2 champions pour nous parler des Jeux Internationaux de la Jeunesse

2 champions pour nous parler des Jeux Internationaux de la Jeunesse

A l’approche des 13èmes Jeux internationaux de la jeunesse qui auront lieu à Athènes, nous avons échangé avec deux médaillés olympiques. Malia Metella, marraine des jeux et médaillée d’argent dans cette même ville en 2004, mais aussi avec Olivier Girault, à la tête de l’UNSS, qui coorganise l‘événement avec l’AEFE.

Se découvrir et découvrir l'Autre

Entre l'UNSS et l'AEFE, c'est une longue histoire, n'est-ce pas ? Comment travaillez-vous ensemble ?

O.G : C’est une partie de l’enseignement français très peu connue par les compatriotes du territoire, mais la France est un des pays qui a le plus d’ambassades dans le monde entier et le plus d’écoles. La qualité de l’enseignement à la française est souvent chahutée dans la vision qu’ont nos compatriotes dans l’Hexagone. Mais par contre, paradoxalement, cette même formation est ultra reconnue dans le monde entier. Et ces enfants, qu’ils soient sur notre territoire ou sur les territoires en dehors de l’Hexagone et dans le monde entier, ce sont les enfants de la République. Donc, il est intéressant aussi que ces enfants se rencontrent. Parce que ce qui est important aujourd’hui, et c’est pour cela que les rencontres internationales sont importantes, car c’est une ouverture et une compréhension sur le monde qu’on peut apporter à ces élèves.

Et pour ce qui est du sport scolaire, il a des multitudes de qualités qui sont indéniables, reconnues par tous, en tout cas par tous les acteurs. Mais il a ce vrai problème de faire savoir et un savoir-faire extraordinaire, c’est juste hallucinant. Il est important aussi pour toutes les communautés, les parents d’élèves par exemple, de savoir que finalement, cette fédération ne sert pas seulement à faire faire du sport à nos jeunes. La vision que nous en avons, ce qui est important c’est la rencontre, la confiance en soi, c’est se découvrir, et de découvrir l’Autre.

Olivier Girault @David Morganti

Si je comprends bien, il y a l'idée d'aller au-delà peut-être de l'aspect, enfin je veux dire de l'image physique qui renverrait seulement peut-être à la question tout simplement de la santé strictement physique ?

Oui, bien sûr, j’en suis intimement convaincu. Il y a une question qui m’a été posée parce que je suis aussi d’une certaine manière un petit peu un ovni dans cet univers de l’éducation. Et l’une des questions qui m’était souvent posée, c’était est-ce que je suis un enfant de l’UNSS ? C’est quand même une donnée importante. Or, si j’ai fait du sport, mes premières licences étaient de l’UNSS parce que tout simplement c’était la licence la moins chère. La réponse est simple : je ne sais pas si cela a fait de moi champion olympique, mais par contre, je sais l’homme que je suis devenu grâce à ça. J’ai toujours eu une licence scolaire UNSS, même au lycée, ou à la fac. Parce que c’est là que je me suis construit, à la fois sportivement, mais aussi dans ma compréhension, moi, enfant  venu des Antilles, à connaître aussi le territoire et les gens qui composent : le sport permettait ça. On parle souvent de ces valeurs-là, mais elles étaient réelles.

Donc ce rapport à l’international, il est génial parce qu’en fait les jeunes se parlent. Il y a, en plus de l’émulation physique comme on en parlait tout à l’heure, une émulation intellectuelle. Cela ouvre les horizons, le champ des connaissances, c’est-à-dire qu’il y a ce que le professeur peut vous apporter et je trouve qu’il faut les féliciter pour ça, sur leur engagement, dont on parle très peu. Ces rencontres ne sont pas seulement des rencontres sportives. On a souvent opposé le sport et la culture. Aujourd’hui, nous, nous n’opposons plus jamais, en tout cas dans notre fédération, moi c’est mon créneau, ni l’art, ni la culture, ni l’artistique.

Effectivement, il y a de vieilles dichotomies qui doivent être dépassées, j'imagine, entre l'intellectuel et le physique.

Vous savez, sans l’incriminer nullement, la période Jack Lang est révolue aujourd’hui.

Sur quels aspects ?

