Gabon : la fin de la Françafrique ? - Le point sur la situation des Français sur place

Gabon : la fin de la Françafrique ? - Le point sur la situation des Français sur place

Ce mercredi aux alentours de 6h du matin, un groupe d’une douzaine de militaires a pris la parole à la télévision gabonaise. Ils ont annoncé leur volonté de mettre « fin au régime en place » dans le pays. Un coup d’État annoncé peu de temps après la proclamation d’un nouveau mandat pour Ali Bongo, membre d’une famille au pouvoir depuis 1967. 12 000 Français vivent sur place, sont-ils en danger alors que les frontières sont désormais fermées ?a

« Les frontières sont fermées jusqu’à nouvel ordre »

Un des militaires à la télévision gabonaise ce matin disant s’exprimer au nom d’un « Comité de transition et de restauration des institutions »

Une réélection contestée

La population gabonaise s’est rendue aux urnes le samedi 26 août pour élire le dirigeant du pays. Deux candidats ont récolté la majorité des scrutins, Ali Bongo, en place depuis 14 ans, a engrangé 64,27% des bulletins. Face à lui, l’opposant Albert Ondo Ossa, qui a obtenu 30,77% des suffrages. Les douze autres candidats ont signé des scores négligeables.

Ces résultats officiels ont été annoncés dans la nuit. Mais des doutes sur leur validité étaient déjà émis avant même la clôture des bureaux de vote. Ainsi, samedi déjà, Albert Ondo Ossa avait dénoncé des « fraudes orchestrées par le camp Bongo ». Lundi, ce même camp d’opposition avait demandé au président en place d’organiser une passation de pouvoir « sans effusion de sang » en avançant un résultat différent au scrutin. Ils n’ont cependant fourni aucune preuve pour étayer leur autre décompte.

Une demande qui était restée lettre morte, Ali Bongo ne voulant pas y répondre.

Un coup d’Etat soutenu par la population

Ce matin, dans les rues de Libreville, quelques heures après l’annonce du coup d’Etat, le général Brice Oligui Nguema, chef de la garde républicaine (GR), garde prétorienne du président déchu Ali Bongo Ondimba, a été porté en triomphe par des centaines de militaires quelques heures après un coup d’Etat, aux cris de « Oligui président », dans des images retransmises par la télévision d’Etat.

Ali Bongo et le général Brice Oligui Nguema lors d’une cérémonie en 2022

Tandis que le président officiel du Gabon Ali Bongo Ondimba était conduit en « en résidence surveillée » entouré de sa famille et de ses médecins. Par ailleurs, l’un de ses fils a été arrêté, notamment pour « haute trahison » par les militaires.

Pendant ce temps, la population, juste après l’annonce des militaires, est sortie, à pied ou en voiture, en criant : « C’est la libération ! » ou encore « Bongo dehors !« . Au son des klaxons, ils ont salué et applaudi des policiers en tenue anti-émeutes au visage masqué. Nous avons pu joindre Nathalie Mezo, Franco-gabonaise, chef d’entreprise, présidente du réseau « Femmes lève-toi » au Gabon. Comme beaucoup de Gabonais, elle s’interroge car « pour certains, ce coup d’Etat est effectivement une mise en scène, pour d’autres c’est réel.« . En effet, pour des factions politiques locales, le général Brice Oligui Nguema serait, lui-aussi à la solde de la France.

Les intérêts de la France en danger ?

Alors qu’Ali Bongo, dont la famille dirige cette nation d’Afrique centrale riche en pétrole depuis plus de 55 ans, est « en résidence surveillée »« la France condamne le coup d’État militaire qui est en cours au Gabon », a annoncé ce mercredi midi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, en indiquant que Paris « surveille avec beaucoup d’attention l’évolution de la situation ». La diplomatie française « réaffirme son souhait que le résultat de l’élection, lorsqu’il sera connu, puisse être respecté », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse à l’issue du Conseil des ministres.

Sur place, une première entreprise française a déjà tiré les conséquences de ce putsch. « Suite aux derniers événements en cours », le groupe minier Eramet – qui emploie 8 000 personnes, majoritairement gabonaises – a « mis à l’arrêt » ses activités et « suit » la situation pour « protéger la sécurité de (son) personnel et l’intégrité de (ses) installations ».

81 grandes entreprises françaises

Historiquement, depuis l’indépendance de 1960 après la période de colonisation française (1839-1960), le Gabon – considéré comme l’un des symboles de la Françafrique – et la France restent des pays amis qui entretiennent des échanges étroits. L’Hexagone constitue ainsi le principal partenaire économique du pays. Avec près de 30 % de parts de marché, elle est son premier fournisseur, devant le Belgique et la Chine.

Les entreprises françaises y sont ainsi très implantées, au nombre de 81 selon la dernière liste publiée en juin 2022 par l’ambassade de France au Gabon. Parmi elles, Air France, Eiffage, JC Decaux, Rougier, RFI, CMA CGM et surtout TotalEnergies, qui est le principal producteur de pétrole du pays.

 » A l’exception de la banque, tous les secteurs de l’économie gabonaise comptent un acteur français (filiale ou entreprise détenue par un Français installé au Gabon), très souvent leader. Jusqu’en 2007, le Gabon était le principal destinataire des investissements directs à l’étranger (IDE) français dans la zone, grâce aux importants investissements des groupes pétroliers « .

L’ambassadeur de France au Gabon, Alexis Lamek, en 2022, dans une interview pour Les Échos

La communauté française

En 2022, 7 379 Français étaient inscrits au registre consulaire gabonais des Français résidant à l’étranger, dont une écrasante majorité vit dans la capitale, Libreville (700 000 habitants). Ce nombre décroît avec les années, puisqu’il était par exemple de 10 600 en 2016.

Pour le coup d’État militaire en cours, l’ambassade de France au Gabon invite pour le moment ses ressortissants à « rester à son domicile » et communique un numéro d’urgence.

La page dédiée aux expatrié(e)s au Gabon sur Facebook, suivie par la grande majorité des Français inscrits au registre consulaire informe nos compatriotes sur place en temps réel.

Au moment où on écrit ses lignes, l’ambiance est plutôt à la sérénité. Peu d’observateurs parient sur un enflamment de la situation. Pour les plus avertis, ce n’est qu’une « révolution de palais » et les intérêts de notre pays comme la sécurité de ses citoyens ne sont pas remis en cause. Espérons-le, sinon un bloc anti-France pourrait se constituer en Afrique avec le Niger et le Burkina-Faso.

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