Discussions houleuses sur la fiscalité des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale

Discussions houleuses sur la fiscalité des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale

En plein débat sur le budget national pour 2023, impossible de ne pas évoquer l’imposition, et en particulier celle des Français de l’étranger. Et malheureusement, encore en 2022, les caricatures sur les expatriés sont bien présentes dans l’hémicycle du Palais Bourbon. Hier, en plein débat, le député des Français de la péninsule ibérique, Stéphane Vojetta, est intervenu pour « remettre l’église au centre du village ». Tandis que Karim Ben Cheïkh a lui présenté l’amendement 2084 qui visait à instaurer la résidence de repli.

Appauvrissement de la France ?

La colère du député est née sur les bancs de l’assemblée nationale alors que le Rassemblement national amalgamait l’ensemble des Français résidant à l’étranger aux évadés fiscaux. En effet, pour la députée Masson (Alpes Maritimes, RN), si les cerveaux fuient, si les jeunes quittent le territoire, c’est uniquement pour des raisons fiscales.

Pour y remédier, son groupe propose une exemption fiscale pour les jeunes de moins de 30 ans qui resteraient sur le territoire national. Une proposition qui réduit les motivations des jeunes Français à tenter l’aventure à l’étranger à une simple « fuite fiscale ».

L’amendement fut largement rejeté.

Imposition par delà les frontières

Mais la séance n’avait pas fini d’énerver notre député des Français de l’étranger, Stéphane Vojetta, car la France insoumise a aussi proposé un amendement caricatural pour les Français de l’étranger.

C’est donc encore le retour de l’imposition au passeport. LFI propose que l’administration fiscale prenne connaissance des impôts payés par un Français domicilié dans un autre pays et de collecter le delta si le contribuable paie moins dans le pays de résidence qu’il aurait payé en France.

Stéphane Vojetta
Stéphane Vojetta

Pour le président de la Commission des Finances, Eric Coquerel (Nupes), c’est un dispositif qui permettrait de lutter contre l’évasion fiscale. Mais pour le gouvernement, cet amendement serait en contradiction avec l’usage international de taxer selon le lieu de résidence et obligerait la France à renégocier toutes les conventions fiscales qu’elle a signées avec de nombreux pays. Il fut lui aussi rejeté.

L’expatriation, un choix de vie et non de fiscalité

C’est après avoir écouté les arguments des défenseurs de ces amendements que Stéphane Vojetta demanda la parole pour mettre fin à cette litanie de préjugés sur les Français qui résident hors de France.

« Toujours la même caricature, un Français de l’étranger est forcément un expatrié fiscal. (…) Vous ne connaissez pas les Français de l’étranger, vous les méprisez… »

Stéphane Vojetta à l’Assemblée nationale le 12 octobre 2022

Par son intervention, le député des Français de la péninsule ibérique a tenté d’éclairer l’Assemblée nationale sur les réelles motivations de ceux qui s’expatrient, le font par goût de l’aventure, par curiosité, ouverture sur le monde ou tout simplement pour trouver un emploi.

Intervention de Stéphane Vojetta le 12 octobre 2022

Le débat sur ces amendements a aussi mis en lumière la situation des Français disposant de la double nationalité avec les Américains qui sont poursuivis par l’administration fiscale des USA et qui sont confrontés à de nombreux problèmes bancaires. Une situation que l’Assemblée nationale a finalement décidé de ne pas imposer à nos compatriotes, et ce malgré le vote des membres du groupe Les Républicains qui se sont joints à LFI et le RN.

Le retour de l’Exit Tax

Si Les Républicains ont voté le texte sur l’imposition au passeport, c’est tout simplement parce que Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, l’avait proposé au moment où il avait mis en place l’Exit Tax.

Un dispositif depuis abandonné mais que Fabrice Brun, député Les Républicains pour la 3ème  circonscription de l’Ardèche, a décidé de ressusciter via cette taxation sur les fonds des chefs d’entreprises qui seraient transférés vers un autre pays sans justificatif professionnel précis ou pour des impératifs familiaux autorisés.

Amendement proposé par Fabrice Brun et accepté en Commission des Finances

Si l’amendement a été adopté en commission, ils étaient peu à penser qu’il serait voté. Ainsi, l’amendement LR, soutenu par 155 voix contre 133, rétablit une taxe sur les «plus-values latentes» de chefs d’entreprise qui décident de transférer leur domiciliation fiscale à l’étranger, en cas de cession effective de leur patrimoine en France dans les 15 ans après leur départ. Une contrainte qui ne laissera pas indifférents les Français qui espéraient vendre leurs actifs pour profiter de leur retraite.

Combler les trous avec les expatriés…

Pandémie, inflation, guerre, crises énergétique et climatique plombent le budget de la Nation. Les parlementaires sont donc en recherche de fonds, quitte à déroger au droit international et en caricaturant une partie de la population, soit plus de 2 millions de Français de l’étranger.

… et les détacher de la France

Le député NUPES Karim Ben Cheïkh a lui déposé un amendement visant à assimiler la résidence détenue par les Français de l’Etranger à une résidence principale afin d’alléger la lourde fiscalité qui s’applique aux résidences secondaires, obligeant souvent nos compatriotes résidant hors de France à céder leur bien.

Intervention de Karim Ben Cheïkh le 12 octobre 2022

Le dispositif proposé par le député des Français du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest s’inspirait pourtant de la proposition du candidat Macron. Il l’a complétée en élargissant la possibilité d’une résidence de repli à un logement mis en location dans l’attente du retour.

Mais cet amendement reçut un avis défavorable du gouvernement, malgré l’intervention de la jeune députée des Français d’Amérique du Sud, Eléonore Caroit, rappelant que les Français de l’étranger sont nombreux à être nés hors de France et que toute incitation fiscale leur permettant de renouer avec notre pays est bienvenue. Pourtant, elle finira, par fidélité à son parti, par voter contre l’amendement comme le souhaitait le gouvernement.

Intervention d’Eléonore Caroit le 12 octobre 2022
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