Moi j’aime toujours parler du contexte,  c’était une grande avancée, le sport dans les années 80 était familier car on n’avait pas encore eu les Jeux de 92 qui ont fait basculer le sport dans le sportainment, donc l’artistique a avancé beaucoup plus vite que le sportif à cette époque là. Nous avions dans le passé créé des modèles qui s’étaient sectorisés. Il y avait le sport d’un côté, la culture de l’autre, l’artistique mélangé un petit peu, mais pas tout le temps. Alors que dans d’autres pays, et c’est très rare que je prenne l’exemple des États-Unis parce dans leur modèle, il y a du bon et du mauvais… mais il y a cette manière de se dire que nous ne sommes pas qu’une seule personne, nous n’avons pas qu’une seule vision et que nous pouvons mélanger les visions. L’artiste peut être sportif, peut être chanteur, et tout ce qu’il veut. Et tous les jours, nous sommes au contact de cette nouvelle génération. Nous pratiquons dans notre association, notre fédération du sport scolaire, ce qui représente 1,2 millions d’élèves.

@David Morganti

Comment cela se déroule le travail avec la l'AEFE en particulier ?

Il y a une nouvelle directrice, Claudia Scherer-Effosse. On a renouvelé notre convention de partenariat à mon arrivée, avec Olivier Brochet, qui est devenu aujourd’hui ambassadeur du Vietnam. On s’est rencontrés, on a échangé, on a cette même vision de la République. Il ne faut pas que la vision des hommes qui dirigent les institutions bloque la vision du pays. Et naturellement, nous considérons que vous soyez en école privée, que vous soyez en école publique, que vous soyez en école française à l’étranger, ce sont nos enfants qui sont là, ce sont les enfants de la République et cette richesse, il faut la mettre en commun. Et ce qui fait que ces enfants-là, quand ils vont grandir, ils sauront se parler parce qu’en fait, finalement, des éducations personnelles différentes. Mais par contre, quand on parle de la République, on parle du socle commun de la République, et celui-là, nous l’entretenons et nous l’entretenons avec l’AEFE.

Et la force diplomatique, ce ne sont pas seulement les politiques françaises à l’étranger, mais c’est la présence aussi de la France en tant qu’enseignement, en tant qu’école dans ces pays. Dans les écoles françaises à l’étranger, il y a très souvent tous les enfants des dignitaires des pays étrangers dans lesquels nous sommes installés, il n’y a pas. Que des enfants français. Et c’est là où c’est très intéressant, c’est la future diplomatie du monde qui est en marche dans ces écoles françaises à l’étranger. La France possède toujours contrairement à ce que l’on pourrait croire, c’est pas le sujet majeur, mais en tout cas, continue à travailler sur le développement de cette diplomatie dans tous les pays du monde.

« étudier le sport, c'est étudier l'histoire du monde »

C'est bien, ça me fournit une transition parfaite pour évoquer le livre que vous avez publié, Le Sport Power (Débats publics éditions). Est-ce qu'il s'agissait pour vous de rappeler que le sport peut être un important instrument de « soft power », y compris d'un point de vue diplomatique ? Dans quelle mesure est-ce que le sport peut renforcer les liens entre les civilisations et les nations actuellement ?

Il le fait de manière naturelle. Mais par contre, il n’a jamais été expliqué de manière naturelle. Pour vraiment parler de ce sujet, il faudrait d’abord répondre à plusieurs questions. Qu’est-ce que le sport en France ? Qu’est-ce que le sport à l’étranger ? Et quels sont les moteurs de développement du sport selon les pays ? Le modèle américain, le modèle anglo-saxon, j’ai toujours pas parlé du modèle français. Là, il est un peu plus mis sous l’entonnoir, mais le modèle russe et je dirais à la rigueur le modèle slave pour aller un petit peu plus loin, parce qu’à un moment il y a le modèle slave et le modèle occidental se rencontrent quand vous arrivez en Serbie, en Croatie… Le sport c’est génial parce qu’étudier le sport c’est étudier l’histoire du monde. aujourd’hui tout le monde se plaint par exemple la cérémonie d’ouverture qui ne se fait pas dans un stade de manière classique. Si les Français s’intéressent à l’histoire du sport, ils peuvent comprendre que finalement, c’est un pas fabuleux de vouloir sortir du stade et de vouloir faire cette cérémonie autre part que dans un stade, et que les Français engagent cela.

Parce que la cérémonie d’ouverture, comme on la connaît depuis 40 ans, c’est Hitler qui l’a inventée. Et c’est clair qu’il a inventé la communication autour du sport, c’est lui qui s’est servi le premier du soft power du sport, et les Russes se sont engagés dedans aussi. On peut donner, et c’est ça qui est important dans l’éducation, pas seulement sportive, de bonnes bases à nos jeunes concitoyens et concitoyennes. Par contre, on ne doit jamais se départir du travail personnel de recherche. Oui, c’est un message important. On ne peut pas demander à l’école de tout vous apprendre. À un moment, il faut aller rechercher des choses supplémentaires que vous voulez savoir. Moi je n’étais pas le mec le plus formidable en histoire. Mais par contre, j’ai eu des bases qui m’ont permis, beaucoup plus tard, parce que j’ai voyagé grâce au sport, j’ai rencontré des gens, et en échangeant avec eux, j’ai découvert, parce qu’on regarde toujours l’histoire de son côté du miroir.

