Europe 2024, l’année clef !

Europe 2024, l’année clef !

Après l’épidémie de covid et après le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’Union européenne a, une fois de plus, prouvé son utilité. La remise en cause de l’euro trouve de moins en moins d’adeptes. Néanmoins, des voix se font à nouveau entendre pour souligner les faiblesses de l’Union que ce soit en matière de mobilité de capitaux, de politique industrielle ou de lutte contre les flux migratoires illégaux. 

Pour autant, les institutions européennes sont loin d’être passives sur ces terrains. Loin de présenter une stratégie unifiée, des politiques économiques communes ou coopératives, les pays de l’Union européenne présentent une fragmentation sur beaucoup de points : absence de mobilité des capitaux, absence de coopération industrielle, absence de stratégie commune pour la transition énergétique, absence d’Europe de la défense, des politiques migratoires divergentes, fragmentation des marchés financiers, en particulier des marchés de dette publique, absence d’harmonisation des systèmes de protection sociale et absence de stratégie budgétaire et vision à terme de l’Europe. 

Des divergences budgétaires

Face aux différentes crises auxquelles ont été confrontés les États membres, ces derniers diffèrent dans les réponses à apporter. Certains ont privilégié le soutien financier aux ménages et à l’activité quand d’autres ont préféré maintenir des politiques de rigueur budgétaire et de stabilité du taux d’endettement public. 

Entre 2020 et 2023, le taux d’endettement a fortement augmenté en Italie, en Espagne, en France, en Espagne et en Belgique. La progression de ce taux a été plus faible en Pologne, aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Autriche. Les premiers ont des taux d’endettement supérieurs à 100 % du PIB quand les seconds ont des taux inférieurs à 80 %. 

Des systèmes de protection sociale différents d’un État à l’autre

Aux États-Unis, les règles fiscales et sociales peuvent varier d’un État à un autre mais un socle commun existe. Au sein de l’Union européenne, les écarts en matière de protection sociale sont élevés entre les pays d’Europe de l’Est et ceux de l’Ouest. La portabilité des droits demeure imparfaite même en matière de retraite. Cette absence de socle commun nuit à la mobilité professionnelle et s’ajoute à la barrière des langues. 

Les dépenses de protection sociale s’élèvent à 15 % du PIB en Roumanie comme en Irlande, à 18 % en Pologne et à 34 % en France.

Europe 2024
©Dessinemoileconomie

La question du financement des déficits

Depuis la crise des dettes souveraines entre 2010 et 2013, la mobilité des capitaux entre les États membres s’est affaiblie. Les excédents extérieurs de l’Allemagne ou des Pays-Bas ne financent plus les pays ayant des déficits de leur balance des paiements courants. Ces derniers ont été contraints à éliminer ces déficits. La disparition des flux de capitaux au sein de l’Union témoigne d’une défiance du Nord vis-à-vis du Sud. 

Fragmentation des marchés financiers

À l’exception du plan « Next Generation » mis en œuvre après la pandémie de covid, l’Union européenne ou la zone euro n’émettent pas de titre de dettes réellement fédéral. L’encours de la dette émise par l’Union européenne est inférieur à 1 % du PIB de l’Union quand celui des États dépasse, en moyenne, 80 % du PIB. Cette situation nuit à la création d’un véritable marché financier européen. 

Par ailleurs, les dettes publiques des différents États sont de qualité diverse avec des écarts importants. Cette absence de dette fédérale explique que l’euro n’arrive pas à gagner des parts de marché, ces dernières années, face au dollar. 

Une concurrence de plus en plus forte en matière industrielle

Les institutions européennes ont placé au cœur de leur priorité la décarbonation et la réindustrialisation que ce soit dans le cadre du pacte vert pour l’Europe ou du plan « Next Generation ». Néanmoins, au lieu de mettre en place une réelle coopération, les États membres sont en concurrence pour les relocalisations industrielles. L’installation d’usines de microprocesseurs, de batteries électriques, de voitures électriques donne lieu à une surenchère qui pénalise les petits États et qui est coûteuse pour les finances publiques. Elle pourrait aboutir à terme à des surcapacités. 

L’absence de coordination est assez nette en ce qui concerne l’énergie. Certains États rejettent ainsi l’énergie nucléaire comme l’Allemagne quand d’autres comme la France la placent au cœur de leur stratégie énergétique. 

L’absence d’Europe de la défense

Si l’invasion de l’Ukraine par la Russie a créé une réelle émotion au sein de l’Union européenne avec l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, elle n’a pas permis de réelles avancées dans la construction d’une Europe de la défense. Les projets d’avions et de chars européens demeurent toujours aussi difficiles à aboutir. L’uniformisation des équipements demeure à réaliser. 17 programmes de véhicules blindés et sept de frégates sont en cours en Europe. De nombreux États préfèrent acheter aux États-Unis pour bénéficier de l’appui de ces derniers, jugés plus faibles que les États d’Europe de l’Ouest. 

