Je suis juif. Et sioniste !

Je suis juif. Et sioniste !

Un professeur de science politique de l’université de Californie (UCLA) allait à son bureau. À l’entrée du campus, il est arrêté par quatre étudiants. Sans un mot, ils lui tendent un papier sur lequel sont écrites deux questions : 1. « Es-tu juif ? ». 2. « Si tu es juif, es-tu sioniste ? ». Il répondit « oui » aux deux. Ils voulurent l’empêcher d’entrer. Comme il mesure deux mètres, quoiqu’encerclé, il allât jusqu’à son bureau. Il protesta auprès du doyen. Le doyen répondit qu’il n’y avait pas eu de violence. Le Professeur fut dénoncé par des collègues, qui trouvaient son attitude provocatrice. L’ancien doyen demanda son exclusion pour « extrémisme ».

Juif ou pas, face aux fascistes, c’est un devoir d’être juif. Et sioniste.

Ce professeur est juif. Peut-être même sioniste. Juif ou pas, face aux fascistes, c’est un devoir d’être juif. Et sioniste.

Sioniste ? Ah, non : on n’est pas obligé de suivre Netanyahou ! Non, bien sûr. Ce qu’il fait est contraire aux principes fondateurs d’Israël : le droit, notamment le droit international. C’est la Shoah qui a conduit aux Conventions de Genève. J’ai écrit il y a quelques jours qu’il avait enclenché le processus d’autodestruction d’Israël. On peut même le condamner et manifester contre lui, comme cela se fait en Israël. Mais rejeter l’existence d’Israël, être antisioniste aujourd’hui, c’est forcément être antisémite.

Le sionisme est né dans l’esprit de quelques juifs autour de d’Herzl. Correspondant à Paris d’un journal autrichien pendant l’Affaire Dreyfus, il considérait que les Juifs ne seraient jamais tranquilles tant qu’ils n’auraient pas de patrie. L’affaire Dreyfus ne pouvait se passer qu’en France, car en France seulement Dreyfus pouvait trouver des défenseurs. Ailleurs, il n’y aurait pas eu d’affaire : aucune chance de sauver Dreyfus.

Personne ne défend les Juifs. Dans les pays arabes, on enseignait aux enfants à leur jeter de pierres. En Europe, le vieux fonds chrétien les assimilait aux déicides. Le génocide des juifs d’Europe apporta une terrifiante démonstration aux craintes sionistes.

Aujourd’hui, être antisioniste c’est vouloir jeter les Juifs à la mer.

Maintenant, on utilise le mot « génocide » pour le banaliser : Misérable vengeance de l’antisémite, parce qu’il en a soupé, du « génocide », de la Shoah, brandi par les Juifs ! Ah, ces Européens qui lavent leurs péchés en donnant une terre prise aux Arabes (aux Turcs)! Comme si les pays arabes avaient été innocents: où sont passés les millions de Juifs des pays musulmans où ils ont vécu, parfois avant l’islam ? Chassés, presque jusqu’au dernier.

On pouvait être antisioniste avant la création d’Israël. Comme on pouvait être contre l’indépendance de l’Algérie, des Indes ou du Bengladesh. Comme on peut soutenir celle de la Nouvelle Calédonie, de la Catalogne, de l’Ossétie ou de la Tchétchénie.  Beaucoup de Juifs, les rabbins traditionalistes de Jérusalem, étaient antisionistes.

Aujourd’hui, être antisioniste, alors qu’Israël existe, c’est vouloir jeter les Juifs à la mer. Scander « Free Palestine », ce n’est pas vouloir des Palestiniens « libres » : Il eut fallu manifester contre la dictature du Hamas. Scander « Free Palestine », c’est vouloir liquider les Juifs d’Israël. C’est l’expression de l’antisémitisme le plus radical.

Innocents ces étudiants de l’UCLA, qui agissent comme des SA ? Les SA tapaient sur les juifs mais ne les exterminaient. Cela restait « bon enfant » pour reprendre l’expression indigne du doyen de l’UCLA. Après les SA vinrent les SS.

Par quel autre terme remplacer « juif » dans le filtrage de l’Université : Noir, arabe, gay, blanc, femme ? Où l’éveil woke, où le féminisme ?

Ce ne sont pas les Palestiniens qui les émeuvent, mais les Israéliens.

Est-ce défendre les civils de Gaza de faire preuve de racisme à San Francisco ? Pourquoi les étudiants ne sont pas motivés pour les femmes soumises à la Charia, afghanes, palestiniennes, iraniennes, africaines ? Deux Iraniennes ont été pendues cette semaine.

Parce que ce ne sont pas les Palestiniens qui les émeuvent, mais les Israéliens. Qu’un crime soit commis par les Chinois, les Turcs, les Azéris, n’importe où dans le monde, aucune université ne s’enflamme. Mais par Israël ! Un crime commis par un juif ! Il y a un embrasement stupéfiant dans l’expression de l’antisémitisme, même sans juif. C’est pour cela que, malgré son gouvernement, il faut soutenir le droit à l’existence d’Israël.

Aujourd’hui, la mode, celle de l’immense bêtise universelle, celle qui, au nom d’un « bien », méprise, exclue et tue, la mode que suivent étudiants et professeurs, oblige au radicalisme pour sauver la planète, dénoncer Israël, mépriser le capitalisme.

