Dix ans après, le Printemps arabe n’a fleuri qu’en Tunisie

Dix ans après, le Printemps arabe n’a fleuri qu’en Tunisie

Il y a dix ans, des manifestations antigouvernementales ont éclaté en Tunisie, entraînant la chute de Zine El-Abidine Ben Ali en janvier 2011, la transition du pays vers la démocratie et le début du Printemps arabe. Rétrospective.

« Nous avons accompli énormément de progrès politiques, mais de nombreux défis nous font encore obstacle, tant sur le plan social que sur le plan économique », a récemment déclaré le politique et législateur Naoufel El Jammali dans un entretien avec Euractiv.

Des institutions encore fragiles

Néanmoins, les institutions démocratiques du pays marchent sur des œufs. Tandis que huit Premiers ministres se sont succédé en neuf ans, force est de constater que l’économie connaît une croissance sclérotique. Tels sont les facteurs qui ont contribué au mécontentement croissant de la population, dont les répercussions pourraient aller au-delà d’un taux de participation en berne lors des prochaines élections.

Selon M. El Jammali, ancien ministre de l’Ennahdha, le parti islamiste tunisien considéré comme la plus grande formation politique du pays depuis la révolution de 2011, la réforme et la croissance économique sont essentielles pour maintenir la démocratie du pays à flot.

La croissance n’est pas présente au rendez-vous

Pour l’heure, la relance économique ne présente que peu d’indicateurs au vert. Le chômage chez les jeunes demeure très élevé, à l’instar de la migration en Europe, un signe supplémentaire de la pénurie d’emplois.

Alors que la Tunisie doit désormais rembourser un prêt à hauteur de 2,9 milliards de dollars octroyé par le Fonds monétaire international (FMI), les caisses de l’État subissent également les retombées de la pandémie de Covid-19. L’économie devrait ainsi connaître une baisse de 7 % en 2020, après plusieurs années de croissance légère.

« Le mécontentement est grand au sein de la société tunisienne. La population est aussi mécontente qu’à l’époque datant d’avant la Révolution  ; à la différence qu’autrefois, nous n’avions pas le droit d’en parler. Désormais, les citoyens ont le droit d’exprimer leur colère. Je pense que c’est normal », a fait savoir l’ancien ministre.

Unifier le paysage politique

Une réforme de la loi électorale est toujours envisageable dans le but de réduire le niveau de fragmentation politique à la source d’une série de coalitions gouvernementales fragiles. D’après les législateurs, cela n’impliquerait pas de modifier la Constitution rédigée en 2014, mais plutôt davantage de conflits politiques concernant les institutions en place, à une époque où la plupart des Tunisiens espèrent de tout cœur que les perspectives économiques s’amélioreront.

« Il y a beaucoup de groupes au sein du parlement, ce qui rend difficile la constitution d’un gouvernement, d’une coalition solide », a soutenu M. El Jammali. « Nous devons sérieusement prendre en compte la possibilité de modifier la loi électorale ».

Même si l’Ennahdha représente le parti le plus important depuis 2011, il est resté en dehors du gouvernement une majeure partie de ces dix dernières années. Parallèlement, il connaît une baisse constante de soutien, occupant seulement 24 % des sièges du parlement en 2019, par rapport à 32 % en 2014 et 41 % en 2011.

« Nous n’avons pas de ministre, mais pour le bien du pays, nous choisissons de soutenir ce gouvernement », a indiqué le politique tunisien.

La corruption encore très présente

La corruption, les difficultés économiques, les inégalités et le taux élevé de chômage ont agi comme catalyseurs du Printemps arabe. De ce fait, la persistance de bon nombre de ces problèmes a soulevé plusieurs inquiétudes selon lesquelles le soutien public pour un retour à l’autocratie pourrait augmenter, comme en témoigne la situation en Égypte. Un risque reconnu par M. El Jammali, bien que ce dernier ait foi dans le fait que les Tunisiens ne perdront pas espoir.

« Une croissance économique solide. Voilà ce qui nous aidera à surmonter les défis sociaux et la nostalgie dictatoriale », a-t-il poursuivi.

« Les Tunisiens perçoivent la différence entre la dictature et la démocratie. À l’heure actuelle, ils se rendent compte qu’ils ont voix au chapitre, qu’ils peuvent s’exprimer, sans craindre de finir derrière les barreaux. C’est quelque chose de précieux. Je ne pense pas que nous retournerons en arrière ».

Entre-temps, le législateur appelle les dirigeants européens à maintenir leur soutien économique et politique à la Tunisie.

« Si – Dieu nous en garde – la situation tourne à l’échec, les répercussions entraînées à travers la région seraient néfastes. L’Europe doit protéger la démocratie tunisienne et continuer à nous soutenir ».

Alors que le Printemps arabe s’est révélé être une lueur d’espoir trompeuse dans beaucoup de pays, la Tunisie est parvenue à tirer le mieux son épingle du jeu, malgré les difficultés économiques actuelles.

« Par rapport à d’autres pays, nous sommes les seuls survivants. Historiquement parlant, la lumière a toujours brillé sur la Tunisie », a conclu Naoufel El Jammali.

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