Heurs et malheurs de la recherche en temps de Covid

Heurs et malheurs de la recherche en temps de Covid

Les déboires des laboratoires pharmaceutiques français pour l’élaboration d’un vaccin prouvent que la recherche est un art difficile qui exige évidemment des chercheurs bien formés, des capitaux et un environnement porteur. 

Que ce soit l’Institut Pasteur ou Sanofi, le choix d’utiliser des techniques traditionnelles pour l’élaboration d’un vaccin s’est révélé être mauvais. Les entreprises en place ont une tendance naturelle à tenter de reproduire leurs succès passés. Les start-ups peuvent plus aisément s’affranchir de ces contraintes, appelées « dépendance du sentier » par l’économiste Philippe Aghion. Moderna ou BioNTech, deux jeunes entreprises, ont pu plus facilement que Sanofi, recourir à de nouvelles technologies afin de développer des vaccins Arn.

L’attrait américain 

Le Directeur général français, Stéphane Bancel, de Moderna, une biotech implantée aux États-Unis, souligne qu’il n’a pas obtenu de la part des autorités européennes le soutien financier nécessaire pour la production en masse de vaccins. Les États-Unis prouvent en matière de vaccin la résilience de leur recherche qui peut compter sur l’appui des pouvoirs publics et du milieu universitaire. Les États-Unis se sont dotés durant la Guerre froide de trois agences, la National Science Foundation (NSF), la National Institute of Health (NIH) et la National Aeronautics and Space Administration (NASA), trois acteurs clef de la recherche. 

La concurrence entre les universités les amène à repérer les meilleurs chercheurs et à leur accorder des moyens importants en lien avec les agences et les grandes entreprises. Les fondations jouent un rôle également important aux États-Unis en mobilisant des capitaux et en garantissant une certaine indépendance aux chercheurs. La Fondation Howard Hughes Medical Institute est la première source de financement privé aux ÉtatsUnis pour la recherche bio-académique médicale.

Capital risque et capacité d’innovation 

Les start-ups, les biotechs, aux États-Unis, peuvent compter sur un large marché de capital-risque qui en Europe est segmenté et d’une taille bien plus faible. En moyenne, ces dernières années, le capital-risque a atteint plus de 70 milliards de dollars aux États-Unis contre 700 millions de dollars en France. Les entreprises à forte capacité d’innovation bénéficient, de la part des fonds de capital-risque, en moyenne par an de plus de 5 milliards de dollars de capitaux quand en France, le montant dépasse à peine 400 millions. 

Aux États-Unis, le capital risque est une véritable industrie qui a pour objectif d’orienter l’épargne vers l’innovation. Cette pratique est née dans la région de Boston, cœur de la recherche américaine avec la présence de nombreuses grandes écoles, dès les années 1920.

Un Francais expatrié qui change le monde

Le capital-risque a été imaginé par un Français, Georges Doriot, professeur de management à Boston. Le Wall Street Journal considère qu’il figure parmi les dix personnalités qui ont changé le monde des entrepreneurs. En France, il est à l’origine de la création de l’ INSEAD à Fontainebleau, en 1957, avec Claude Janssen et Olivier Giscard d’Estaing.

Aux États-Unis, le marché financier dispose d’une large profondeur avec des acteurs complémentaires. Les investisseurs institutionnels prennent assez facilement le relais des capital-risqueurs quand l’entreprise devient une société cotée en bourse. Les investisseurs institutionnels, banques, assureurs, fonds de pension, sont devenus les principaux actionnaires en détenant plus de 60 % des actions en 2015, contre 10 % en 1970. En 2018, les institutionnels ont financé à hauteur de 54 milliards de dollars de  jeunes entreprises innovantes aux États-Unis, contre 665 millions de dollars pour leurs homologues français, soit 84 fois moins quand l’écart de population est de 1 à 5. 

Contrairement à quelques idées reçues, la présence d’un investisseur institutionnel joue favorablement au niveau de l’innovation (étude Aghion, Reenen et Zingales de 2013). Cette présence sécurise l’entreprise et permet de faire face à un éventuel échec.

Le rôle des fonds de pension et de la fiscalité 

Les États-Unis ont un avantage comparatif élevé par rapport à la France en raison d’un grand nombre de fonds de pension. Ces derniers gèrent les cotisations de leurs membres sur la durée et sont, en règle générale, des investisseurs stables à la recherche d’un rendement constant et, si possible, élevé. Pour encourager la recherche, les États ont institué des dispositifs fiscaux. 

En France, le crédit d’impôt recherche (CIR) constitue une aide importante, régulièrement décriée en raison de son coût élevé (6 milliards d’euros par an). Le CIR place la France parmi les États aidant fiscalement le plus à la recherche. Créé en 1983, ce crédit d’impôt a été modifié à plusieurs reprises, la dernière datant de 2020, sachant que sa dernière grande réforme date de 2008. Ce crédit d’impôt soutient essentiellement la recherche des grandes entreprises contrairement à celui en vigueur au Royaume-Uni. En France, il est jugé offrir un effet d’aubaine à des entreprises qui auraient de toute façon réalisé des dépenses de recherche.

L’Allemagne qui n’a pas de crédit d’impôt recherche peut s’enorgueillir de bénéficier d’une recherche privée 40 % plus importante que celle de la France.

Les chercheurs s’expatrient 

Notre pays est confronté à un déficit de chercheurs. Les parcours universitaires étant peu valorisés, le nombre de cadres d’entreprise détenteurs d’un doctorat est bien moindre que dans des pays comme l’Allemagne ou la Chine. Les chercheurs français sont moins bien payés qu’aux États-Unis ou en Allemagne d’où de nombreuses expatriations. L’amélioration de l’attractivité de la France passe avant tout par une revalorisation des études et des métiers scientifiques. Le salaire d’un doctorant avoisine 1 500 euros par mois en France. Les chercheurs au CNRS sont rémunérés entre 2000 et 4000 euros. Dans le secteur privé, les chercheurs gagnent aux États-Unis en moyenne 160 000 dollars par an, contre 80 000 en France. Cette attractivité passe également par l’instauration de fonds européen dévolus au capital-risque ainsi par le développement de véritables fonds de pension européens. 

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