Impôts, vous avez dit impôts ?

Impôts, vous avez dit impôts ?

Après avoir compensé le manque à gagner généré par la crise sanitaire, les gouvernements des pays occidentaux se sont engagés à réduire les effets sur les ménages de la guerre en Ukraine. Il en résulte une dégradation importante des finances publiques. 

Le ralentissement de la croissance provoqué par l’augmentation des prix de l’énergie, des matières premières et des produits agricoles, et par la multiplication des goulets d’étranglement tant au niveau des biens intermédiaires qu’au niveau de la main d’œuvre, réduit le montant des recettes publiques quand, au même moment, les dépenses publiques sont en forte hausse. Outre les mesures de soutien au pouvoir d’achat, les États sont confrontés à une série de dépenses en lien avec la transition énergétique et le vieillissement de la population. La modernisation des systèmes de santé, la réindustrialisation, l’accroissement de l’effort de défense, etc. D’ici 2024, la question des modalités du financement de ces dépenses pourrait se poser avec acuité.

L’espoir mis dans la croissance s’est évanoui 

Les déficits des États de la zone euro se situent entre -4 et -6 % du PIB quand ils ne dépassaient pas 0,5 % du PIB en moyenne avant la crise sanitaire. Par rapport à 2020, année de récession en Europe, la réduction du déficit a été de 3 points mais le retour à l’équilibre a été compromis par la survenue de la crise ukrainienne. L’espoir mis dans la croissance pour réduire la composante conjoncturelle de la dette et assainir les finances publiques s’est évanoui. Les besoins de financement public sont en forte hausse, de plusieurs points de PIB afin de financer les dépenses militaires, les dépense de santé, de retraite, d’éducation et celles liées à la transition énergétique. 

Le soutien public à la compensation de la perte de pouvoir d’achat représente en année pleine, en France, 2 % du PIB. Ces dernières années, les États ont bénéficié de la baisse des taux d’intérêt qui a fortement réduit le poids du service de la dette. Ce dernier est passé, pour l’ensemble de la zone euro, de plus de 3 % du PIB à 1,5 % du PIB de 2010 à 2020. Face à la résurgence de l’inflation, les banques centrales sont contraintes de relever leurs taux directeurs, ce qui, avec l’arrêt des programmes de rachat d’obligations, entraîne une hausse des taux d’intérêt. Un point de taux en plus entraîne sur trois ans une dizaine de milliards d’euros de plus à payer pour l’État en France.

Plus de limite à la dépense publique.  

Comment réduire les déficits budgétaires primaires ? Depuis 2020, les administrations ont pris l’habitude d’intervenir sans compter pour lutter contre la pandémie puis, depuis le début de l’année, pour tenter de limiter les effets du choc énergétique liés à la guerre en Ukraine. Les politiques monétaires accommodantes mises en œuvre depuis 2015 ont donné l’impression qu’il n’y avait plus de limite à la dépense publique. Les tenants de la Nouvelle Théorie Monétaire ont relégitimé le concept keynésien de déficit public tout en soulignant que l’interventionnisme étatique était justifié tant qu’il ne générait pas d’inflation. 

Depuis une quarantaine d’années, à l’exception de la Grèce, les populations, surtout celle de la France, se sont habituées à vivre avec un endettement croissant sans que cela ne pèse sur leurs conditions de vie. Elles n’estiment donc pas nécessaire de changer la donne en la matière. Pour autant, la question de la soutenabilité des dettes publiques pourrait se poser plus rapidement que prévu, d’autant plus que la hausse des intérêts à payer grèvera le budget des États. La réduction des déficits devrait redevenir d’actualité en 2023. 

Compte tenu des tensions sociales qui traversent de nombreux pays, les gouvernements rechignent, pour le moment, à augmenter les prélèvements sur les particuliers. A contrario, ils sont appelés à taxer les entreprises, en particulier sur celles qui réaliseraient des profits sur les marchés des matières premières ou de l’énergie.

Croire qu’en taxant les entreprises, les gouvernements épargnent les ménages est une vue de l’esprit 

Depuis le début de l’année, les entreprises énergétiques de la zone euro réalisent, en base annuelle, des bénéfices évalués à 30 milliards d’euros, contre une vingtaine en temps normal. Il ne faut pas oublier qu’elles avaient enregistré une perte d’une vingtaine de milliards d’euros en 2020. Le secteur de l’énergie est cyclique avec des fortes variations. Il exige des investissements importants et cela d’autant plus que la décarbonation suppose la réalisation de nouveaux équipements. 

Par ailleurs, croire qu’en taxant les entreprises, les gouvernements épargnent les ménages est une vue de l’esprit. Une augmentation des prélèvements sur les entreprises conduit soit à une augmentation des prix, soit à une moindre progression des salaires ou à une diminution des dividendes versés aux actionnaires. La taxation revient à modifier les règles de répartition de la valeur ajoutée. Elle peut se justifier pour des raisons sociales ou économiques si l’usage de la rente est inefficiente. 

Depuis plusieurs années, l’idée d’une taxation des entreprises du secteur des technologies de l’information et de la communication s’est diffusée. Ces entreprises disposeraient de positions dominantes leur permettant de générer d’importants bénéfices. Elles ne feraient pas profiter les autres secteurs des gains de productivité. Les bénéfices accumulés ne seraient pas utilisés de manière optimale. Ils serviraient à réduire la concurrence à travers des opérations de rachats de startup. Selon la théorie libérale, les bénéfices ont vocation à disparaître et non à s’accroître au fur et à mesure de la montée de la concurrence. À défaut d’accroître l’impôt sur les sociétés, certains estiment qu’il conviendrait d’augmenter le taux d’imposition des plus-values en capital réalisées (pas latentes) dues à la hausse des prix des actifs, hausse provoquée notamment par les politiques monétaires expansionnistes.

Les gouvernements taxent et subventionnent les mêmes

Depuis 2018, le taux de croissance des prix de l’immobilier résidentiel en zone euro se situe entre 6 et 10 %. La crise sanitaire n’a pas entraîné de décélération. La hausse des taux d’intérêt pourrait néanmoins provoquer un retournement sur le marché immobilier. La taxation des rentes peut apparaître légitime puisqu’elles ne résultent ni d’investissements, ni de bonne gestion, ni d’innovations, mais de plus-values ou de profits dus à des hausses anormales de prix ou de positions dominantes. Le prélèvement peut donc se justifier sous réserve que son usage soit performant. 

Les gouvernements sont de plus en plus enclins à prélever et à subventionner les mêmes. Ainsi, les entreprises du secteur énergétique sont taxées tout en bénéficiant d’aides pour assurer la décarbonation de leurs activités.

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