Et en fait les sujets sont totalement différents selon qu’on aborde le sport de manière locale et le sport de manière nationale et le sport de manière internationale.

Atteindre le haut niveau chez soi

Malia Metella, vous êtes née en Guyane française. Au cœur de l'Amérique latine, vous avez dû voir de nombreux compatriotes prendre le chemin de l'expatriation ? Qu'en pensez-vous ?

M.A : Il existe maintenant une université en Guyane, mais elle n’existait pas à mon époque, donc la plupart du temps, quand on voulait faire des études supérieures, on n’avait pas le choix. On devait partir en métropole, aux Antilles ou aux États-Unis pour pouvoir continuer nos études, ou même des fois en Belgique, voire un peu partout dans le monde. Depuis qu’une université a été créée en Guyane, les jeunes Guyanais ne sont plus obligés de partir. Et c’est beaucoup plus simple, car quand tu pars à l’étranger ou en métropole pour continuer tes études, il faut payer l’avion, le logement, la nourriture. Cela coûte cher et beaucoup de parents n’ont pas les moyens. Depuis 24 ans que je suis partie, donc il y a eu une belle évolution et c’est tant mieux pour les nouvelles générations.

Malia Metella

En 2000, à l'âge de 18 ans, vous avez quitté Cayenne pour rejoindre l'INSEP à Paris. Qu'est-ce qui vous a marqué en arrivant en France métropolitaine ?

Il n’y a rien qui m’ait marquée, parce que j’ai eu cette chance de pouvoir bouger dès mon plus jeune âge, de venir en métropole pour faire des compétitions, dès l’âge de 9 ans. Je venais tous les ans faire des compétitions, et ensuite, à l’âge de 11-12 ans, je suis rentrée en équipe de France Espoir. Donc ça fait que je venais souvent en métropole, pas seulement l’été mais aussi en hiver. Je connaissais déjà un peu…

Avec des durées de séjour assez longues pour les compétitions, les stages, sans doute ?

Exactement. On était obligés de venir un peu à l’avance, notamment à cause du décalage horaire et la fatigue des 9 heures de voyage. Et la plupart des compétitions n’étaient pas à Paris, donc en plus, après le vol, on prenait un train. C’était parfois des voyages d’un peu plus de dix jours. Et donc je connaissais déjà le climat froid et sec. D’ailleurs, je pense que beaucoup ont été surpris que je m’habitue et m’adapte assez facilement.

Même au niveau des gens ou des habitudes sociales ou culturelles ?

Ah mais rien, non, pas du tout. Après, c’est vrai que j’étais chez ma mère en Guyane, donc elle cuisinait, et ça change, oui, certes. Mais je suis rentrée à l’INSEP, dans un centre où la nourriture était faite pour les sportifs de haut niveau, donc je me suis vite adaptée.

"Quand je suis arrivée à Paris, mon corps était déjà adapté, ma tête était déjà adaptée à cette charge d'entraînement"

Et quel conseil vous donneriez à des personnes qui partent de Guyane aussi, comme vous l'avez fait, qui arriveraient à Toulouse, Paris ou Lille ?

Alors, que l’on vienne de Guyane, d’autres départements d’Outre-mer ou d’ailleurs, en tant que sportif, il faut absolument atteindre le haut niveau, d’abord chez soi. Pour ensuite pouvoir se dire que l’on a un niveau permettant d’aller s’entraîner ailleurs ou de s’expatrier. Moi, c’est ce qui m’a permis de tenir et d’être forte quand je suis arrivée à Paris, à l’INSEP. Depuis l’âge de mes 12 ans, on a mis tout en place, entre les horaires du collège, mes entraînements, pour que je puisse m’entraîner comme une sportive de haut niveau très tôt. Cela m’a permis, quand je suis arrivée à mes 18 ans, d’être prête pour m’entraîner deux fois par jour, donc d’avoir une charge d’entraînement supérieure à ce que je connaissais dans un entraînement basique. On m’a créé une classe « sport-études », et de ma 6ème à ma 3ème, je m’entraînais le matin avant d’aller au collège, de 5h du matin à 7h du matin. Ensuite j’allais au collège de 7h30 à 12h30. Et maximum deux fois par semaine, j’avais cours l’après-midi, de 14h à 16h, puis je retournais à l’entraînement de 16h à 19h30. Quand je suis arrivée à Paris, mon corps était et ma tête étaient déjà adaptés à cette charge d’entraînement.

