Depuis vendredi 13 juin et le début de l’opération « Rising Lion » lancée par Israël contre l’Iran, les appels à la retenue et à la désescalade se multiplient. Nous sommes allés à la rencontre des Français installés au Moyen-Orient pour faire le point sur leur situation et leur sécurité.
Car l’État hébreu a bombardé des sites liés au nucléaire iranien, provoquant une riposte de la République islamique, qui a envoyé une pluie de missiles vers Israël. Les frappes ont continué samedi et se poursuivent ce dimanche. Le monde entier retient son souffle, s’organisant pour éviter une propagation du conflit dans la région et au-delà.
Au moins 100 morts
Les salves de missiles et les bombardements ont été meurtriers, à la fois en Iran et en Israël. L’armée israélienne a tué au moins 78 personnes, selon un bilan donné vendredi par le représentant iranien à l’ONU Amir Saeid Iravani. Depuis, les autorités iraniennes n’ont pas fourni un bilan total des frappes. Le nombre de blessés est lui estimé à plus de 320.
Côté israélien, dix personnes sont mortes et plus de 200 ont été blessées depuis samedi soir dans des tirs de missiles et de drones iraniens sur Israël, selon des services de secours, la police et des hôpitaux. Ce nouveau bilan porte à 13 le nombre total de morts depuis le début vendredi des attaques iraniennes, en riposte à l’attaque massive israélienne contre la République islamique.
La peur de la bombe nucléaire
Au cœur de l’escalade et de l’action de l’armée israélienne : le programme nucléaire iranien. Alors que des discussions étaient en cours entre l’Iran et les États-Unis et qu’une nouvelle réunion devait se dérouler dimanche, Israël a décidé de lancer des frappes sur les sites d’enrichissement nucléaire vendredi.
Des centaines de sites militaires et nucléaires iraniens ont été ciblés et plusieurs responsables militaires ainsi que des scientifiques de son programme nucléaire ont été tués. Pour justifier l’opération, baptisée « Rising Lion », Tel Aviv affirme que Téhéran s’approche du « point de non-retour » vers la bombe atomique.
L’Iran est soupçonné par les Occidentaux et par Israël, considéré par des experts comme la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, de vouloir se doter de l’arme atomique. Téhéran dément et défend son droit à développer un programme nucléaire civil.
Ce dimanche, l’Iran a accusé Israël de chercher à « faire dérailler » les négociations nucléaires avec Washington. La République islamique dit qu’elle rejettera tout accord qui compromettrait ses « droits » et prévient qu’elle ne négociera pas si Israël poursuit ses attaques.
Situation sécuritaire des Français de l’étranger en Iran et en Israël
Si les enjeux politiques sont majeurs, ce sont bien des enfants, des femmes et des hommes qui vivent actuellement en craignant à tout moment qu’un missile frappe leur secteur et fracasse la vie qu’ils ont construite dans leur pays de résidence.
Les Français installés dans les pays au cœur de cette crise vivent, avec les populations locales, ces jours terribles. Le passeport français n’immunisant pas des blessures que les bombes ou les missiles affligent aux corps. Une réalité que rappelait la députée des Français du Moyen-Orient (hors Israël et Turquie) sur X, Amélia Lakrafi.
« En tant que représentante des Français établis dans cette région, je souhaite exprimer toute ma solidarité aux populations #civiles, qu’elles soient #iraniennes ou #israéliennes, prises dans cette spirale dangereuse. »
Amélia Lakrafi, Députée des Français de la Xème circonscription.
D’ailleurs, dans deux publications du ministère des Affaires étrangères, il est demandé aux ressortissants Français d’éviter de se rendre en Israël ou en Iran.
En Israël, confinement volontaire
La rédaction a pu joindre Daphna Poznanski-Benhamou, conseillère des Français de Tel-Aviv et membre de l’AFE représentant les 100 000 Français installés en Israël et dans les Territoires palestiniens. Elle nous précisait qu’elle est actuellement « en déplacement en dehors d’Israël », elle nous confirme qu’elle ne peut pas « pour le moment rentrer car il n’y a pas d’avion ». Les frontières comme l’aéroport ont été fermés.
Pour autant, l’ancienne députée française suit « les développements via les nombreux groupes WhatsApp ». Elle est d’autant « plus inquiète que j’ai tous mes enfants et petits-enfants sous la pluie de missiles », nous a-t-elle confiés.
Ce lundi, un Comité de sécurité réunissant les élus consulaires doit se tenir en visioconférence. En parallèle, le Consulat de France sur place relaye les instructions du Commandement israélien. À ce stade, « les autorités françaises en Israël et notamment le Consul général à Tel Aviv – responsable pour les Français résidant dans le pays, hors Jérusalem -, font ce qu’il faut » selon Daphna Poznanski-Benhamou.
