Faut-il écouter les oiseaux de mauvais augure ?

Faut-il écouter les oiseaux de mauvais augure ?

L’augmentation du prix de l’énergie, des matières premières et des produits agricoles provoque un important transfert au profit des pays producteurs. En quelques semaines, le cours du baril de pétrole est passé de 60 à 118 dollars. Compte tenu d’un niveau de consommation proche de 100 millions de barils jour, le transfert annuel atteint, au niveau mondial, la somme de plus de 2 000 milliards de dollars, soit presque le PIB de la France.

L’interventionnisme des pouvoirs publics se renforce de crise en crise

Aujourd’hui, l’augmentation de l’énergie n’est pas la seule à toucher les entreprises et les ménages. Elle est complétée par celle des matières premières, des produits agricoles et de nombreux biens intermédiaires comme les microprocesseurs. En 1973, lors du premier choc pétrolier, les pouvoirs publics français avaient imposé aux entreprises de prendre à leur charge, sous forme de prélèvements et d’augmentations salariales, une grande partie des conséquences de l’augmentation des prix. Ce choix avait contribué à une dégradation de la compétitivité du pays et retardé sa modernisation. Quarante ans plus tard, ce ne sont plus les entreprises qui sont mises à contribution mais l’État appelé à compenser les hausses de prix.

En France, l’interventionnisme des pouvoirs publics se renforce de crise en crise. Les dépenses publiques s’élevaient ainsi à 59 % du PIB en 2021, contre 46 % du PIB en 1980, montant qui avait amené certains à qualifier à l’époque, la France d’État socialiste voire collectiviste. Les dépenses sociales sont, de leur côté, passées de 24 à 34 % du PIB sur la même période. Du fait d’une croissance qui s’érode au fil des années, la progression des dépenses publiques s’est accompagnée de celle du déficit public et de la dette publique. Depuis 1973, la France n’a plus connu d’excédent public. Fin 2021, la dette représentait 113 % du PIB contre 21 % en 1980. Il en résulte des besoins de financement croissants de l’État. Ceux-ci devraient s’élever, en 2022, à 300 milliards d’euros. Cette somme permet de couvrir le montant du déficit public, le remboursement du capital des emprunts souscrits dans le passé et le financement de la trésorerie courante.

La dette est, de fait, perpétuelle, mais pas gratuite

La dette est, dans les faits, perpétuelle, les pouvoirs publics empruntant pour s’acquitter des tombées d’emprunt. Les épargnants français et étrangers ainsi que la Banque centrale sont amenés à financer de plus en plus les dépenses publiques qui ne sont pas financées par les prélèvements obligatoires, ces derniers atteignant pourtant déjà plus de 44 % du PIB.

Ces dernières années, les taux d’intérêts nuls voire négatifs donnaient l’illusion d’une dette gratuite. Certains affirmaient que l’État avait tout avantage à s’endetter car l’argent était donné. D’autres estimaient que le financement par la banque centrale ne posait aucun problème en raison de l’absence de l’inflation. Or, en économie, rien n’est jamais définitif. Tout est mouvement. Avec la résurgence de l’inflation, les taux d’intérêt sont orientés à la hausse. Les emprunts souscrits hier à taux négatifs seront demain resouscrits à des taux plus élevés tout comme les déficits à venir, car nul n’imagine à court ou moyen terme leur disparition.

Manifestation de « Gilets jaunes » à Paris – © Eric Pothier

Nul n’ose évoquer la proximité du mur du financement

Le service de la dette de l’État qui était de 40 milliards d’euros en 2022 et regroupe les crédits affectés au paiement des emprunts, a diminué ces vingt dernières années malgré l’envolée de l’endettement. Cependant, il devrait à nouveau augmenter à l’avenir. Avec une hausse de 2 points, la facture pourrait presque doubler au bout de trois ans. En cas d’absence de croissance susceptible de procurer un surcroît de recettes publiques, un risque d’emballement de la dette publique n’est pas impossible, sauf à réduire drastiquement les dépenses.

Pour le moment, nul n’ose évoquer la proximité du mur du financement, la rémanence des taux bas étant encore prégnante. Les pouvoirs publics craignent également la multiplication des mouvements sociaux et préfèrent éteindre les incendies au jour le jour. Cette politique de soutien inconditionnel, qui s’amplifie de crise en crise, ne semble pas pouvoir s’achever, étant déjà à l’œuvre depuis cinquante ans.

Les oiseaux de mauvais augure qui annoncent qu’elle mène tout droit à la faillite ont été contredits par les faits et n’ont plus guère le droit au chapitre même si la donne a changé. N’étant plus entendus et encore moins écoutés, la menace d’une crise des financements prend tout son relief.

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