Eric Remus : un expat qui voyage entre vins et livres

Eric Remus : un expat qui voyage entre vins et livres

Aujourd’hui nous échangeons avec Eric Remus auteur d’un roman à suspense qui ravira les amateurs de bons vins et de bonne chère.

« Irouléguy mon amour  : itinéraire d’un sommelier» (Editions Persée)  conte l’histoire de Victor Soubéran, un sommelier confronté à un redoutable adversaire qui va échafauder chausses-trappes et malveillances pour nuire à la carrière de ce talentueux représentant d’une oenologie cultivée et de haut-vol . De son école de formation bourguignonne aux restaurants étoilés de New-York en passant par les terroirs du Bordelais et les chais des domaines du nouveau-monde, le personnage d’Eric Rémus possède un palet extraordinaire et nous entraîne dans des dégustations de vins époustouflantes.

« J’ai été le propriétaire d’un domaine viticole pendant douze ans. Dans ce livre, il y a un élément de passion »

Eric Remus

(Re)Découvrir le terroir français

Le roman est aussi le prétexte à la redécouverte du terroir français au sein du monde authentique des producteurs de grands vins. Il est parsemé de notices  de dégustation et d’éléments historiques qui en font un excellent livre pédagogique pour celles et ceux qui veulent découvrir ou approfondir leur connaissance de la sommellerie. La narration est bâtie autour d’une intrigue toute en finesse et en rebondissements. Un livre à découvrir cet été en terrasse, sur la plage, ou un verre de bon vin à la main.

Boris Faure : Eric Rémus, vous venez de publier en mars ce roman qui est votre deuxième livre. Votre personnage principal vit et travaille en partie à l’étranger même s’il s’inscrit aussi dans le terroir français. Vous avez également connu une expérience d’expatriation et avez travaillé à l’international. Vous considérez-vous comme un expatrié ?

Eric Remus : Je ne peux pas me qualifier d’expatrié mais j’ai fait mon service de coopération à New-York. Je travaillais pour la Direction des relations extérieures (DRE) rattachée aux affaires étrangères. J’exerçais plus précisément auprès  des Nations Unies. Cette expérience de coopération a duré 14 mois. Puis j’ai enchainé sur un NBA pour un total de deux ans de séjour new-yorkais.

Boris Faure : Ce roman a un rapport avec votre vie professionnelle, n’est-ce-pas ?

Eric Remus : Oui, mais je voulais une histoire qui se tienne comme un roman. Après douze ans d’expérience viticole je souhaitais traiter des métiers que j’ai pu découvrir et notamment la sommellerie ou les métiers de la gastronomie et du négoce. Sans tomber dans le didactisme. Toute ma vie internationale s’est déroulée dans un univers anglo-saxon dans le domaine bancaire puis dans le courtage d’assurance. C’est ma troisième vie qui a débuté en 2007 avec l’achat de vignes puis la gestion d’un domaine qui a inspiré ce livre.

Boris Faure : Le personnage principal s’appelle Victor Soubéran, on pense au nom de famille des méchants chez Pagnol. pourquoi ce patronyme ?

Eric Remus : C’est une référence à ma famille maternelle qui vient d’Ardèche. C’est un clin d’oeil. 

Une immersion dans l’univers viticole

Boris Faure : Le livre débute par une scène époustouflante lors du Tsunami. Du vécu ?

Eric Remus : Non. Mais quand on se met en recherche d’un domaine viticole à acheter en 2006, un des vendeurs potentiels avait  perdu sa petite fille dans le tsunami. J’avais trouvé l’échange avec cette famille bouleversant. J’ai donc utilisé cet épisode dans des conditions différentes

Boris Faure : Avec l’achat et la gestion du Château Edmus vous entrez de plein pied dans l’univers viticole.

