Pressentie depuis plusieurs semaines pour porter la bannière de La République en marche aux élections européennes du 26 mai prochain, Nathalie Loiseau s’est lancée à la fin d’un débat face à Marine Le Pen sur France 2. « Je suis prête à être candidate » a-t-elle déclaré. Ce qui signifie qu’elle le sera. Cela faisait plusieurs jours que le Président, le Premier ministre, se disaient que ce serait la meilleure candidate.
Nathalie Loiseau a reçu, comme de juste, plusieurs soutiens, à commencer par celui d’Edouard Philippe qui a salué une « bonne nouvelle ». Le Premier ministre a vanté les mérites d’une « excellente ministre qui connaît remarquablement bien ses dossiers », avec « un sens politique très fin», «une femme extrêmement déterminée et combattante ».
« Notre liste a vocation à incarner une crédibilité sur les sujets européens et Nathalie Loiseau était la mieux placée. C’est très bien qu’elle ait fait cet acte de candidature », a renchérit le député LREM Pieyre-Alexandre Anglade, chargé de la préparation de seuropéennes.
Nathalie Loiseau doit formellement recevoir l’investiture de LREM. Ensuite, elle démissionnera du gouvernement pour se consacrer à la campagne.
Alors que celle-ci s’annonce virulente, Nathalie Loiseau a choisi depuis longtemps, dans un ministère jugée plutôt discret et technique, de monter systématiquement au créneau, n’hésitant pas à chercher la confrontation, à relever les mensonges et à ironiser. Dernièrement, elle se moquait de Marine le Pen qui évaluait le Smic à 36 euros. La techno se veut plus au fait des réalités que de la fille de château. Elle a d’ailleurs choisi de faire de RN son principal adversaire, ce que contestent les autres listes, à commencer par celle de LR, des socialistes et du Parti communiste.
Sa candidature repose d’abord sur ses compétences, acquises après plus de 25 ans au sein de la diplomatie française, de Jakarta à Washington. Victime du sectarisme Laurent Fabius, qui l’avait écartée de la direction du Quai d’Orsay car elle était jugée trop à droite, son éviction avait même choqué François Hollande. Ce dernier l’avait alors nommée à la direction de l’ENA. Elle devint ainsi la seule femme directrice de l’ENA. C’était aussi la première fois que l’ENA n’était pas dirigée par un (e) énarque.
Diplômée de Science po, Nathalie Loiseau avait choisi d’apprndre le chinois plutôt que de tenter l’ENA. «Féministe catholique», selon le journal La Croix, elle est par ailleurs mère de quatre enfants.
Proche d’Alain Juppé, elle rejoint le gouvernement d’Edouard Philippe aux Affaires européennes et y imprime sa marque. D’une part dans les lourds dossiers franco-allemands, les négociations sur la directive des travailleurs détachés, les questions migratoires, enfin le Brexit. Le Times titrait d’ailleurs en une à son propos «Cette française qui a séduit les Anglais». D’un caractère direct, elle sait allier la franchise à la diplomatie, ce qui avait plu Outre Manche. Elle avait eu la franchise de prévenir des désagréments d’un No deal…
Depuis qu’Emmanuel Macron a choisi d’axer le débat européen sur un clivage entre populistes anti-européens et progressistes pro européens, elle se charge de porter systématiquement la réponse aux dirigeants ou partis populistes européens, contrariant Orban, Salvini et Marine Le Pen, dont elle s’amuse à relever systématiquement l’incompétence. Elle a animé les débats de la Consultation citoyenne sur l’Europe où la diplomate de carrière a fait ses armes devant des publics variés, notamment en province et a pris goût à ces débats ouverts d’avant les «grands débats». Une vraie mue politique depuis son entrée au gouvernement pour une techno qui se révèle aimer la polémique et le contact.
Pour l’opposition, l’enjeu n’est pas tant de cibler Mme Loiseau que de s’immiscer dans le bras de fer LREM-RN, pour l’instant loin devant les autres partis dans les sondages. Ainsi la tête de liste LR François Bellamy dénonce une stratégie du gouvernement qui privilégierait le RN pour écarter la droite républicaine et empêcher toute alternance.Quant aux communistes et socialistes, ils dénoncent la politique droitière et libérale du gouvernement. Il sera pourtant difficile de perturber Nathalie Loiseau.
D’abord parce que de toutes les têtes de liste elle est certainement celle qui connait le mieux les dossiers européens. Il est d’ailleurs surprenant qu’aucun parti n’ait choisi de tête de liste compétente dans ces domaines. Ensuite parce que la stratégie du gouvernement n’a pas varié depuis des lustres. Simplifier le débat. D’une certaine façon, la crise des gilets jaunes l’a conforté, ainsi que les incertitudes du Brexit: nous ou le chaos. Enfin parce qu’en choisissant une ministre issue de la droite, LREM veut profiter de l’espace vacant laissé par Laurent Wauquiez qui a choisi une orientation plus eurosceptique qu’euroconstructive.
Ce qui ne veut pas dire que Nathalie Loiseau devrait gagner son pari. Le gouvernement dont elle porte la marque n’est pas vraiment populaire, l’Europe ne fait plus rêver, les abstentionnistes se recrutent dans les partis modérés, enfin elle va devenir une cible attrayante. Mais ses adversaires devront étudier leurs dossiers. Voilà en tout cas de quoi relever le niveau. Sa candidature marque donc le vrai coup d’envoi des élections européennes du 26 mai prochain.
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