Énergie-climat : le gouvernement se prépare à bondir en arrière

En consultation au CESE, le projet de loi énergie-climat minore les objectifs de baisse de consommation d’énergie et supplante la division par quatre des émissions de GES, entre 1990 et 2050, par le concept flou et non contraignant de neutralité carbone.

C’est une petite loi qui va faire couler des torrents d’encre. Plusieurs médias, dont le JDLE, ont eu connaissance, ce jeudi 7 février, de la dernière mouture du projet de loi « énergie-climat ». Envoyé pour consultation au conseil économique, social et environnemental (CESE), ce texte compte tout juste 5 articles.

Comme prévu, il crée officiellement le Haut Conseil pour le climat (HCC), annoncé en novembre dernier par Emmanuel Macron. Présidé par la climatologue Corinne Le Quéré, le HCC sera composé « d’au plus » 13 personnalités qualifiées.

Les 13 du HCC

Organisme indépendant, « placé auprès du Premier ministre » (sic) et hébergé dans les locaux de France Stratégie, le HCC devra rendre « chaque année un rapport portant sur le respect de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre. »

L’aréopage devra aussi veiller à « la bonne mise en œuvre des politiques et mesures pour réduire les émissions nationales de gaz à effet de serre, développer les puits de carbone, réduire l’empreinte carbone et développer l’adaptation au changement climatique, y compris leurs déclinaisons territoriales en s’appuyant sur les documents de planification territoriale. »

Le Gouvernement disposera d’un délai de 6 mois pour répondre à ces rapports devant le Parlement et le Conseil économique, social et environnemental. Cet article 2 devra être complété par un décret qui déterminera les modalités de fonctionnement et le budget du HCC.

Le retour des éoliennes ?

Sujet qui réjouira les promoteurs des énergies renouvelables électriques : l’Autorité environnementale. L’article 3 ouvre la voie à la (re)création de cette instance dont la disparition dans le paysage administratif français a fortement ralenti le déploiement des renouvelables, éolien en tête.

Feuilleton de ces derniers mois, la fraude aux certificats d’économie d’énergie (CEE) n’a pas été oubliée non plus. L’article 4 renforce le contrôle du dispositif créé par la loi Pope de 2005.

Paquet énergie climat 2030

L’article 5 autorise le gouvernement à transcrire par ordonnance les règlements et directives européens du paquet hivernal (paquet énergie climat 2030). « Cela laisse craindre une version minimaliste », commente Anne Bringault coordinatrice transition énergétique pour le CLER et le réseau action climat.

C’est l’article 1 qui commence à déchainer les passions. En son premier alinéa, il remplace la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 (le facteur 4 était gravé dans le marbre juridique par la loi Pope de 2005) par un objectif de neutralité carbone, toujours à l’horizon 2050.

Adieu facteur 4

Pour Arnaud Gossement, il s’agit clairement d’un recul : « nous passons ici d’une logique de seule réduction des émissions de gaz à effet de serre à une logique d’équilibre entre les émissions et les absorptions », souligne l’avocat spécialisé. De quoi redonner le sourire aux promoteurs des technologies de captage-stockage géologique du carbone (CSC). « Cela étant, temporise Anne Bringault, la stratégie nationale bas carbone prévoit déjà une baisse de 83 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. Pour réconcilier tout le monde, il suffirait, peut-être, de chiffrer à ce niveau la diminution des émissions. »

Moins de baisse de consommation d’énergie

Il sera, en revanche, difficile de réconcilier tout le monde avec les autres alinéas du premier article. À commencer par celui révisant à la baisse l’objectif de diminution des consommations d’énergie. Pour 2030, celui-ci est désormais fixé à -17 % (par rapport à 2012), contre -20 %, initialement. Cette baisse ne sera obtenue qu’en rénovant massivement le parc immobilier. Ce qui, au regard du système actuel, semble totalement illusoire.

Autre sujet de fâcherie : l’abaissement à 50 % de la part du nucléaire dans la production française d’électricité. Fixée en 2025 par la loi de transition énergétique de 2015, cette échéance est portée à 2035. Ce qui nécessitera la fermeture d’une quinzaine de réacteurs de 900 MW. Un premier projet de calendrier de fermeture a été publié, il y a quelques jours, dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Un petit manque dans cette petite loi énergie-climat : le charbon. Pas une ligne sur la fermeture des dernières centrales au charbon françaises, pourtant prévue pour 2022. À moins, bien sûr, que d’ici là, toutes se mettent à brûler un mélange de charbon et de biomasse. Ce qui leur permettrait, indique le projet de PPE, de poursuivre leur activité au-delà de cette échéance fatidique.

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