Deux ans après le Brexit, le Royaume-Uni ne sait toujours pas sur quel pied danser ! 

Deux ans après le Brexit, le Royaume-Uni ne sait toujours pas sur quel pied danser ! 

Le Brexit a changé la vie de nombreux Britanniques. Les commerçants qui s’étaient, par exemple, spécialisés dans la vente de produits grecs ou corses, y renoncent en raison des contraintes administratives. Seules les boutiques faisant appel à des grossistes de taille suffisante peuvent proposer ce type de produits mais à des prix devenus prohibitifs. 

Les échanges avec l’Union européenne se sont ralentis. Les exportations britanniques vers l’Europe sont passées de 70 000 à 42 000 types de produits, selon un article de chercheurs de l’Aston Business School. L’ensemble de l’économie britannique pâtit de la réduction du commerce avec le continent. Selon l’économiste John Springford, du Center for European Reform, le Brexit aurait réduit le PIB du Royaume-Uni de 5,5 % et entraîné une baisse de l’investissement de 11 %. 

Le Brexit a accentué les faiblesses du pays contrairement à ce qu’avait espéré ses partisans. La désindustrialisation s’est accentuée tout comme le déficit commercial. Les accords commerciaux signés avec la Nouvelle-Zélande ou l’Australie ne changent pas la donne, les échanges avec ces deux pays étant réduits. Les États-Unis qui avaient promis monts et merveilles sous la présidence de Donald Trump se montrent avares en soutien, la priorité de l’administration de Joe Biden étant d’entretenir de bonnes relations économiques avec l’Union européenne. 

« Out or in ? » 

Plus de six ans après l’adoption du Brexit, 60 % de la population britannique considère que ce choix était une erreur, mais seulement 25 % se prononcent en faveur de la réintégration. En revanche, 70 % des sondés sont pour un renforcement des relations avec l’Union européenne selon le centre de réflexion « Tony Blair Institute ». 

Manifestation en 2022 pour le retour dans l’UE à Londres ©AFP

Une normalisation des relations passe par l’adoption d’un tarif douanier plus favorable et par une simplification des démarches administratives. Le Royaume-Uni pourrait ainsi bénéficier d’un régime proche de celui en vigueur pour l’Islande, la Norvège ou la Suisse. Cette voie nécessiterait tout à la fois l’accord des tenants de la ligne dure au Royaume-Uni et des Européens qui n’entendent pas accepter un système de libre-échange sans compensation de la part des Britanniques. 

Le rapport de force est favorable à l’Union européenne, le marché britannique pesant de moins en moins dans les échanges avec les États membres. Après être sorti de tous les programmes européens, le Royaume-Uni se montre plus coopératif, depuis le départ de Boris Johnson. Il a ainsi rejoint un programme visant à déplacer rapidement le matériel militaire à travers les frontières et s’est porté volontaire pour aider à surveiller la frontière sud de l’Union européenne pour faire face à l’arrivée de migrants. En décembre, il a décidé de participer au programme de l’Union visant à construire des parcs éoliens et des interconnexions électriques en mer du Nord. Les responsables britanniques rêvent d’une participation à la carte afin de tirer parti de l’Union et de ne pas être isolés sans être soumis aux contraintes de l’Union. 

Le point d’achoppement le plus important entre Londres et Bruxelles concerne l’Irlande du Nord. Le refus de Boris Johnson de respecter le protocole du traité commercial qui permettait de maintenir la province dans le marché unique a provoqué d’importantes tensions. Le gouvernement britannique a contourné le traité en imposant une frontière douanière et réglementaire dans la mer d’Irlande, sachant que celle-ci ne pouvait pas être mise en œuvre entre l’Irlande du Nord et celle du Sud. Le Parlement britannique est appelé prochainement à se prononcer sur la suppression unilatérale des éléments du protocole concernant la frontière irlandaise. En réponse, l’Union a gelé la participation du Royaume-Uni à « Horizon », un programme de recherche scientifique, et à « Copernicus », un programme de satellites spatiaux, ainsi qu’à plusieurs accords de coopération entre les régulateurs (concurrence et services financiers notamment). 

Des marges de manœuvre réduites 

Le nouveau Premier ministre, Rishi Sunak, a promis de trouver une solution pour l’Irlande avant le 25e anniversaire de l’accord de paix du Vendredi saint au mois d’avril. Les députés anti-brexit restent néanmoins opposés au protocole et surtout au pouvoir d’arbitrage donné à la Cour de Justice de l’Union européenne. Le degré d’ouverture de Rishi Sunak est relatif car il a indiqué son intention de remettre en cause toutes les normes européennes. Il souhaite accorder une plus grande liberté aux services financiers ainsi qu’aux secteurs de l’intelligence artificielle et des sciences de la vie. 

Un projet de loi visant à modifier ou à abroger toutes les lois de l’Union devrait être par ailleurs adopté d’ici la fin de 2023. Cette divergence des normes rendra encore plus difficiles les échanges. En cas de durcissement de la position britannique sur l’affaire irlandaise, la Commission de Bruxelles pourrait suspendre l’accord commercial en vigueur ce qui signifierait une forte augmentation des droits de douane. Le changement des normes pourrait ralentir les échanges obligeant des autorisations au cas par cas. Les accords sur la pêche et l’électricité qui doivent être reconduits en 2025 pourraient être abandonnés. 

Le rendez-vous de 2025, possibilités et limites 

Les relations commerciales avec l’Union pourraient rester compliquées jusqu’aux élections qui sont prévues justement en 2025. Une victoire travailliste, actuellement pronostiquée par les sondages, pourrait déboucher sur une normalisation plus rapide des relations avec l’Union européenne. La question de l’assouplissement des contraintes réglementaires appliquées aux échanges sera l’un des objectifs du gouvernement travailliste. 

Boris Johnson avait souhaité instituer un système complexe afin de tourner la page de l’Union et souligner la souveraineté restaurée du Royaume-Uni. Le négociateur européen Michel Barnier avait également prôné l’instauration de dispositions réglementaires contraignantes afin de ne pas inciter de nouveaux pays à sortir de l’Union européenne. Le Royaume-Uni n’avait pas vocation à être un membre fantôme du marché unique qui en aurait tiré tous les avantages sans en payer le prix. En 2019, un Brexit dur convenait à tout le monde. Le Labour propose de revenir à un système plus souple en particulier pour les échanges de produits agricoles. 

Les déplacements des artistes et des hommes d’affaire devraient être également facilités. Le Royaume-Uni est de plus en plus exclu des grandes tournées internationales en raison des contraintes qui pèsent sur les non-résidents souhaitant travailler, même de manière temporaire, sur son territoire. Les représentants du Labour entendent également trouver un accord sur les normes. Ils souhaitent par ailleurs, l’adoption d’un traité de sécurité avec l’Union européenne. Les partisans du Brexit avaient mis en avant la nécessité d’être dans ce domaine complètement autonome de l’Union. 

Du côté de l’Union européenne, l’intégration du Royaume-Uni à l’Espace Économique Européen auquel participe la Norvège ou l’Islande, ou à l’AELE n’est pas d’actualité. L’idée d’une voie médiane pourrait s’imposer. Le Royaume-Uni qui est traité comme le Canada pourrait se rapprocher du système en vigueur pour la Norvège. 

D’ici quelques années, le Royaume-Uni et l’Union européenne seront amenés à éclaircir leurs relations. Dix ans après le Brexit, les tensions seront moindres, permettant de modifier le traité commercial. Cette éventuelle renégociation interviendra dans un contexte tout autre. 

La pandémie et la guerre en Ukraine provoquent de nombreux changements. La coopération en matière de santé et de défense est devenue en Europe une priorité. Le Royaume-Uni qui demeure une puissance militaire importante ne peut pas négliger les conséquences de la guerre en Ukraine. Les États membres ne peuvent pas, quant à eux, se priver de l’allié britannique. Au niveau de l’énergie, l’interdépendance est également de mise. De part et d’autre de la Manche, une révolution de pensée sera sans nul doute nécessaire. Les dirigeants britanniques devront reconnaître le bien-fondé du droit européen et les représentants des États membres les spécificités de la Grande Bretagne.

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