoir en place. L’arrêt de nombreux chantiers pourrait dans certaines régions occasionner une augmentation du taux de chômage, ce qui est craint également par le Gouvernement. Enfin, la Chine qui entend devenir d’ici 2049 la première puissance économique mondiale ne peut guère se payer le luxe d’imiter les Américains en connaissant une crise digne de celle de 2008.

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