Faut-il relancer l’économie de la zone euro ?

Avec le ralentissement économique au sein de la zone euro, de nombreuses voix s’élèvent en faveur de la mise en œuvre d’une politique de relance qui concernerait en premier lieu l’Allemagne. Ce pays ayant d’abondants excédents extérieurs et intérieurs, disposerait de marges de manœuvre suffisantes pour accroître sa demande intérieure.

La demande intérieure serait entravée en zone euro par la faiblesse des rémunérations et par le sous-emploi. Certains mettent l’accent sur le fait que la France bénéficie d’un taux de croissance plus élevé que ses partenaires grâce au plan de soutien du pouvoir d’achat décidé par le Président de la République après la crise des « gilets jaunes ». Cette affirmation peut être relativisée. Une partie non négligeable des gains de pouvoir achat ont été épargnés. Si la France est résiliente au ralentissement en cours, elle le doit au caractère plus tertiaire de son économie qui est, de ce fait, moins exposée aux variations du commerce international.

Les politiques monétaires montreraient leurs limites en étant incapables de relancer l’inflation et d’assurer une croissance pérenne. Il est certainement trop demandé aux politiques monétaires. Il est assez étonnant de constater que, tout en étant contestées, celles-ci sont jugées incontournables dès la manifestation des premiers signes de ralentissement économique. Au cours de l’été, devant la multiplication des pressions politiques et médiatiques, les banques centrales européenne et américaine se sont senties obligées de baisser leurs taux directeurs.

La pression semble aujourd’hui se tourner vers la politique budgétaire. Avec des taux d’intérêt bas, les États auraient des possibilités accrues pour dépenser en s’endettant. Avec un déficit public revenu en dessous de 1 % du PIB au sein de la zone euro, les États membres pourraient désormais opter pour une politique d’augmentation des dépenses. Ce relâchement vaut avant tout pour l’Allemagne qui a dégagé un excédent budgétaire de 2 % du PIB ces dernières années et dont la dette publique est revenue autour de la cible des 60 % du PIB.

Le recours à la relance budgétaire est-il justifié ? Quel serait son effet sur la croissance ?

La montée des inégalités au sein de plusieurs États membres inciterait les États à tenter de les corriger en jouant sur le volet des prestations sociales. Les inégalités ont augmenté en Allemagne et dans certains pays d’Europe du Nord.

Les populations des États membres, en particulier en France ou en Italie, réclament une réelle augmentation du pouvoir d’achat. Ce dernier a stagné voire diminué pour certaines catégories sociales. Le sentiment de précarité s’est diffusé et cela au-delà même des publics concernés. Il est ainsi admis que les contrats à durée déterminée sont devenus la règle même si, dans les faits, leur progression sur une longue période est assez limitée. Dans des pays comme la France ou l’Italie, le problème semble venir du rapport au travail. Pour les 20 % des Français les plus modestes, près de la moitié des revenus proviennent des prestations sociales. Dans les pays latins, le chômage est très concentré sur certaines parties du territoire et chez les jeunes de moins de 30 ans. L’augmentation du coût du logement dans les grandes métropoles et de celui des transports est un facteur de mécontentement social important.

La demande de protection tend à s’accroître dans tous les pays européens et se traduit par une aversion croissante aux risques. La demande sociale que ce soit en santé ou en retraite augmente. Cette situation n’est pas sans poser le problème de crédibilité d’une éventuelle politique de relance. Les messages sont en effet contradictoires. D’un côté, il est demandé des efforts pour assurer l’équilibre des comptes sociaux, de l’autre qu’il est possible de dépenser plus pour soutenir le pouvoir d’achat et la demande intérieure.

Même si la zone euro affiche un excédent extérieur, ce qui révèle normalement une insuffisance de demande, le taux de chômage de la zone euro est proche du taux de chômage structurel. Les marges de manœuvre sont donc limitées. La relance se traduirait par un accroissement des importations et non pas par une augmentation de la production.

L’amélioration du pouvoir d’achat des ménages à travers une baisse des impôts ou une hausse des prestations sociales pourrait s’accompagner par une progression du taux d’épargne. Par crainte du caractère temporaire de ce surcroît de revenus, les ménages pourraient non pas augmenter leurs dépenses de consommation mais renforcer leur l’épargne de précaution.

Dans ces conditions, une relance jouant sur la demande aurait des résultats incertains. Il apparaît évident qu’il serait préférable de jouer sur l’offre mais une telle politique est électoralement moins séduisante. L’objectif serait de redresser la croissance potentielle, en augmentant le taux d’emploi et en améliorant la productivité du travail.

Certains pays dont la France, l’Italie ou l’Espagne pourraient accroître de manière substantielle leur taux d’emploi, ce qui suppose un effort de formation en amont. Ces pays devraient engager des programmes de réduction de leur chômage structurel. Par nature, les gains ne se feront sentir que sur le long terme. Il en est de même en matière de productivité. Celle-ci augmente, au sein de la zone euro, de moins de 0,5 % par an depuis la fin de l’année 2018 contre 1 % sur longue période (productivité par tête). Cette productivité est érodée par la polarisation des emplois et la tertiarisation de l’économie.

Avec la digitalisation et la robotisation, des emplois occupés par les classes moyennes sont remplacés par de nombreux emplois à faible valeur ajoutée et par quelques emplois à très forte qualification. De son côté, le secteur des services offre, par nature, moins de gains de productivité que l’industrie. Une montée en gamme de la production avec une spécialisation plus poussée en matière économique en privilégiant les secteurs de pointe devrait être recherchée.

Un plan de relance devrait donc être avant tout axée sur la formation, les infrastructures, et la recherche. Par ailleurs, il faudrait éviter l’éparpillement des crédits sur un grand nombre de projets et de régions comme cela a été trop souvent le cas ces dernières années.

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