La vieille rengaine gauchiste a remplacé la vieille rengaine réactionnaire. Hier, l’antisémitisme chrétien -ou musulman : ghettos et pogroms du Yémen et du Maroc n’envient rien à ceux d’Espagne et de Pologne – était traditionaliste. Il a fallu la guerre pour que sa monstruosité ne puisse être niée, sauf par les négationnistes. En Europe, les générations d’après-guerre ont vécu dans l’idée que l’antisémitisme était vaincu. Voué à disparaître, de toute la planète.

Le juif, ce capitaliste ! Israël, verrue occidentale dans le paisible Moyen-Orient.

Le revoilà ! Cette fois sous les habits de la « révolte » anticapitaliste, avec les vieilles caricatures antisémites de Marx : le juif, ce capitaliste ! Israël, ce serait une verrue occidentale dans le paisible Moyen-Orient. Le Juif que l’on aime détester, que l’on méprise si vite, est le symbole de l’argent. Même si la plupart des Juifs furent maintenus dans la misère, il y a toujours un riche qui dépasse. Et un juif riche est insupportable. 

Mépriser l’argent assimile au saint, au roi. Toute religion, malgré les ors des statues et des coupoles, fait mine de mépriser l’argent. Tout prince aussi. Seul le vulgaire ne peut mépriser l’argent. Alors il méprise le juif, symbole de l’argent. Aujourd’hui, l’argent, c’est le capitalisme, la société de consommation, l’Amérique et Israël. Bêtise avalée, ressassé par les complexes adolescents de petit-bourgeois.

Ces petits fascistes qui se croient gauchistes sont-ils excusables, de par leur jeunesse ? Mépris pour la jeunesse de penser que la jeunesse est une excuse : La jeunesse n’est pas l’enfance, ni l’innocence. Il n’y a pas d’âge pour haïr, tuer, mépriser, accompagner le massacre, justifier la torture. Les Gardes Rouges maoïstes étaient des tortionnaires. Aucun respect pour les admirateurs de Mao, qu’ils s’appellent Foucault, July, Sollers, Badiou, d’autant moins excusables qu’ils se vantaient d’être intelligents. On peut admirer « Le voyage au bout de la nuit », pas Céline.

« Ces petits fascistes qui se croient gauchistes sont-ils excusables, de par leur jeunesse ? »

On dira que cette fois ce n’est pas l’extrême droite mais l’extrême gauche. C’est insulter la droite et la gauche que de les appeler ainsi. Les fascistes ne venaient pas de la droite libérale (Mussolini était le n°2 du parti socialiste, comme Déat en France.) Les libéraux ne prêtèrent jamais la main à ces tortionnaires parce que la liberté fonde la dignité de l’homme. Le mépris, la discrimination, l’intolérance, la nie.

Manifestation à Paris devant le bâtiment principal de Science Po le 26 avril 2024 ©The Associated Press

À Paris, des mains sanglantes ont été taguées sur le Mur des justes, le Mémorial de la Shoah. Une enquête a été ouverte pour « délit d’injure publique à caractère antisémite ». Les mains rouges sont un symbole antisémite : Le 12 octobre 2000, deux soldats israéliens sont entrés à Ramallah. Ils ont été lynchés. Un homme a brandi ses mains ensanglantées en signe de « victoire ».

Les Mains rouges avaient été agitées à Science Po. Les étudiants ont expliqué qu’ils en ignoraient la signification.

Il est loin le temps où l’on dénonçait « Durafour crématoire » ! Tout cela est hideux.

Une influenceuse, avec plus d’un million d’abonnés, affirme qu’ « elle ne travaillera jamais avec un juif ». À New York, le Rabbin recommande aux étudiants juifs de Colombia de rester chez eux. A France Inter, un humoriste est suspendu pour une blague à relent antisémite. Il est soutenu par les copains de la rédaction. Il est loin le temps où l’on dénonçait « Durafour crématoire » ! Tout cela est hideux.

Non seulement je suis juif, mais je revendique d’être sioniste : Non, je ne veux pas la destruction d’Israël. Je ne veux la destruction d’aucun Etat. Je suis même favorable à la constitution de nouveaux états, pour les Kurdes, les Ouighours, les Biafrais, les Berbères, les Palestiniens, les Flamands, les Valdotains, si cela se fait dans un but de paix, si cela permet de vivre avec plus de liberté. Évidemment, si c’est pour constituer un état terroriste, je n’en veux pas près de chez moi, ni en Flandres, ni en Palestine, ni ailleurs.

Être sioniste ce n’est pas être pour Netanyahou, c’est reconnaître le droit à l’existence et à la sécurité d’Israël. C’est le choix de la France depuis toujours. C’est la position de l’ONU, reflet de celle des Etats.

« Es-tu juif ? » Poser la question c’est obliger à répondre : je le suis. Quelle que soit son identité.

Je suis juif, sioniste, musulman, berlinois, ukrainien, berlinois,  catholique, quaker, athée, bahaï, bonze, caldoche et kanak dès que l’on interdit à quelqu’un quelque chose parce qu’il est ceci ou cela. Hier, tout le monde disait « Je suis Charlie ». Kennedy disait « Ich bin ein berliner ». L’identitaire dénonce, enferme et tue. C’est ce que m’a appris mon pays, parce qu’il a presque tout connu, tout tenté : le meilleur et le pire. Travailler à garder le meilleur, leçon du pire. 

À Rouen, un Algérien, abattu par la police, a mis le feu à une synagogue. Se taire face à l’antisémitisme des étudiants de Colombia ou de Science po, c’est se taire quand on brûle une synagogue.  

« Es-tu juif ? » Poser la question c’est obliger à répondre : je le suis. Quelle que soit son identité, parce qu’elle n’est heureuse que dans ce qu’elle porte d’universel.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

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