En cette fin d’année politiquement agitée, c’est l’heure des bilans et autres baromètres. Dans l’hexagone mais aussi aux quatre coins du monde, pour les Français vivant à l’étranger. Au sujet de ce qui préoccupe ces derniers, les baromètres respectifs de l’ADFE et d’Expat Communication, restitués la semaine dernière, ont permis de se faire une idée.
Des inscriptions en hausse au registre des Français de l’étranger
Ce mercredi 11 décembre, les salons du Quai d’Orsay, accueillaient à nouveau la présentation du baromètre d’Expat communication, pour l’année 2024. En ouverture, François Penguilly, chef du service des Français à l’étranger, au sein du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), salue cet événement, comme “un moment unique d’échange avec l’ensemble des représentants de l’écosystème de la mobilité internationale”. Il mentionne le décompte, au 30 novembre 2024, de 1 742 029 Français inscrits sur le registre des Français établis hors de France. Un chiffre “partiel” mais qui selon lui, confirme “un rebond que l’on observe de la communauté française à l’étranger, depuis la fin de la crise sanitaire du Covid-19”. Et en profite pour mentionner un autre questionnaire, qui a mesuré un taux de satisfaction global de 89% en moyenne, chez les usagers des services consulaires.
Zoom sur le moral des Français de l’étranger
Il se félicite d’ailleurs d’un “moral en hausse” des expatriés, mesuré par le baromètre d’Expat Communication. Sous la houlette d’Alix Carnot et de Stéphanie Merlant – à la tête de ce cabinet d’accompagnement à la mobilité internationale – le questionnaire a ainsi mesuré une légère hausse de leur moral, de l’ordre de trois points. Alix Carnot explique que cette année, le baromètre s’est focalisé plus particulièrement sur les notions de “bénéfices et sacrifices” de l’expatriation, mais aussi sur les femmes. Et bien que l’écart se soit réduit, leur moral est à nouveau moins bon que celui des hommes. Un résultat qui, indique Alix Carnot, peut s’expliquer par la plus grande insécurité professionnelle dans laquelle elles sont.
Ainsi, selon les réponses du baromètre d’Expat Communication, 64% des femmes travaillent en expatriation contre 75% des hommes. Un différentiel hommes-femmes similaire à celui qu’on peut retrouver dans le baromètre de l’ADFE, qui fait état de 5,1% des femmes qui sont sans emploi, contre 1,7 seulement chez les hommes. Expat communication apporte également des éléments sur une inégalité salariale au détriment des femmes, de l’ordre de quatre points d’écart.
Des expatriés intéressés par la vie politique
C’est au Sénat, salle Médicis, que l’ADFE (Association démocratique des français à l’étranger-Français du Monde) s’était donnée rendez-vous, samedi 14 décembre, pour présenter les résultats de son troisième baromètre des Français de l’étranger, basé sur un échantillon de 22 588 répondants.
Alors qu’Expat communication a constaté, dans une enquête consacrée au quotidien, le vif intérêt de 54% des expatriés pour les élections législatives. Du côté du questionnaire de l’association Français du Monde, sur ce même registre de l’attachement à la chose politique, les répondants de l’ADFE sont 82,6% à considérer comme important leur attachement à la nationalité française. Mais sont 86,1% à avoir la même appréciation sur le fait de voter à l’élection présidentielle française. Parmi les choses auxquelles les expatriés accordent de la valeur, le baromètre mentionne aussi la culture française (86.5%) et la francophonie (74%). Toujours dans le domaine politique, les répondants à l’ADFE sont nombreux à connaître les conseillers français de l’étranger (87,2%) et leurs députées (83,4%), mais moins leur sénateurs (62,5%).
Une perception contrastée de la France
Le baromètre de l’ADFE restitue un tableau sévère de notre pays, puisqu’à la question de savoir quelle est leur perception de la France, seuls 30,3% des répondants ont une appréciation positive, les autres en ayant une neutre (25,3%), négative (30,7%) ou très négative (12,8%). L’ADFE les a également interrogés sur leurs préoccupations. Les quatre premiers sujets cités sont d’abord la retraite, puis la situation internationale, le dérèglement climatique et la situation économique. Sur le sujet de la retraite, le baromètre indique que “les Français de l’étranger interrogés craignent que leurs années de cotisation à l’étranger ne soient pas pleinement reconnues par le système de retraite français, ce qui pourrait réduire leurs droits à la retraite”. Sans compter que certains d’entre eux doivent cotiser à la fois dans leur pays de résidence, et en France. Le baromètre note que ces préoccupations sur la retraite sont les plus élevées au Royaume-Uni, et les plus basses en Suisse.
On peut aussi noter que dans le baromètre de l’ADFE, l’accès à une assurance médicale est une préoccupation pour 31,8% des répondants, et que cet intérêt décroît avec l’ancienneté de l’expatriation. D’autres résultats d’Expat Communication indiquent que lorsqu’on leur demande d’évaluer la générosité du système de sécurité sociale français, par rapport au système de santé local, 44% lui donnent la note de 5 sur 5. En matière de santé, le baromètre de l’ADFE montre que la moitié des répondants (47.5%) savent qu’il existe une caisse de sécurité sociale pour les Français de l’étranger (la Caisse des Français de l’étranger), mais qu’une proportion légèrement plus élevée (52.5%) ne le sait pas.
La formation et l’éducation, des sujets centraux
Dans les deux baromètres, la question de la formation et de l’éducation apparaît sous différents aspects. Pour les enfants des expatriés, à travers leurs accès à des écoles françaises homologuées. Le baromètre de l’ADFE recommande d’augmenter leur nombre, et d’assouplir les critères d’attribution des bourses scolaires. Quant aux parents, dans un contexte où « le modèle du salarié expatrié par une grande entreprise est devenu minoritaire », note le rapport, pour 46,1 % des répondants, la formation professionnelle locale est un sujet important.
Un autre sujet qui parlera à tout expatrié, et abordé dans les deux baromètres, c’est celui des barrières culturelles et leurs incidences plus ou moins inattendues, dans la vie professionnelle. Un thème qui, rapproché de celui de la reconnaissance des diplômes et qualifications dans le pays de résidence, amène le baromètre de l’ADFE à préconiser le renforcement des accords bilatéraux entre la France et les pays d’accueil, pour faciliter la reconnaissance des qualifications. Mais aussi le développement de programmes d’accompagnement spécifiques, incluant des formations continues et des cours de langue.
À travers deux prismes différents, l’ADFE et Expat communication ont une nouvelle fois montré la diversité des enjeux rencontrés par les Français de l’étranger. Et ce, jusqu’à l’éventuel retour : selon Expat communication, il est vécu comme un choix par 42% des répondants, mais pour 38%, comme une obligation. Ce qui explique peut-être en partie les difficultés d’intégration scolaire, vécues par 39% des enfants revenus de l’étranger !
Baromètre de l'ADFE
Auteur/Autrice
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Etienne Antelme est journaliste indépendant. Après un parcours de formation en sociologie, ses centres d'intérêt et son envie d'écrire l'ont amené vers le journalisme. Avec comme points d'ancrage principaux la culture, les multiples "mondes" du travail, ou encore l'économie sociale et solidaire, il écrit pour différents médias web et print.
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