Avec la banalisation de l’apprentissage à distance et le développement de nouvelles formes de mobilité, l’enseignement n’en finit plus de se numériser. Quand on est Français ou francophone et que l’on vit hors de France, l’accès à un lycée français n’est pas toujours simple. Que ce soit par choix en raison de sa ville d’implantation ou à cause de son coût d’accès, de nombreux parents inscrivent leurs enfants dans une école du système scolaire du pays où ils résident. Aussi, il existe des alternatives permettant d’offrir un enseignement complémentaire en français. Dans ce domaine aussi, la piste du numérique tisse peu à peu sa toile.
Les cours à distance face à l’évolution de la demande
Qu’il s’agisse d’entretenir sa pratique de la langue et de mieux connaître la culture française, de suivre un complément de formation ou un cursus complet, diverses plateformes ont adapté leur offre aux besoins des enfants d’expatriés. On peut commencer par citer l’organisme le plus connu, le CNED (Centre national d’enseignement à distance). Avec plus de 20 000 inscrits à l’international, il se targue d’être le premier opérateur de formation tout au long de la vie en Europe et dans le monde francophone. On peut aussi évoquer les plateformes Globeducate et Cours académiques de France, qui proposent de nombreux cours en ligne.
On ne s'expatrie plus à proximité d'un lycée français
Le lycée français en ligne (LyFEL) a fait sa première rentrée cette année. Ses cofondatrices, Valérie Sistac et Hélène Clamens, ont capitalisé sur leur carrière, menée à travers différents lycées français de l’étranger. La première comme documentaliste, et la seconde comme professeure de sciences économiques et sociales. De quoi engranger une large connaissance sur les différents systèmes scolaires existant à travers le monde, et mieux appréhender les spécificités du système français.
« Aujourd’hui, on ne s’expatrie plus comme on le faisait il y a quinze ans. On ne le fait plus à l’ombre d’un lycée français »
Valérie Sistac, co-fondatrice LyFEL
Une éducation française qui se distingue souvent par sa dimension « assez normée, c’est-à-dire avec beaucoup de méthodologies et de règles », explique Hélène Clamens. Valérie Sistac illustre le phénomène, en se rappelant sa propre expérience d’élève : « il m’arrivait de construire un raisonnement de mathématiques, d’arriver à un résultat qui était juste, et de ne pas réussir une épreuve, parce que je n’avais pas rédigé de la bonne façon ». Dans le même genre, elle évoque aussi les méthodes typiquement françaises que sont le commentaire composé, la dissertation ou l’analyse de textes.
Selon Valérie Sistac, le projet du LyFEL répond à une évolution des pratiques des expatriés : « aujourd’hui, on ne s’expatrie plus comme on le faisait il y a quinze ans. On ne le fait plus à l’ombre d’un lycée français, il y a maintenant des expatriés français partout dans le monde. Et les élèves francophones ont de plus en plus la possibilité de passer des doubles diplômes ». Leur lycée en ligne s’adresse tant à des élèves français que francophones. L’idée est donc d’aider les élèves à anticiper un éventuel retour en France, notamment en les formant aux spécificités du programme scolaire français. Et pour être soutenus dans leurs ambitions, les élèves du LyFEL pourront aussi compter sur le soutien d’une marraine : Océane Sorel, une virologiste française, vulgarisatrice scientifique au parcours fort inspirant.
Le réseau des FLAM développe l’enseignement en ligne
Rachèle de Méo, professeure de français et directrice de l’association FLAM San Diego, est récemment revenue vivre en France. Avec mari et enfants, après de nombreuses années passées aux États-Unis. Alors que ses enfants rejoignaient une école américaine et qu’elle cherchait un moyen de continuer à favoriser leur apprentissage du français, une amie lui a appris l’existence des associations “FLAM” (Français langue maternelle). Destiné à appuyer les associations proposant des activités linguistiques et culturelles en français dans un cadre extrascolaire, le dispositif FLAM a été créé par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en 2001.
Devant l’absence d’une telle association dans la ville, Rachèle de Méo initie en 2019 la création d’une FLAM à San Diego. Avant, elle avait enseigné le français langue étrangère dans deux universités de cette ville de Californie. Elle y avait expérimenté l’enseignement à distance, et avait dû passer une certification spécifique pour cela. De quoi lui donner quelques habitudes dans le domaine, ce qui n’a sans doute pas été de trop, au vu du contexte de la date d’ouverture de la FLAM, en 2020, en pleine pandémie du Covid. Pour cela, elle s’appuye sur son bagage universitaire, pour “former tous les professeurs à l’enseignement virtuel”, avec l’intervention d’une psychologue d’école. Cette dernière “continue de former les professeurs, pour des choses comme la concentration. Il y des mouvements des yeux qu’on peut faire, ou par rapport au temps que peuvent passer de jeunes enfants devant un écran, parce qu’on en a dès l’âge de quatre ans”.
« La première année d’enseignement en ligne, c’est la plus difficile, il faut se serrer les coudes. »
Rachèle de Méo, Flam San Diego
Maintenant que les confinements sont loin derrière nous, la FLAM continue de dispenser des cours virtuels, en plus de ceux en présentiel. Et ces cours en ligne sont aussi dispensés à des élèves vivant dans d’autres villes, à travers les États-Unis. En ce qui concerne les cours proposés, la directrice met l’accent sur la nécessité d’être à l’écoute des demandes des adhérents. Ainsi, la FLAM a ouvert récemment un cours “FLE” (français langue étrangère) en ligne pour adultes, à destination des conjoints non français.
Enseigner à distance
Sur le plan pédagogique, l’enseignement en ligne n’est pas forcément synonyme d’immobilité, explique Rachèle de Méo : “les professeurs font beaucoup d’activités physiques. Par exemple, ils vont dire aux enfants d’aller prendre quelque chose de rouge dans leur chambre. Comme ça ils ne sont pas tout le temps devant l’écran.”
Selon la directrice, “la première année d’enseignement en ligne, c’est la plus difficile, il faut se serrer les coudes”. Elle explique qu’il y a “beaucoup de travail en amont, car il faut mettre toutes les ressources en ligne, pour que les élèves y aient accès”, et que les années suivantes sont plus faciles.
Au sein de la FLAM, les classes sont de petite taille, ce qui permet un accompagnement “sur mesure” des élèves. Et le distanciel n’est pas un vain mot dans l’association, puisque seul un quart des enseignants enseignent sur San Diego, en présentiel. Les autres donnent leurs cours depuis Mexico, Marseille ou encore Lisbonne. Des professeurs qui se réunissent tous les deux mois, à distance. Ces pratiques d’enseignement à distance sont davantage rentrées dans les mœurs, depuis l’expérience des confinements où ils ont parfois dû faire office de professeur, constate Rachèle de Méo : “beaucoup de parents qui ne connaissaient peut-être pas le métier, ont pris un autre regard par rapport à l’enseignement. Ils ont moins un regard fermé, et on a aussi beaucoup plus de ressources maintenant”.
Une chose est sûre, au train où vont les choses, et à l’instar du monde de l’entreprise, le monde de l’éducation n’a sans doute pas fini de s’interroger sur le bon équilibre entre présentiel et distanciel.
Auteur/Autrice
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Etienne Antelme est journaliste indépendant. Après un parcours de formation en sociologie, ses centres d'intérêt et son envie d'écrire l'ont amené vers le journalisme. Avec comme points d'ancrage principaux la culture, les multiples "mondes" du travail, ou encore l'économie sociale et solidaire, il écrit pour différents médias web et print.
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