Les Franco-Belges travaillant en France pour l’Etat, une collectivité locale ou une administration (hôpitaux, Education Nationale, etc.) ont eu une surprise lors de la réception de leur « extrait de rôle » (avis d’imposition belge). Alors que depuis 1964 le chemin était bien balisé, la cour de cassation belge, en novembre 2020, a remis en cause le traitement fiscal des fonctionnaires français ayant la double nationalité et résidant dans le Royaume. Ni une ni deux, le fisc belge a appliqué la décision de justice dès l’exercice 2021 mais sans en informer la France ou les personnes concernées.
Une convention fiscale remise en cause
Alors qu’une nouvelle convention fiscale a été signée en 2021 pour une application en 2023, celle en vigueur depuis 1964 est donc nouvellement interprétée depuis quelques mois ! En effet, l’article 10.1 de la Convention fiscale franco-belge prévoit que les rémunérations allouées sous forme de traitements, salaires, appointements, soldes et pensions par l’un des Etats contractants ou par une personne morale de droit public de cet Etat ne se livrant pas à une activité industrielle ou commerciale, sont imposables exclusivement dans ledit Etat. Elle protège donc les nationaux français d’une imposition belge. Par contre, dans le même article à l’alinéa 3, il est précisé que si un Belge est employé par la France en Belgique, c’est bien la Belgique qui sera compétente fiscalement.
Pour ceux disposant d’une seule nationalité, le texte est limpide. Pour les Franco-Belges, un accord négocié entre les autorités belges et françaises en 2009 indique que comme par le passé, les rémunérations versées à ceux-ci restent couvertes par l’article 10 pour les « résidents d’un Etat possédant la nationalité de cet Etat tout en possédant la nationalité de l’Etat débiteur« .
Un arrêt de la Cour de cassation surinterprété ?
Le 17 septembre 2020, la Cour de cassation de Belgique, sous sollicitation des services fiscaux belges, a fait exploser l’accord de 2009. En effet, elle a considéré qu’il « résulte clairement de ces termes que les autorités belges et françaises considèrent que, dans l’esprit de la convention, la disposition de l’article 10, § 3, n’est pas applicable lorsque le contribuable possède la nationalité des deux États contractants et qu’elles admettent que telle a été leur interprétation antérieure ».
La Cour va donc confirmer sa propre interprétation en indiquant dans son arrêt que « l’accord pris en exécution de l’article 24 de cette convention et publié au Moniteur belge du 9 novembre 2009 est dépourvu de force obligatoire et que les tribunaux ne peuvent l’appliquer. » Le tribunal laisse donc le champ libre à l’imposition en Belgique. Ce que font donc les services fiscaux !
C’est ainsi que ces fonctionnaires franco-belges ont reçu un avis d’imposition belge (salé, l’imposition en Belgique, malgré le mythe présent en France, est bien plus élevée que dans l’hexagone) en plus de celui émis par la France qui n’a pas été avertie de la décision belge.
Mobilisation chez les Français de Belgique
Evidemment, après avoir encaissé le choc, les Franco-Belges se sont mobilisés. Dans leur malheur, ils ont la chance d’avoir un groupe Facebook dédié à la fiscalité des expatriés, bien structuré et piloté par 3 Français de Belgique : Julien Kounowski, Pierre-Antoine Mathieu et Nicolas Mariage, totalement engagés.
Ces derniers appellent les autorités belges à faire preuve de compréhension et à suspendre le recouvrement de l’impôt belge, le temps que les deux autorités fiscales, française et belge, s’accordent. Il parait difficile au cœur de l’Europe de laisser prospérer une situation de double imposition avec comme effet « jusqu’à + de 50% d’imposition sur leur revenu français au final » comme l’indique le groupe.
Une mobilisation qui est aussi relayée par le monde politique. On aurait pu attendre le député du Benelux Pieyre-Alexandre Anglade (LREM) sur ce sujet, mais non le salut est venu de l’élue socialiste de la circonscription consulaire, Cécilia Gondard. Elle est aussi élue à l’Assemblée des Français de l’étranger et participe aux travaux de la cellule « Fiscalité » de l’instance.
« Après les « recrutés locaux » ou « contractuels » d’établissements publics ou quasi publics, ce sont maintenant les fonctionnaires franco-belges transfrontaliers qui sont concernés ! Je remercie les membres du groupe des Non-résidents contribuables en France qui m’ont alertée : j’ai immédiatement déposé une question au gouvernement via l’Assemblée des Français de l’Etranger. Cela s’ajoute à la récente signature de la nouvelle convention fiscale bilatérale franco-belge qui entérine les problèmes plus qu’elle ne les règle: aucune amélioration sur le lieu d’imposition des retraites, aucune prise en compte des mutations du travail de long terme impulsées par la crise de la Covid (télétravail), aucun changement sur l’imposition des retraites françaises en Belgique (…) Voilà un quinquennat de perdu pour les non-résidents contribuables au Benelux – 5 ans à allumer des contre-feux sur des tentatives de réformes malheureuses.«
Cécilia Gondard – Elue PS au Conseil Consulaire en Belgique et à l’Assemblée des Français de l’étranger pour le Benelux
Quelle solution ?
A ce jour, que ce soit du côté belge ou français, les autorités n’ont pas réagi. Les contribuables concernés sont donc seuls face au rouleur compresseur des autorités fiscales. Certains ont alors décidé de prendre les chemin de travers, à contrecœur, ils ont simplement fait rayer leur nom du registre national belge (un système de fichage de la population en Belgique, totalement illégal en France) en indiquant qu’ils avaient quitté le territoire belge. Une décision qui complique leur quotidien, car ils n’ont plus accès aux banques, assurances et autres services belges, ils sont obligés de souscrire à l’ensemble des prestations sociales, bancaires et autres en France. Ils restent, cependant, sur le territoire belge en toute légalité comme pour tout Européen mais en « mode dégradé ».
On le voit, la décision belge a des conséquences majeures pour nos compatriotes expatriés en Belgique et qui dans un souci d’intégration avaient demandé la nationalité belge, facilement accessible à des Français résidant en Belgique depuis au moins 5 ans. Le salut viendra-t-il de la nouvelle convention fiscale ? On peut en douter, car elle reprend quasiment mot pour mot les dispositions de celle en vigueur depuis 1964, et au mieux elle sera applicable en 2023.
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