La crise migratoire, l’Europe moins absente qu’il n’y paraît

L’Union européenne connaît depuis plusieurs années une hausse des arrivées irrégulières, ainsi que des demandes d’asile. Sur les onze premiers mois de l’année 2023, l’agence Frontex a enregistré plus de 355 000 traversées des frontières extérieures de l’UE, soit une hausse de 17 %. Les demandes d’asile pourraient quant à elles s’élever à plus d’un million d’ici la fin 2023, selon l’Agence de l’Union pour l’asile (EUAA). Les États d’Europe sont loin d’avoir les mêmes approches en matière d’immigration ce qui est source de tensions internes. 

Depuis une dizaine d’années, pour contrer le déclin démographique, l’Allemagne et l’Espagne font appel à l’immigration qui augmente de 1,5 % de la population totale chaque année quand en France ou en Italie, celle-ci progresse de moins de 0,5 %. Pour autant, le Parlement européen et les représentants des 27 États membres ont conclu, le mercredi 20 décembre dernier, un accord sur la réforme du système migratoire européen. 

Ce pacte sur la migration et l’asile vise à épauler les États qui sont en première ligne en matière d’immigration illégale. Il prévoit notamment un contrôle renforcé des arrivées de migrants dans l’Union, la création de centres fermés près des frontières pour renvoyer plus rapidement ceux qui n’ont pas droit à l’asile, et un mécanisme de solidarité obligatoire entre États membres. 

La réforme conserve la règle en vertu de laquelle le premier pays d’entrée dans l’UE d’un demandeur d’asile est responsable de son dossier, avec quelques aménagements cependant. Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d’asile, en les relocalisant sur leur territoire national ou en apportant un soutien financier au pays d’entrée. L’accord devrait être entériné prochainement par le Conseil européen. 

Ce pacte a soulevé l’hostilité de nombreuses organisations de défense des droits humains. Une cinquantaine d’entre elles s’était inquiétée de la remise en cause du droit d’asile. Des voix se font également entendre contre un cadre européen qui empêcherait les gouvernements nationaux de prendre des mesures plus restrictives en matière de flux migratoires. 

Des divisions politiques pernicieuses

La tentative d’Emmanuel Macron de relancer le projet européen en 2017 n’a pas débouché sur un projet concret, faute de consensus au sein de l’Union. Le référendum britannique sur l’appartenance à l’Union européenne le 23 juin 2016 a dans un premier temps solidarisé les 27 États membres, mais la refonte des institutions se fait attendre depuis le départ du Royaume-Uni le 31 janvier 2020. Les divergences entre certains d’Europe de l’Est comme la Hongrie ou la Bulgarie avec les membres fondateurs ont tendance à s’accroître. Le retour au pouvoir de Donald Tusk en Pologne se traduit par une orientation plus européenne de la Pologne qui avait opté, ces dernières années, pour une politique illibérale et eurosceptique. 

À l’ouest, les divergences entre l’Allemagne, la France et l’Italie sont de plus en plus marquées. La coalition allemande au pouvoir qui comprend le SPD, les Verts et le FDP peine à définir une véritable politique européenne. Même si la situation des finances publiques en France ou en Italie ne provoque, en Allemagne, plus de réactions aussi véhémentes que dans le passé, des inquiétudes se font jour en la matière. 

L’Allemagne s’est battue afin de réinstituer un pacte budgétaire aussi strict que possible. Le Chancelier Olaf Scholz a considéré que face à la montée des politiques industrielles protectionnistes mises en œuvre par les États, il était en droit de faire de même. Les autorités allemandes ont condamné les pratiques françaises de bonus/malus qui aboutissent à pénaliser les voitures allemandes. Ces dernières supportent des malus pouvant atteindre plus de 50 000 euros.

Les élections du Parlement européen au mois de juin 2024, une grande clarification ?

L’Italie qui a longtemps été favorable à un projet fédéral s’y oppose désormais. Le gouvernement de Giorgia Meloni estime que des avancées fédérales pourraient l’obliger à mettre en œuvre des politiques budgétaires restrictives. Le Parlement italien a ainsi rejeté le 21 décembre la réforme du mécanisme européen de stabilité (MES). Cette réforme du MES devait aboutir à la création d’un Fonds de résolution unique face aux défaillances bancaires avec, à la clef, une surveillance accrue des États. 

Si dans un premier temps, l’unité des 27 par rapport à l’invasion de l’Ukraine par la Russie a été réelle, des fissures apparaissent. Le Premier Ministre hongrois, Viktor Orbán, s’est récemment opposé à la poursuite de l’aide à l’Ukraine portant sur 50 milliards d’euros. La discussion de ce plan a été reportée au mois de janvier. Viktor Orbán demande des compensations pour approuver l’aide. Il souhaite en particulier la levée de plusieurs sanctions que la Commission de Bruxelles a prises à l’encontre de son pays pour non-respect de la réglementation européenne et des droits humains. 

Les élections du Parlement européen au mois de juin 2024 seront-elles l’occasion d’une grande clarification ? Ce n’est pas certain au vu des sondages qui prévoient une montée en puissance des eurosceptiques. Un axe associant l’Espagne, la France, la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, le Danemark et la Pologne pourrait néanmoins élaborer des solutions pour relancer la construction européenne.

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