Eric Remus : Oui, j’ai été le propriétaire et le gérant de ce domaine viticole pendant 12 ans. J’ai suivi les choses de près, en touchant à toutes les professions connexes. Pour les connaissances en sommellerie développées dans le livre, j’ai dû faire des recherches complémentaires que j’ai pu absorber facilement de part cette activité antérieure qui me donnait les clés de compréhension principales du métier. Dans le livre, il y a donc un élément de passion et un élément de bachotage. Etre Viticulteur à Saint-Émilion, c’est découvrir la magie du vin et autour du vin. Mes recherches m’ont fait voyager vers d’autres terroirs et amené jusqu’aux vins du nouveau monde.

Dans ce livre il y a 80% de choses vécues mais pas toutes nécessairement par moi.

Boris Faure : Vous avez écrit ce livre à quelle occasion ?

Eric Remus : J’avais ce projet depuis deux ou trois ans, mais je l’ai réalisé vers la fin février l’année dernière. Ce n’était pas un projet lié au confinement mais ce dernier est arrivé pour réguler mon organisation de travail. Par exemple l’heure de sortie autorisée m’offrait une heure d’oxygénation et de promenade en fin de matinée qui me permettait chaque fois de revenir avec une idée nouvelle, une situation à travailler. L’idée par exemple du collectionneur d’étiquettes vient d’une de ces promenades (le grand-père du personnage principal collectionne les étiquettes de bouteille et l’initie ainsi à la découverte du vin).

Cuisines et vins

Boris Faure : Le livre retrace le parcours initiatique de Victor à travers ces études de sommellerie puis un passage en cuisine. Il y a une ressemblance avec votre enfance ou vos études ?

Eric Remus : Le parcours de Sommellerie correspond à des études techniques. J’ai fait Science-Po, ce qui est différent. Mais j’ai eu, comme Victor,  une adolescence chahutée. Ses études vont cependant révéler ses qualités de fond peu à peu. Comme pour mon personnage mon adolescence est une longue chute jusqu’au Bac. A quelques semaines de l’épreuve je me suis remis à travailler. Puis j’ai pu enchainer sur Sc Po. Pour me documenter sur le métier, j’ai fait notamment appel au fils d’un ami qui termine ses études dans la prestigieuse école de cuisine Ferrandi. C’est lui qui m’a parlé du livre de cuisine de référence de Michel Maincent que j’évoque dans le roman. Du coup, quand je décris un vin j’associe le plat servi avec. C’est une originalité du livre.

Boris Faure : Je vais vous poser une question classique pour un amateur de vin. Vous êtes plutôt Bourgogne ou Bordeaux ?

Eric Remus : Mon personnage semble connaitre beaucoup mieux les Bourgognes que les Bordeaux, pour moi c’est exactement l’inverse. Le Mentor de Victor qui se nomme Dominique Dangeville dans le livre a  une bonne connaissance des vins de Bourgogne et Victor a fait son école de formation à Dijon. Cependant sa première expérience dans un Chai se déroule à Fronsac dans le Bordelais. Je me suis servi de ma connaissance de la rive droite du bordelais (Saint-Emilion, Fronsac, Pomerol) à ce propos. Mais d’’un point de vue gustatif, en tant qu’amateur de vin, je suis assez éclectique en réalité.

Boris Faure : Et le nom du roman qui vient d’un vignoble du Sud-Ouest ?

Eric Remus : Irouléguy, ce titre me plaisait malgré une dimension régionale forte qui faisait d’ailleurs que certains  m’ont conseillé d’en changer. Mais j’aimais sa musicalité. Et cela renvoie évidemment à Duras et à Hiroshima mon amour.

Boris Faure : Vous évoquez de façon documentée les vins du Nouveau-Monde. Pouvez-vous m’en parler ?

Eric Remus : Je me suis en effet beaucoup documenté sur les caractéristiques de ces vins. Les domaines en Australie ou en Afrique du Sud sont d’Immenses propriétés avec plusieurs centaines d’hectares. Il y a des terroirs d’exception qui sont la vitrine de ces domaines, sur de très petites parcelles, et donc l’essentiel de ces propriétés concerne le vin plus grand public cultivé sur de grandes surfaces. Ce sont les terroirs d’exception qui sont les portes étendards de la propriété. 

