Il est possible de vaincre la misère en ce monde. En 1950, 60% de l’humanité vivait avec moins de 2.15$ par jour, seuil retenu de l’extrême pauvreté. En 1990, 40%. Un progrès considérable, d’autant plus remarquable que la population passait de 5.2 milliards à 7.8 en 2020. En 2019, plus d’un milliard de personnes échappaient à l’extrême pauvreté. Restait 8% de la population en dessous de ce seuil.
Hélas, avec la pandémie, la rupture des circuits de distribution, la chute de la croissance mondiale, 70 millions de personnes sont retombées sous ce seuil, ce qui, derrière les statistiques, signifie la misère et la faim. Il s’agit de la plus forte augmentation en un an depuis 1990 et le début du suivi des chiffres de la pauvreté dans le monde. En tout, la Banque mondiale, dans son dernier rapport sur la pauvreté dans le monde, évalue à 720 millions de personnes le nombre de ceux qui vivent avec moins de 2.15$ par jour fin 2020.
La réduction de la pauvreté dans le monde a été stoppée. On sait comment y remédier.
La mauvaise nouvelle est donc que la tendance à la réduction de la pauvreté dans le monde a été stoppée. La bonne nouvelle est que l’on sait comment y remédier : la reprise de la croissance et du commerce mondial ont permis de réduire la pauvreté dès que les circuits économiques se sont rétablis. 685 millions de personnes vivront avec moins de 2.15$ par jour à la fin de l’année selon la Banque mondiale. La réduction de l’extrême pauvreté se poursuit, à un rythme plus lent. L’objectif d’éliminer l’extrême pauvreté dans le monde d’ici à 2030 ne sera donc pas atteint.
La pandémie a porté un coup rude à la guerre à la misère. La guerre en Ukraine a porté un nouveau coup avec les brusques hausses des coûts de l’énergie et des denrées alimentaires. En fait, ce n’est pas la maladie qui a frappé, mais les réponses politiques face à l’épidémie, qui ont été, notamment dans les pays riches, de mettre les économies à l’arrêt.
« Les progrès accomplis dans la réduction de l’extrême pauvreté ont été stoppés en même temps que la croissance économique mondiale marquait le pas, souligne le président de la Banque mondiale David Malpass. Il faut s’alarmer de la montée de l’extrême pauvreté et du déclin de la prospérité partagée qu’entraînent l’inflation, les dépréciations monétaires et plus généralement les multiples crises auxquelles est confronté le développement. Il est indispensable d’apporter des ajustements aux politiques macroéconomiques afin d’améliorer l’allocation des capitaux mondiaux, de favoriser la stabilité des monnaies, de réduire l’inflation et de relancer la croissance des revenus médians. Sinon les choses resteront ce qu’elles sont, avec une croissance mondiale au ralenti, des taux d’intérêt plus élevés, une plus grande aversion au risque et des situations de fragilité dans de nombreux pays en développement. »
L’adoption de mesures budgétaires vigoureuses a permis de réduire l’impact de la pandémie sur la pauvreté. Selon la banque mondiale, sans ce soutien, le taux de pauvreté moyen dans les économies en développement aurait été supérieur de 2,4 %.
La mondialisation égalise les richesses à travers le monde, son interruption les accroit.
Dans les pays développés, les politiques budgétaires (en France, le « quoi qu’il en coûte »), ont compensé la perte de revenus. 17.000 milliards de dollars ont été dépensés en ce sens, soit 20% du PIB mondial. Mais principalement dans les pays qui avaient les moyens de le faire, par l’endettement.
Aussi les inégalités entre riches et pauvres du monde se sont creusées. Alors que depuis 1990, l’indice des inégalités dans le monde (mesuré par le fameux coefficient de Gini) a chuté comme jamais dans l’Histoire, il est remonté avec la pandémie.
Encore une idée reçue : c’est la mondialisation capitaliste qui égalise les richesses à travers le monde, son interruption qui les accroit (une évidence pour peu qu’on y réfléchisse deux minutes).
Concentrer les aides plutôt que dispenser des subventions.
A regarder de près les politiques budgétaires, les politiques de subventions n’ont pas été les plus efficaces dans la lutte contre la pauvreté, parce qu’elles bénéficient à ceux qui consomment le plus, c’est-à-dire les catégories les plus aisées. C’est très clair pour les subventions à l’énergie. Selon la Banque mondiale, 50% de celles-ci vont aux 20% les plus riches. Alors que 60% des allocations ciblées vont aux 40% les plus pauvres. Les aides ciblées sont donc bien plus efficaces, et moins coûteuses. La Banque mondiale en conclut que dans la lutte contre la pauvreté, il faut éviter les subventions et concentrer les aides sur les citoyens les plus vulnérables.
Autre recommandation : investir dans l’éducation. L’épidémie a interrompu l’enseignement scolaire dans de très nombreux pays. Or l’investissement dans l’éducation a des effets bénéfiques à long terme, toute une vie. Et son absence aussi…
Un milliard de jeunes ont subi l’interruption de leurs études.
Les pertes économiques provoquées par la pandémie ont eu un effet mesurable de plusieurs années, au moins quatre à cinq années de retard. Elles ont aussi eu un effet négatif pour l’éducation des enfants par l’interruption des classes. Selon l’Organisation internationale du travail, plus d’un milliard de jeunes ont subi une interruption de leurs études ou de leur formation.
La fermeture prolongée des écoles a entraîné chez les élèves des pertes d’apprentissage massives. La proportion d’enfants étant incapables de lire et comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans atteint aujourd’hui 70 % dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Les pertes d’emplois chez les jeunes auront par ailleurs des effets néfastes tenaces sur la productivité des générations actuelles et futures.
Ces baisses de niveau scolaire entraîneront probablement des répercussions durables sur l’avenir des jeunes générations et des conséquences coûteuses pour la croissance et la promotion de la prospérité entre et au sein des pays.
Celui-là aurait dû conduire à un rattrapage parce qu’il n’est pas mécanique.
L’Afrique subsaharienne concentre 60% de l’extrême pauvreté dans le monde.
L’extrême pauvreté est concentrée dans les régions du monde où elle sera la plus difficile à éliminer — en Afrique subsaharienne, dans les régions touchées par des conflits et dans les zones rurales.
L’Afrique subsaharienne abrite aujourd’hui 60 % des individus en situation d’extrême pauvreté dans le monde, soit 389 millions de personnes. Elle possède le taux de pauvreté le plus élevé du monde, à environ 35 %.
Pour parvenir à mettre fin à la pauvreté à l’horizon 2030, tous les pays de la région devraient maintenir un taux de croissance du PIB par habitant de 9 % par an pendant le reste de la décennie, ce qui parait impossible, sachant que leur PIB par habitant a augmenté de 1,2 % en moyenne au cours de la décennie précédant la pandémie.
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