Grand débat, petit débat, sortir du franco-français

Le grand débat, c’est fini. Tant mieux. Ou tant pis. Tant mieux parce qu’on entendait surtout un concert de plaintes et de fausse empathie, « Y a qu’à » et « faut qu’on » volant en escadrilles. On peut dire les Français malheureux, ils sont surtout déprimés. Ceux qui vivent à l’étranger peuvent constater qu’il y a aussi, en France, de quoi soutenir la comparaison avec d’autres.

Tant pis parce qu’il reste le goût d’une occasion perdue : celle de sortir du débat franco-français. Curieusement, dans un monde de plus en plus interdépendant, rien, ou presque rien, dans le débat comme dans les réponses de l’exécutif, ne s’insère dans les grands défis du monde. Age de la retraite, temps de travail, fiscalité, dépenses publiques, déficits, emploi, vieillissement, écologie, démocratie locale, démocratie sociale, quelle ignorance de ce qu’ont fait les autres pays, des risques (et chances) du monde à venir.

Les Pays-Bas et la Suède ont fait la réforme de leur sécurité sociale, les Allemands celle du travail, le l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne, celle des collectivités locales, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni celles de la dépense publique, la Suisse celle de la fonction publique, la Finlande, le Danemark, la Corée, celle de l’éducation : c’était il y a déjà quelques années, dix, quinze ans. Toutes ne sont pas parfaites. Beaucoup ont réussi.

Dix ans après la crise, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, même la Grèce ont retrouvé des couleurs. Nous conservons une fiscalité et des dépenses publiques record avec un taux de chômage anormalement excessif, devenu notre normalité. Comme si nous avions choisi le chômage pour les uns, l’ultra compétitivité pour les autres, la déprime pour tous, et le luxe d’ignorer, en bien ou en mal, ce qui s’accomplit dans le monde.

Qu’adviendrait-il en cas de crise, non pas des gilets jaunes, mais mondiale ? La France serait-elle prête ? La France peut-elle servir de modèle ? Bien sûr que non. L’image que donne la France ces derniers mois n’est pas celle d’un pays qui affronte l’avenir avec confiance, maîtrise et sérénité. Là est la responsabilité de l’exécutif, qui cède au mécano des ajustements comptables, aux facilités du verbe, au confort des postures, masques informes du manque d’audace, du manque d’autorité, du manque de vision à long terme.

Soit, Il ne faut pas être trop sévère avec notre pays. On doit pourtant l’être par rapport à nos capacités. On ne sortira d’une certaine médiocrité du débat politique – y compris sur l’immigration, qui est une question internationale- qu’avec un regard mondial. Où est le meilleur système éducatif, fiscal, judiciaire, démocratique ? Où sont les meilleures réponses dans le monde, au vieillissement, aux défis écologiques, à la démocratie locale ? Un regard plus lucide sur le monde et nous-mêmes,  nous conduirait à plus d’humilité – et sans doute de succès. Les Français qui vivent à l’étranger, qui parfois y réussissent, peuvent en témoigner.

La seule évocation de politique extérieure, lors des annonces présidentielles, fut la revendication de désaccords avec l’Allemagne. Comme si afficher ces désaccords et être minoritaire était un exploit. Il ne faudrait pas que l’amateurisme, si visible et si tragique en matière de sécurité, gagne aussi la politique étrangère et européenne.

Laurent Dominati

Editeur de lesfrancais.press

Ambassadeur, a. Député.

 

 

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