Donc je n’ai pas eu de problème de surcharge d’entraînement, comme cela arrive à beaucoup de nageurs, insuffisamment préparés. Mon conseil pour les sportifs, c’est de se préparer d’abord chez soi pour devenir un sportif de haut niveau avec son climat, ses horaires et tout ça, avant de pouvoir se confronter aux meilleurs en métropole, ou ailleurs.

Et plus généralement vous aurez des conseils pour les gens qui s'expatrient, quel que soit leur domaine ?

Je conseillerais d’abord de se renseigner auprès d’autres compatriotes, ou de trouver des forums ou des groupes Facebook de jeunes étudiants. Ou encore discuter avec des amis ou de la famille déjà expatriés dans ce pays, pour avoir des informations et ne pas être surpris à l’arrivée

Cela peut aussi être bien de tenter des séjours courts à certaines périodes, peut-être pendant la plus difficile, la période d’hiver, pour voir si on peut s’adapter. En gros, c’est bien de tâter le terrain pour voir, faire des connaissances avec des personnes qui vont vous donner des petits conseils, sur les choses à faire et celles à éviter

Les JIJ : une histoire de partage

Revenons sur votre carrière, avec ce temps fort à Athènes pour les JO 2004. Quels sont les principaux souvenirs que vous avez gardé de ces olympiades, où vous avez remporté une médaille d'argent, il y a vingt ans ?

Pour moi, depuis que j’ai ma médaille à Athènes, ça reste une ville qui est très chère à mon cœur, parce que j’ai eu ma médaille là-bas, et forcément Athènes représente beaucoup pour moi. Donc ouais, et en plus de ça, pas seulement que j’ai ma médaille, que c’est là où sont les Jeux, la Grèce, c’est là où sont nés les Jeux, donc pour moi ça représente beaucoup, et le fait d’y retourner là, en tant qu’ambassadrice avec les Jeux internationaux de la jeunesse, c’est génial.

Quels sont les principaux souvenirs que vous gardez de ces Olympiades ?

Oh, plein de souvenirs. J’ai eu la chance, comme c’est souvent le cas avec la natation,  première semaine et on a la possibilité de rester la deuxième semaine, donc j’ai eu le temps de bouger, d’aller encourager les copains, de profiter de la ville et des alentours. Je garde de super souvenirs à Athènes, et forcément, c’est quelque chose qui reste à jamais dans mon cœur.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de retenter l'aventure de ces Jeux internationaux la jeunesse, pour une troisième fois ?

J’ai signé tout de suite pour être à nouveau ambassadrice des JIJ, car je trouve ça fantastique de pouvoir faire partager ces jeunes, de mélanger ces lycéens de différents pays qui ont plusieurs points communs, la langue française, le sport et la culture et donc pour moi c’est génial. J’aurais tellement aimé pouvoir le faire étant plus jeune, c’est fantastique, sachant qu’ils viennent tous d’un lycée français. Et en plus, ils font des rencontres qui restent assez souvent à vie. J’entends souvent des anciens des JIJ qui justement, racontent être devenus amis, et passer des vacances ensemble. Il y en a aussi qui deviennent de jeunes reporters, qui font les capsules vidéos, des montages pour les réseaux sociaux, et d’autres qui arbitrent les jeux.

Quel principaux messages vous aurez envie de transmettre aux lycéens et lycéennes participant à ces JIJ ?

Faites-vous plaisir et faites des belles rencontres. Allez à la découverte de cette ville qui est incroyable, Athènes. Les gens sont super gentils, ils sont adorables. C’est la seule chose que je leur dis, faites-vous plaisir et n’hésitez pas à encourager vos copains ou vos nouveaux copains. Parce que c’est aussi ça les JIJ et c’est aussi ça le sport. On encourage son équipe, mais on peut aussi encourager les autres. Donc voilà, c’est un peu le mot que j’ai envie de partager avec eux. Et bien sûr, que la meilleure équipe gagne !

Auteur/Autrice

  • Etienne Antelme

    Etienne Antelme est journaliste indépendant. Après un parcours de formation en sociologie, ses centres d'intérêt et son envie d'écrire l'ont amené vers le journalisme. Avec comme points d'ancrage principaux la culture, les multiples "mondes" du travail, ou encore l'économie sociale et solidaire, il écrit pour différents médias web et print.

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