De son côté, la députée des Français de la Vème circonscription Caroline Yadan a écrit à tous les Français résidant en Israël. L’élue Renaissance a pris position clairement et fermement pour soutenir cette opération de l’armée israélienne, et pour défendre, sans ambiguïté, le droit d’Israël à se protéger. Elle est aussi revenue sur les mesures liées à la sécurité tout en saluant la résilience des personnes qui résident dans l’État hébreux.
« Votre sécurité reste ma priorité. Je suis en lien constant avec les services consulaires et les autorités françaises pour que tout soit mis en œuvre afin de vous informer, vous protéger et vous accompagner dans cette période incertaine. »
La députée des Français de la Vème circonscription Caroline Yadan
Car la sécurité est bien sur la priorité de tous, des autorités locales ou consulaires, nos compatriotes ont reçu de nombreuses instructions ce week-end :
Mesures du Pikadou ah Oref (Commandement du Front de l'arrière chargé en Israël des civils pendant les guerres)
– Le commandant du Front Intérieur est mobilisé, avec 50 bataillons de secours et sauvetage déployés dans tout le pays.
– Envoi d’avertissements sur les téléphones quand il faut se rapprocher d’un mamad (chambre bétonnée dans les appartements construits depuis une dizaine d’années) ou miklat (abri sous les immeubles)
– Avertissement envoyé sur les téléphones qu’un missile venant de l’extérieur est parti. Commencer à aller à l’abri.
– Pour sortir du Mamad ou Miklat seulement le faire après réception d’un message par téléphone donnant cette information
Autres messages :
– Pour le moment, ne pas se rendre sur les lieux de travail non essentiels, et pas d’école
– Les FDI (Tsahal) appellent les soutiens internationaux à ne pas partager de vidéos ou de localisations des frappes de missiles. La publication de lieux de chute de missiles ou de contenus filmés sur les sites touchés, même s’il n’y a pas eu de blessés, aide l’ennemi !
– L’Iran surveille activement les réseaux sociaux pour affiner ses frappes à l’intérieur
Le consulat rappelle aussi sur son site qu’il est conseillé de suivre la situation et les consignes des autorités locales via le site internet ou l’application du Commandement du front intérieur.
En Iran, la situation des otages français
En ce qui concerne les 1000 Français installés dans la République islamique iranienne, la situation est bien différente. Avec d’un côté, les Franco-iraniens et de l’autre les expatriés, les avis et les réactions à la situation actuelle sont bien différentes d’un groupe à l’autre. Un état de fait qui semble embarrasser les élus comme le président du conseil consulaire de Téhéran, Armand Meimand. Contacté par la rédaction, ce dernier n’a pas voulu s’exprimer.
Une retenue confortée par l’ambassade qui ne donne pas de consignes spécifiques mais qui rappelle que « L’Iran met en œuvre une politique délibérée de prise d’otages occidentaux et cible des ressortissants français de passage qu’il accuse d’espionnage. »
Mais une autre consigne était martelée depuis plusieurs semaines soit « quitter le pays ». Le ministère des Affaires étrangères affichait, et affiche toujours, sur son site le message suivant : « En raison du risque accru d’escalade militaire régionale et compte tenu du risque de fermeture inopinée de l’espace aérien et des aéroports iraniens, il est recommandé aux Français résidant en Iran et qui en ont la possibilité de quitter temporairement le pays. » Ils furent, d’ailleurs peu à suivre la consigne.
Mais à Paris comme à Téhéran, c’est bien la situation des prisonniers français qui inquiète. S’exprimant à l’Élysée sur la situation en Iran ce vendredi soir, le président Emmanuel Macron a réaffirmé les efforts de la France engagés pour libérer Cécile Kohler et Jacques Paris. Pour rappel, Cécile Kohler et de son compagnon Jacques Paris, deux enseignants que la France qualifie « otage d’État » ont été arrêtés en mai 2022 pour « espionnage ». Ils sont emprisonnés depuis dans des conditions extrêmement dures, à l’isolement, dans la prison d’Evin de Téhéran, où Amnesty International documente régulièrement des cas de torture.
« Je veux redire [aux familles des otages] notre solidarité et notre détermination à obtenir leur libération »
Emmanuel Macron, vendredi 13 juin 2025
Le chef d’État a de nouveau appelé les Français à « ne pas se rendre » en Iran tandis que Téhéran, qui s’est dit « surpris » par cette démarche, a dénoncé une « instrumentalisation ». Cécile Kohler et Jacques Paris sont officiellement les deux derniers Français détenus en Iran. Une vingtaine d’Occidentaux sont détenus en Iran, le pays étant accusé par les chancelleries européennes et des ONG de pratiquer une « diplomatie des otages ».
Auteurs/autrices
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Directeur de publication et rédacteur en chef du site lesfrancais.press
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