Le héros du livre est poursuivi de l’animosité d’un fils de négociant puissant. Il a besoin de s’éloigner pour échapper à sa vindicte. Ce qui le fait aller en Nouvelle-Zélande (qui possède des cépages classiques comme le  Merlot ou le Chardonnay…). C’est une terre où il n’y a  pas de cépages autochtones contrairement à l’Afrique du Sud. 

Boris Faure : Un mot sur le concours de Sommellerie qui va être au centre de l’animosité tenace de Jean-Sébastien Malfroy, un redoutable adversaire pour notre héros. Comment vous en est venue l’idée ?

Eric Remus : Le monde du négoce et des collectionneurs de vin n’est pas exempt de fraudes et de manipulations. J’ai été inspiré de l’affaire de fraude de Rudy Kurniawan, un collectionneur réputé qui aurait vendu pour des millions de dollars de faux grands crus français. Il a dupé des centaines de négociants et sommeliers américains. J’ai donc imaginé dans ce monde du vin et de la sommellerie des fraudes, des arnaques et les choses se sont enchainées au fil de l’imagination pour dessiner cette rancoeur tenace entre Malfroy et Soubéran.

Boris Faure : Pourquoi autant de ténacité justement ?

Eric Remus : Je prive Malfroy de la seule récompense qu’aurait pu avoir son fils indépendamment de celles qu’auraient pu avoir son père.

Boris Faure : C’est un livre à suspense mais sans grande violence ?

Eric Remus : Ce n’est pas un livre sanguinolent, le suspense ne repose pas sur l’hémoglobine. On est parfois « au delà de la limite » avec cette courtisane qui met un somnifère dans le verre de Victor. Mais on reste dans le  domaine du possible. Je me suis inspiré de la façon de construire une intrigue de Douglas Kennedy. On a ainsi un personnage classique qui tombe de Charybde en Scylla. Je voulais  voir Victor s’enfoncer puis s’en sortir. 

Boris Faure : Comment vous est venue votre envie d’écrire ce livre à la base ?

Eric Remus : J’avais écrit un premier livre qui avait été publié en 1998 avec Didier Roustan (Bleus en Noir – Belfond). Pour écrire j’ai besoin d’un horizon de temps de plusieurs mois. J’ai toujours eu le goût de l’écriture même quand j’écrivais un rapport technique dans mon travail. Mais j’avais envie d’écrire sur le vin depuis longtemps. De manière indépendante du confinement, après avoir cédé mon domaine, j’ai eu du temps pour mener ce projet. 

Boris Faure : Vous avez éprouvé beaucoup de plaisir ?

Eric Remus : Dans l’écriture d’un livre il y a trois moments de satisfaction : Quand on met le mot fin dans le manuscrit, Quand on trouve un éditeur puis quand vient le succès littéraire.

Boris Faure : D’où vient votre goût de l’écriture ?

Eric Remus : Il y a un élément d’atavisme dans mon goût pour les lettres. Ma mère avait des qualités de plume assez exceptionnelles. Quand elle écrivait une lettre personnelle elle y mettait beaucoup de soin. C’est elle qui m’a appris à lire de façon précoce, et j’ai trouvé très vite un plaisir à écrire. Le plaisir de la lecture a permis de l’entretenir. J’ai aussi essayé de décortiquer les narrations, pour comprendre le squelette des livres de John Grisham, par exemple. Pour aller au delà du seul plaisir d’écrire, pour apprendre à construire une histoire. 

Boris Faure : Est ce que votre roman est un livre de plage alors que l’été approche ?

Eric Remus : Je le crois. Ça reste un livre assez léché. Il faut un intérêt pour le vin pour l’apprécier. Sans avoir besoin d’être un connaisseur. Même si on sait que c’est un connaisseur qui l’a écrit. Ça reste un livre léger. C’est un livre de loisir assumé. 

Boris Faure : Et si on devait le comparer à un vin ?

Eric Remus : Je dirais le Chateau Elmus. Qui a été mon domaine. Ce n’est pas un vin très connu. Mais cela a été mon vin. Et c’est mon livre.

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