La bataille des jeux vidéo ne fait que commencer 

La bataille des jeux vidéo ne fait que commencer 

Les jeux vidéo sont omniprésents. Des jeunes aux seniors, ces jeux sont partout. En 2022, plus de 3,2 milliards de personnes ont joué sur leur ordinateur, leur tablette, leur smartphone ou leur console, soit environ quatre personnes sur dix dans le monde. Ce nombre augmente de plus de 100 millions par an faisant de ce marché un des plus lucratifs. 

Deux tiers de la population jouent

La crise sanitaire a provoqué un afflux de nouveaux joueurs. Au sein des pays de l’OCDE, deux tiers de la population jouent. En quelques années, le profil des joueurs a évolué. Autrefois, les jeux vidéo étaient essentiellement pratiqués par des jeunes hommes. Depuis une dizaine d’années, leur diffusion s’est considérablement élargie en direction des femmes et des seniors. Si, aux États-Unis ou au Royaume-Uni entre 16 et 24 ans, la proportion de joueurs est de 90 %, elle atteint désormais 50 % chez les 55/64 ans. Dans le monde, il y a plus de propriétaires de consoles âgés de 35 à 44 ans que de 16 à 24 ans. 

Le marché des jeux vidéo dépasse, au niveau mondial, ceux des livres, de la musique ou du cinéma. Les jeux concurrencent de plus en plus la télévision pourtant connue pour être la plus grande entreprise de médias. Les consommateurs dépensent plus pour les jeux numériques que pour les services de streaming tels que Netflix. Les revenus globaux de la télévision sont toujours supérieurs à ceux des jeux, mais l’écart se réduit d’année en année. 

Un sondage réalisé en 2021 par Deloitte souligne ce basculement aux États-Unis. Si les générations nées avant 1990 privilégient la télévision et le cinéma comme moyen de divertissement, à partir de la génération Y et surtout Z, le jeu vidéo est largement en tête. La forte croissance des jeux vidéo depuis dix ans a été rendue possible par la généralisation des smartphones permettant une pratique en-dehors du domicile et en particulier lors des déplacements en transports en commun. 

Les utilisateurs de smartphone ont accès à des milliers de jeux. Le marché du jeu s’élèvera, selon OMDIA, une société de données, à plus de 185 milliards de dollars en 2023. Ce montant ne prend pas en compte le matériel et les accessoires, ainsi que la publicité associée aux jeux (65 milliards de dollars) et l’exploitation des données récupérées par les fournisseurs. Ce marché en pleine croissance a attiré des multinationales du numérique et de l’électronique comme Microsoft ou Sony. La survie de la compagnie japonaise doit beaucoup au succès de ses consoles. 

Pour maintenir ses parts de marché, Microsoft, qui a lancé la console Xbox en 2001, a décidé de payer 69 milliards de dollars l’année dernière pour acquérir Activision Blizzard, un développeur de jeux. Si cette opération est acceptée par le régulateur américain antitrust, cette opération d’acquisition sera l’une des plus importantes prouvant l’importance du marché du jeu vidéo. 

Apple et Google sont des acteurs majeurs pour la distribution de jeux, puisqu’ils contrôlent les deux principales boutiques d’applications, dont 60 % des ventes sont constituées de jeux. Amazon et le fabricant de microprocesseurs Nvidia diffusent des jeux en streaming sur Internet. L’entreprise chinoise Tencent a placé le jeu vidéo au cœur de son activité. Meta est passé des réseaux sociaux à la réalité virtuelle (principalement utilisée pour les jeux) et entend attirer dans son métavers de nombreux joueurs. 

Les films sont de plus en plus construits comme des jeux.

L’univers du jeu vidéo conquiert les autres médias. Les films sont de plus en plus construits comme des jeux. La musique est de plus en plus consommée comme support des jeux et non en tant que telle. Des entreprises comme Netflix étudient le moyen de proposer des séries-jeux afin de capter le public jeune. La réalisation des jeux vidéo devenant de plus en plus sophistiquée sur le plan technique, elle s’assimile à celle des films à succès. Comme pour le cinéma, la télévision ou la musique, le secteur du jeu devrait connaître une concentration afin de s’adapter à la massification de la demande.

Affiche de « Uncharted », de Ruben Fleischer, avec Mark Wahlberg, Tom Holland, Antonio Banderas, Sophia Taylor Ali, sortie le 16 février 2022 en France (COLUMBIA PICTURES – ATLAS ENTERT / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

Le développement de jeux faits « maison » 

Le secteur du jeu vidéo est en voie de connaître une nouvelle mutation avec le développement des jeux faits « maison » sur le principe des vidéos postées sur YouTube ou TikTok. En quelques années, la production de films personnels s’est transformée pour le plus grand profit des plateformes en une industrie de plusieurs milliards de dollars au détriment des médias traditionnels. Ce phénomène pourrait rapidement survenir dans l’univers du jeu. Des applications telles que « Roblox » et « Minecraft » permettent la diffusion des créations réalisées à la maison. 

Les jeux en ligne comme « Fortnite » tirent leur succès de l’interaction avec d’autres joueurs. Face à cette menace, les grandes majors des jeux multiplient les espaces d’interactions entre les joueurs générant ainsi de nouveaux réseaux sociaux permettant à des centaines de millions de personnes de réagir en ligne sur les jeux et autres sujets. Ces réseaux ont l’avantage de produire également des données en grand nombre.

Chinois, Coréens, Indiens imposent leurs codes 

À la différence du cinéma qui a permis aux États-Unis de développer un softpower grâce à la puissance d’Hollywood, l’univers du jeu vidéo n’est pas dominé par l’Amérique. Les Chinois, les Coréens, les Indiens, très présents, imposent ainsi leurs codes et influencent une part croissante de la population. Après TikTok, les autorités américaines pourraient regarder de plus près le contenu des jeux et la manière dont les données recueillies est exploitée par les géants du « gaming ».

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel

    Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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