Imposition des non-résidents, attention danger !

Imposition des non-résidents, attention danger !

Tribune à propos de l’article Lesfrancais.press :  Karim Ben Cheïkh : « Il faut trouver la parade efficace à l’évasion fiscale » publié le 4 août 2024.

Par Jean Calvignac, Président de l’association FdEif : Français de l’Étranger imposables en France.


Mr. Karim Ben Cheïkh, député de la 9ème circonscription des Français établis hors de France et membre de la commission des finances de l’Assemblée nous dit qu’un exilé fiscal ne paie pas d’impôts sur les revenus générés en France et que la proposition d’Éric Coquerel est de taxer ces revenus à la hauteur du différentiel existant avec le barème français de l’impôt sur le revenu. Il dit aussi que Lucie Castets n’a jamais proposé ou dit qu’elle “taxerait les Français de l’étranger comme ceux de France”, toutes ces affirmations sont complètement inexactes.

La désinformation continue quand il dit que L’objectif serait donc de faire un dispositif pour recréer une forme d’ “exit tax” contre l’évasion fiscale qui avait été supprimée dès 2018 par les gouvernements de M. Macron, cette allégation est aussi strictement fausse.   

Raconter des salades sur les règles d’imposition des non-résidents ne peut qu’embrouiller les pistes, faire croire que des réformes irréalisables et peu efficaces peuvent être faites avec en final le risque énorme de pénaliser tous les Français de l’étranger qui ont déjà vécu cela en 2019. Mr. Karim Ben Cheïkh ferait bien de s’en informer. 

Un exilé fiscal est un non-résident Français il est donc soumis aux règles d’imposition des non-résidents qui contrairement à ce que dit Mr. Karim Ben Cheïkh imposent les revenus générés en France et, de plus, cette imposition se fait à un taux supérieur à celui que cet exilé aurait payé s’il était resté en France.

Le non-résident paie un taux de 20% dès le premier Euro de revenu généré en France et donc 20% minimum dans la tranche où le résident ne paie rien, puis un taux minimum de 30% pour les tranches où le résident paie seulement 11%. (Les pensions et salaires reçus de France étant imposés sans ce surtaux pratiquement comme pour un résident).  

Donc, contrairement à ce que prétend Mr. Karim Ben Cheïkh, ce à quoi s’attaque Lucie Castets et Éric Coquerel, ce sont les revenus générés hors de France qui ne sont pas imposables en France pour les non-résidents, cette non-imposition est la règle de base de l’impôt de territorialité qui est pratiqué par tous les pays du monde sauf les Etats-Unis. 

Lucie Castets a proposé une imposition universelle de nationalité équivalente à celle pratiquée par les États-Unis qui, contrairement à ce que prétend Mr. Karim Ben Cheïkh, “taxerait les Français de l’étranger comme ceux de France”, et même les taxerait encore plus puisque tous les revenus mondiaux seraient taxés sans l’application des conventions fiscales existantes aujourd’hui.  

Cette imposition de nationalité telle que décrite par Lucie Castets est absolument impossible à mettre en place par la France et c’est même Éric Coquerel lui-même qui le dit, tous les pays tels que Mexique, Roumanie, Bulgarie, Vietnam, Philippines, Birmanie qui ont essayé des formes d’imposition selon la nationalité ont tous abandonné devant les énormes difficultés à faire marcher ce système. 

@adobestock

Éric Coquerel, lui, propose une version plus réduite qui ne s’appliquerait que dans les pays à faible taux d’imposition mais qui reste aussi pratiquement impossible à réaliser car nécessiterait de pouvoir revoir les conventions fiscales avec des pays qui ont eu aucun intérêt à les modifier et cela demanderait des années si par chance on y parvient. 

De plus cette version ne s’appliquerait qu’au-dessus de 200.000 euros de revenu annuel, ce qui conduirait à faire une usine à gaz pour faire appliquer le système actuel en dessous de 200.000 euros de revenu et cette nouvelle version au-dessus.  

Et le comble est que cette nouvelle version ne rapporterait que très peu dans les caisses de l’État car ne s’appliquerait qu’à seulement peu de pays.  Mais, au-dessus de tout cela, la question de fond est comment s’assurer qu’un exilé fiscal qui n’a plus aucun lien avec la France déclarerait ses revenus générés hors de France. Pour résoudre ce problème les États-Unis ont, par l’intermédiaire de leur système FATCA, la connaissance de tous les comptes de banque ou d’établissement financier, ainsi que les flux financiers relatifs à ces comptes dans pratiquement tous les pays du monde pour chaque citoyen américain. La France ne pourra jamais faire un tel système, seuls les États-Unis ont pu le faire grâce à la force du dollar. 

La proposition d’Éric Coquerel est donc réduite à un système très limité, complètement inefficace qui ne mettra que quelques dizaines de millions d’euros dans les caisses de l’État, mais qui, par contre, sera une usine à gaz à maintenir et à gérer par la DINR ce qui entraînera d’énormes complications, des montants d’imposition erronés, des tracas permanents pour les Français de l’étranger établis dans les pays concernés. 

Pour ce qui concerne l’“exit tax”, Macron voulait la supprimer, mais il n’a pas pu le faire, il en a simplement réduit la durée d’application de 15 ans à deux ans. Et cet “exit tax” réduite existe bien de nos jours, donc l‘objectif n’est pas comme nous le dit Mr. Karim Ben Cheïkh de recréer l’“exit tax”, qui n’a d’ailleurs absolument rien de commun avec la proposition d’Éric Coquerel, l’objectif est de changer les règles d’imposition des non-résidents selon la version d’Éric Coquerel, tout en conservant cette “exit tax”.  On peut observer aussi que Lucie Castets a proposé le 22 Août de renforcer l‘“exit tax” existante en ramenant de 2 ans a 15 ans sa durée d’application. On peut aussi noter que cette “exit tax” renforcée n’a rapporté pas plus de 70 millions d’euros dans les caisses de l’État en 2017, tout à fait négligeable devant les 170 milliards d’euros de recettes de l’État.

Donc, visiblement, malgré son statut de membre de la commission des finances de l’Assemblée Mr. Karim Ben Cheïkh ne maîtrise pas bien le sujet de l’imposition des non-résidents, mais qu’il se rassure il n’est pas le seul. Les Français de l’étranger ont déjà eu des députés qui n’y connaissaient pas grand-chose. 

Beaucoup de députés des Français de l’étranger ont fait comme lui en 2019. Ils ont, à propos des règles d’imposition des non-résidents, écrits et racontés des salades, puis votés des amendements dont ils ne comprenaient pas les effets, et ont de ce fait terriblement pénalisé les Français de l’étranger qu’ils représentaient.

Il a fallu deux ans d’efforts faits par quelques Français de l’étranger pour faire annuler la loi inique que les collègues députés de Mr. Karim Ben Cheïkh avaient fait voter et qui pouvait augmenter de 1.000 % l’imposition des petits revenus de pensions reçus de France. A l’occasion, il pourrait en parler avec Anne Genetet ou Frédéric Petit s’il les rencontre. 

Mr. Karim Ben Cheïkh dit très justement que les Français de l’étranger sont en attente de justice fiscale et que ce point de vue il le défend. Mais leur attente n’est pas d’aller chambouler, bricoler, sans rien ni connaître leurs règles d’imposition comme il le propose mais par contre de regarder un peu du côté de la CSG injuste et discriminatoire qui leur est appliquée.

Auteur/Autrice

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire